Depuis deux ans, le Liban connaît une vague d’abandon de chiens sans précédent. Selon plusieurs ONG, quelque 40 000 chiens et chats sont en errance.
«Pour chaque chien acheminé au Canada, cinquante autres ne trouvent pas un abri au Liban.» Depuis déjà un an, Nada, sauveteuse indépendante, s’est trouvée une nouvelle mission. Celle de sauver des chiens abandonnés dans la rue au vu de la crise économique en leur trouvant un nouvel abri au Canada. Une mission qui, estime-t-elle, est perdue d’avance «puisqu’il est impossible de les sauver tous». «C’est une déferlante impossible à gérer», lâche-t-elle sur un ton défaitiste. Un cri désespéré que lancent d’ailleurs tous les sauveteurs de chiens dans le pays.
Depuis deux ans, le Liban connaît une vague d’abandon de chiens sans précédent. En cause, certes la crise économique, mais aussi «la mentalité de nombreuses personnes pour qui le chien est une commodité» et «l’absence de tout sens responsabilité chez des Libanais dans différents domaines». «Les animaux domestiques en paient le prix», se désole Nada. Un constat terrible pour les sauveteurs: «L’animal n’est qu’un bien dont on peut disposer comme d’un objet.»
Errance et abandon
Pour beaucoup, le fait de stériliser un chien est «haram». Il ne faut pas jouer avec la nature. Souvent, ce sont ces mêmes personnes qui abandonnent très facilement leurs canins. Or une chienne fait deux portées par an. Ce qui laisse des dizaines de chiots supplémentaires dans la rue. Les abandons ne sont qu’une des raisons pour lesquelles le Liban souffre d’une population de plusieurs dizaines de milliers de chiens errants.
Il n’existe pas de statistiques officielles sur leur nombre. Selon plusieurs ONG, ils seraient quelque 40.000 chiens et chats errants. Un chiffre qui englobe autant les animaux nés en errance et vivant dans la rue que ceux domestiques abandonnés. Un chiffre énorme si l’on considère la petite superficie du pays et sa grande urbanisation.
Le manque d’une législation claire en matière de contrôle de population d’animaux domestiques (pas d’obligation de stérilisation, pas de contrôle de vaccins, pas d’obligation d’inscription auprès de la municipalité…) permet aux municipalités et individus d’en disposer à leur guise: tueries en masse par poison ou par tirs. Les cas se répètent chaque année et occupent de plus en plus la une des médias.
Cette solution n’est pas efficace. Elle est même dangereuse. Essentiellement parce qu’il faut plus qu’un coup de fusil pour tuer un chien. Détailler les méthodes de tueries est assez gore et implique un effort qui rend de se débarrasser des chiens est trop souvent prémédité. De plus, un chien blessé, terrorisé, qui lutte pour sa survie, risque d’être dangereux.
Que disent les sauveteurs?
Les pages Facebook pour les adoptions et sauvetages de chiens se sont multipliées de manière exponentielle ces dernières années. De plus, tous les jours les sauveteurs et les ONG reçoivent des dizaines d’appels à l’aide pour des cas qui vont des plus bénins aux plus violents.
«On ne peut plus leur donner à manger», «On quitte le pays, vous avez 24 heures pour lui trouver une maison, sinon on le jette», «Je/ma sœur/ma femme est enceinte», «Mes enfants n’en veulent plus», «Je l’ai reçu en cadeau et il fait pipi!», «Il a trop grandi!», «Il est trop vieux! Je n’en veux plus. Prenez-le et donnez-moi un plus jeune», «Je pars, je ne vais pas m’embêter avec. Je prendrai un autre là-bas», «La bonne est partie. Il n’y a plus personne pour s’en occuper»… autant de prétextes avancés aux sauveteurs pour se débarrasser de son animal domestique.
Résultat: plus de 250 chiens sont acheminés chaque année en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada par BETA, RDL-C et Animals Lebanon, mais aussi, depuis 2016, par des particuliers sensibilisés à la cause par les cas d’abus rapportés sur les réseaux sociaux.
Envoyer des chiens à l’étranger est de moins en moins facile, surtout avec les restrictions de voyage liées au Covid-19. Il s’agit d’une mission que quelques personnes se sont assignée. Elle est coûteuse et longue, nécessitant une bonne organisation. Elle implique une rigueur sans faille afin d’être en règle et dans le plus pur respect des règles et normes du pays hôte.
Histoires de sauveteurs
Ces sauveteurs-héros qui opèrent des miracles au quotidien, loin des projecteurs, se souviennent de leurs débuts. Pour Lina Farhat, c’était deux boxers à qui il fallait trouver une maison. Pour Marianne Mouawad, c’était l’appel d’une amie qui avait besoin d’aide avec un chiot, puis le cas de la jambe cassée d’un Golden retriever «qui m’a brisé le cœur». Pour Hind Araiji, tout a commencé avec le désir de faire une donation, suivie par le désir de connaître le sort du chien. Pour Helena Husseini, elle a «toujours sauvé des animaux», mais c’est en 2006 qu’elle s’engage dans une ONG, BETA. Cynthia Achkar a entamé sa mission au Canada. «C’est mon opération ratée d’un ligament déchiré au genou qui a été le point déclencheur», confie-t-elle. Son premier cas était un chien à qui on avait coupé les deux pattes arrière «exprès!» et qu’elle avait ramené de Jordanie.
Les histoires se multiplient et se ressemblent. Tout part d’un amour pour les animaux qui prend tellement d’ampleur «qu’on ne peut plus dire non». Helena évoque des souvenirs douloureux d’un ton détaché qui ne tarde pas à changer: «Les images de chiens et chats qui souffrent me hante. Un chien de garde dans un palais, à peine nourri, qui a rendu son dernier soupir de faim dans mes bras.» D’autres racontent à leur tour: Un husky blanc, superbe, écrasé par une voiture, le dos complètement fracassé. Un chien attaché et affamé, avec un crochet en métal rentré dans le cou…
À chaque sauveteur, son histoire, ses fantômes, ses deuils, mais aussi ses succès. Sauf que la crise économique atteint aussi les sauveteurs qui ont du mal à nourrir les chiens et payer les factures de vétérinaire. Malgré de nombreuses donations, sauver des chiens au Liban reste une mission extrêmement difficile et émotionnellement drainante. Avec les circonstances et les mentalités qui y prévalent, c’est un sacerdoce.
«Pour chaque chien acheminé au Canada, cinquante autres ne trouvent pas un abri au Liban.» Depuis déjà un an, Nada, sauveteuse indépendante, s’est trouvée une nouvelle mission. Celle de sauver des chiens abandonnés dans la rue au vu de la crise économique en leur trouvant un nouvel abri au Canada. Une mission qui, estime-t-elle, est perdue d’avance «puisqu’il est impossible de les sauver tous». «C’est une déferlante impossible à gérer», lâche-t-elle sur un ton défaitiste. Un cri désespéré que lancent d’ailleurs tous les sauveteurs de chiens dans le pays.
Depuis deux ans, le Liban connaît une vague d’abandon de chiens sans précédent. En cause, certes la crise économique, mais aussi «la mentalité de nombreuses personnes pour qui le chien est une commodité» et «l’absence de tout sens responsabilité chez des Libanais dans différents domaines». «Les animaux domestiques en paient le prix», se désole Nada. Un constat terrible pour les sauveteurs: «L’animal n’est qu’un bien dont on peut disposer comme d’un objet.»
Errance et abandon
Pour beaucoup, le fait de stériliser un chien est «haram». Il ne faut pas jouer avec la nature. Souvent, ce sont ces mêmes personnes qui abandonnent très facilement leurs canins. Or une chienne fait deux portées par an. Ce qui laisse des dizaines de chiots supplémentaires dans la rue. Les abandons ne sont qu’une des raisons pour lesquelles le Liban souffre d’une population de plusieurs dizaines de milliers de chiens errants.
Il n’existe pas de statistiques officielles sur leur nombre. Selon plusieurs ONG, ils seraient quelque 40.000 chiens et chats errants. Un chiffre qui englobe autant les animaux nés en errance et vivant dans la rue que ceux domestiques abandonnés. Un chiffre énorme si l’on considère la petite superficie du pays et sa grande urbanisation.
Le manque d’une législation claire en matière de contrôle de population d’animaux domestiques (pas d’obligation de stérilisation, pas de contrôle de vaccins, pas d’obligation d’inscription auprès de la municipalité…) permet aux municipalités et individus d’en disposer à leur guise: tueries en masse par poison ou par tirs. Les cas se répètent chaque année et occupent de plus en plus la une des médias.
Cette solution n’est pas efficace. Elle est même dangereuse. Essentiellement parce qu’il faut plus qu’un coup de fusil pour tuer un chien. Détailler les méthodes de tueries est assez gore et implique un effort qui rend de se débarrasser des chiens est trop souvent prémédité. De plus, un chien blessé, terrorisé, qui lutte pour sa survie, risque d’être dangereux.
Que disent les sauveteurs?
Les pages Facebook pour les adoptions et sauvetages de chiens se sont multipliées de manière exponentielle ces dernières années. De plus, tous les jours les sauveteurs et les ONG reçoivent des dizaines d’appels à l’aide pour des cas qui vont des plus bénins aux plus violents.
«On ne peut plus leur donner à manger», «On quitte le pays, vous avez 24 heures pour lui trouver une maison, sinon on le jette», «Je/ma sœur/ma femme est enceinte», «Mes enfants n’en veulent plus», «Je l’ai reçu en cadeau et il fait pipi!», «Il a trop grandi!», «Il est trop vieux! Je n’en veux plus. Prenez-le et donnez-moi un plus jeune», «Je pars, je ne vais pas m’embêter avec. Je prendrai un autre là-bas», «La bonne est partie. Il n’y a plus personne pour s’en occuper»… autant de prétextes avancés aux sauveteurs pour se débarrasser de son animal domestique.
Résultat: plus de 250 chiens sont acheminés chaque année en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis et au Canada par BETA, RDL-C et Animals Lebanon, mais aussi, depuis 2016, par des particuliers sensibilisés à la cause par les cas d’abus rapportés sur les réseaux sociaux.
Envoyer des chiens à l’étranger est de moins en moins facile, surtout avec les restrictions de voyage liées au Covid-19. Il s’agit d’une mission que quelques personnes se sont assignée. Elle est coûteuse et longue, nécessitant une bonne organisation. Elle implique une rigueur sans faille afin d’être en règle et dans le plus pur respect des règles et normes du pays hôte.
Histoires de sauveteurs
Ces sauveteurs-héros qui opèrent des miracles au quotidien, loin des projecteurs, se souviennent de leurs débuts. Pour Lina Farhat, c’était deux boxers à qui il fallait trouver une maison. Pour Marianne Mouawad, c’était l’appel d’une amie qui avait besoin d’aide avec un chiot, puis le cas de la jambe cassée d’un Golden retriever «qui m’a brisé le cœur». Pour Hind Araiji, tout a commencé avec le désir de faire une donation, suivie par le désir de connaître le sort du chien. Pour Helena Husseini, elle a «toujours sauvé des animaux», mais c’est en 2006 qu’elle s’engage dans une ONG, BETA. Cynthia Achkar a entamé sa mission au Canada. «C’est mon opération ratée d’un ligament déchiré au genou qui a été le point déclencheur», confie-t-elle. Son premier cas était un chien à qui on avait coupé les deux pattes arrière «exprès!» et qu’elle avait ramené de Jordanie.
Les histoires se multiplient et se ressemblent. Tout part d’un amour pour les animaux qui prend tellement d’ampleur «qu’on ne peut plus dire non». Helena évoque des souvenirs douloureux d’un ton détaché qui ne tarde pas à changer: «Les images de chiens et chats qui souffrent me hante. Un chien de garde dans un palais, à peine nourri, qui a rendu son dernier soupir de faim dans mes bras.» D’autres racontent à leur tour: Un husky blanc, superbe, écrasé par une voiture, le dos complètement fracassé. Un chien attaché et affamé, avec un crochet en métal rentré dans le cou…
À chaque sauveteur, son histoire, ses fantômes, ses deuils, mais aussi ses succès. Sauf que la crise économique atteint aussi les sauveteurs qui ont du mal à nourrir les chiens et payer les factures de vétérinaire. Malgré de nombreuses donations, sauver des chiens au Liban reste une mission extrêmement difficile et émotionnellement drainante. Avec les circonstances et les mentalités qui y prévalent, c’est un sacerdoce.
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