L’affaire Al-Qard Al-Hassan n’est plus un secret pour personne. La petite association caritative créée en 1982, en pleine guerre, s’est développée par la suite de façon spectaculaire. Jusqu’à devenir aujourd’hui une vraie banque, mais sans permis. L’association est bien enregistrée au ministère de l’Intérieur dès 1987 comme toute organisation non gouvernementale. Mais son activité dépasse de loin le cadre caritatif. Elle dépasse aussi les activités traditionnelles et la taille d’un organisme de microcrédit, comme son activité principale peut le suggérer.
C’est à s’y méprendre
Un rapide coup d’œil sur son profil montre qu’elle est bien devenue une banque en bonne et due forme. Plus précisément une banque islamique, comme il y en a partout, dont trois ou quatre encore en activité au Liban. Elle en a tous les ingrédients: gros contributeurs, petits déposants, plans d’épargne, crédits, cartes, distributeurs de billets. Et pas une si petite banque. Selon de multiples enquêtes et investigations, le monstre qu’elle est devenue aligne des prêts en centaines de millions de dollars, des tonnes d’or et autres réserves en cash, des clients par centaines de milliers, 32 branches servies par 500 salariés à travers le pays (dans des régions à forte présence chiite)…
Ainsi évaluée, elle est de la taille d’une banque moyenne supérieure, juste après le top 10 des banques au Liban. Mais tout cela sans être régulée ou contrôlée par la Banque centrale (BDL) ou par le ministère des Finances. Elle fonctionne sans audit, sans impôts, sans contrôle sur la source des fonds ou leur utilisation, ou sur les profits, la gestion, l’activité, sans aucune assurance qu’elle se conforme aux lois locales, même celles concernant les organismes de microcrédit.
Mais selon les enquêtes passées et la praxis normale du Hezbollah, l’argent provient essentiellement de l’Iran, de quelques richards de la communauté, puis des multiples opérations de contrebande, de blanchiment et de drogue. D’ailleurs elle est soumise, depuis des années, aux sanctions américaines, d’Arabie saoudite et d’autres pays, comme organisation liée au terrorisme. Ce qui l’empêche de muter en banque alternative «normale». Jusqu’à maintenant…
Car au train où vont les affaires financières du pays, on risque de se diriger vers un autre schéma. Quel est donc ce train? Et ce schéma?
Au-delà de l’opinion qu’on peut avoir sur les pratiques bancaires, passées et actuelles (ce n’est pas l’objet de cet article), le cheminement financier des trois dernières années montre les aspects suivants: affaiblissement de la structure financière des banques suite à des taux de change multiples et diverses réglementations; pas de contrôle formel des capitaux; discréditation du secteur par des politiciens et des associations; crise de confiance; campagnes médiatiques au Liban et à l’étranger; harcèlement judiciaire mené par les juges du régime; plaintes à l’étranger... Et puis des plans étatiques pour anéantir ce qui reste des fondements bancaires.
Les plans coups de semonce
On a commencé par le plan de Hassan Diab qui a voulu (à la demande expresse des ministres du Hezbollah) créer cinq nouvelles banques pour remplacer les actuelles, vouées à la marginalisation, sinon la destruction. Puis Saadé Chami, connu pour son affiliation au PSNS, a prévu dans sa version d’affaiblir autant que possible le secteur pour pouvoir le cueillir à moindre frais.
Un projet de restructuration des banques est même en préparation sans que l’Association des banques (ABL) y participe, ou même soit mise au courant.
Entretemps, Al-Qard Al-Hassan ne cesse de grandir en offrant des dollars à profusion et en touchant de nouveaux pans de la population. Une population qui, suite à la crise, n’a plus accès à son épargne ou à un quelconque crédit. Al-Qard demeure alors la seule issue, et le tour est joué. Même si on n’adhère pas nécessairement à la théorie complotiste, le processus sur le terrain depuis 2019 a de quoi susciter des doutes.
La solution finale
Mais quelle serait l’issue, selon ce plan? Va-t-on assister à l’anéantissement complet des banques actuelles? Bien sûr que non. L’idée est de les affaiblir autant que possible, mais de les garder comme façade juste pour la forme. L’activité financière principale s’opèrerait alors via des outils comme Al-Qard Al-Hassan, et éventuellement d’autres structures affiliées, qui n’auraient pas le cachet chiite et ne seraient pas soumises aux sanctions. L’économiste Fouad Zmokhol pense aussi que cette pratique d’échanger les dollars bancaires contre des dollars frais à 20% de leur valeur risque de changer à terme l’identité de l’actionnariat bancaire au profit de «forces occultes». Une façon de contrôler ce qui reste des banques actuelles.
On sera alors dans un scénario de mise sous tutelle camouflée. C’est un peu comme pour la présidence de la République et d’autres institutions étatiques: on les garde pour le décor, sans les éliminer, mais on les rend inopérantes, en les remplaçant par des centres de décision parallèles et occultes.
C’est à s’y méprendre
Un rapide coup d’œil sur son profil montre qu’elle est bien devenue une banque en bonne et due forme. Plus précisément une banque islamique, comme il y en a partout, dont trois ou quatre encore en activité au Liban. Elle en a tous les ingrédients: gros contributeurs, petits déposants, plans d’épargne, crédits, cartes, distributeurs de billets. Et pas une si petite banque. Selon de multiples enquêtes et investigations, le monstre qu’elle est devenue aligne des prêts en centaines de millions de dollars, des tonnes d’or et autres réserves en cash, des clients par centaines de milliers, 32 branches servies par 500 salariés à travers le pays (dans des régions à forte présence chiite)…
Ainsi évaluée, elle est de la taille d’une banque moyenne supérieure, juste après le top 10 des banques au Liban. Mais tout cela sans être régulée ou contrôlée par la Banque centrale (BDL) ou par le ministère des Finances. Elle fonctionne sans audit, sans impôts, sans contrôle sur la source des fonds ou leur utilisation, ou sur les profits, la gestion, l’activité, sans aucune assurance qu’elle se conforme aux lois locales, même celles concernant les organismes de microcrédit.
Mais selon les enquêtes passées et la praxis normale du Hezbollah, l’argent provient essentiellement de l’Iran, de quelques richards de la communauté, puis des multiples opérations de contrebande, de blanchiment et de drogue. D’ailleurs elle est soumise, depuis des années, aux sanctions américaines, d’Arabie saoudite et d’autres pays, comme organisation liée au terrorisme. Ce qui l’empêche de muter en banque alternative «normale». Jusqu’à maintenant…
Car au train où vont les affaires financières du pays, on risque de se diriger vers un autre schéma. Quel est donc ce train? Et ce schéma?
Au-delà de l’opinion qu’on peut avoir sur les pratiques bancaires, passées et actuelles (ce n’est pas l’objet de cet article), le cheminement financier des trois dernières années montre les aspects suivants: affaiblissement de la structure financière des banques suite à des taux de change multiples et diverses réglementations; pas de contrôle formel des capitaux; discréditation du secteur par des politiciens et des associations; crise de confiance; campagnes médiatiques au Liban et à l’étranger; harcèlement judiciaire mené par les juges du régime; plaintes à l’étranger... Et puis des plans étatiques pour anéantir ce qui reste des fondements bancaires.
Les plans coups de semonce
On a commencé par le plan de Hassan Diab qui a voulu (à la demande expresse des ministres du Hezbollah) créer cinq nouvelles banques pour remplacer les actuelles, vouées à la marginalisation, sinon la destruction. Puis Saadé Chami, connu pour son affiliation au PSNS, a prévu dans sa version d’affaiblir autant que possible le secteur pour pouvoir le cueillir à moindre frais.
Un projet de restructuration des banques est même en préparation sans que l’Association des banques (ABL) y participe, ou même soit mise au courant.
Entretemps, Al-Qard Al-Hassan ne cesse de grandir en offrant des dollars à profusion et en touchant de nouveaux pans de la population. Une population qui, suite à la crise, n’a plus accès à son épargne ou à un quelconque crédit. Al-Qard demeure alors la seule issue, et le tour est joué. Même si on n’adhère pas nécessairement à la théorie complotiste, le processus sur le terrain depuis 2019 a de quoi susciter des doutes.
La solution finale
Mais quelle serait l’issue, selon ce plan? Va-t-on assister à l’anéantissement complet des banques actuelles? Bien sûr que non. L’idée est de les affaiblir autant que possible, mais de les garder comme façade juste pour la forme. L’activité financière principale s’opèrerait alors via des outils comme Al-Qard Al-Hassan, et éventuellement d’autres structures affiliées, qui n’auraient pas le cachet chiite et ne seraient pas soumises aux sanctions. L’économiste Fouad Zmokhol pense aussi que cette pratique d’échanger les dollars bancaires contre des dollars frais à 20% de leur valeur risque de changer à terme l’identité de l’actionnariat bancaire au profit de «forces occultes». Une façon de contrôler ce qui reste des banques actuelles.
On sera alors dans un scénario de mise sous tutelle camouflée. C’est un peu comme pour la présidence de la République et d’autres institutions étatiques: on les garde pour le décor, sans les éliminer, mais on les rend inopérantes, en les remplaçant par des centres de décision parallèles et occultes.
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