À l'occasion de la lecture-spectacle des Confessions de Beethoven d'Alexandre Najjar au théâtre Monnot, Ici Beyrouth a rencontré l'acteur Badih Abou Chakra et le pianiste Nicolas Chevereau pour éclaircir les rapports entre Beethoven l’homme et son œuvre.
La lecture-spectacle était à l’honneur cette semaine au théâtre Monnot, dirigé par Josiane Boulos. L’œuvre du grand prix de la francophonie 2021, Alexandre Najjar, Les Confessions de Beethoven, présentée à Paris, à Perpignan et au festival Al- Bustan, a été traduite pour l’occasion par le grand poète Henri Zoghaib et déclamée par le monstre sacré Badih Abou Chakra qui s’est transformé en lecteur-hakawati, mais en arabe littéraire, conjuguant ainsi la tradition parisienne de la lecture et la tradition beyrouthine populaire du conteur ou hakawati. Nicolas Chevereau, virtuose pianiste auréolé de prix, a accompagné la lecture au piano à travers un bouquet de sonates de Beethoven savamment choisies. Entretien.
Badih Abou Chakra: «Le théâtre n’est pas le lieu d’un règlement de compte»
Qu’est-ce qui vous a poussé à retourner sur les planches? Est-ce le texte d’Alexandre Najjar, sa belle traduction, ou votre admiration pour Beethoven? Ou encore le besoin de retrouver le public du théâtre?
Je privilégie le théâtre bien qu’il soit moins rentable que le cinéma ou les feuilletons télévisés. J’ai travaillé avec Alexandre Najjar lors du spectacle Mimosa au festival Al-Bustan. J’apprécie particulièrement chez lui la limpidité de son écriture et son habileté à exploiter les paradoxes, à nourrir les débats intellectuels. De même, la présence du talentueux pianiste Nicolas Chevereau, avec qui j’ai collaboré auparavant, la traduction excellente d’Henri Zoghaib, le théâtre Monnot lui-même et son public, toutes les composantes du succès sont là! Il était intéressant de découvrir également l’homme qui se cache derrière l’œuvre monumentale du génie. Quelle était donc la vraie vie de Beethoven, pourquoi était-il misanthrope, quels étaient ses rapports avec les femmes, sa vie sexuelle, sa vie politique? Il y a également sa déception liée à Napoléon qui me rappelle la révolution libanaise et les responsables crapuleux au pouvoir. J’ai aussi été interpellé par son histoire avec son neveu qu’il a voulu formater comme le font parfois les familles libanaises, croyant bien faire. Personnellement, je préfère ne pas exercer de pression sur mes enfants quant à leur choix de métier, même s’ils décident de suivre leurs désirs «les plus fous».
N’est-il pas difficile de capter l’attention du public par la seule lecture du texte, sans le recours au jeu théâtral? Quels sont les moyens que vous utilisez afin que le public réussisse son identification?
Justement, c’est cela l'enjeu de la lecture-spectacle: comment être proche et distant à fois; dans quelle mesure jouer et dans quelle mesure déclamer! Il ne s’agit pas d’imposer aux spectateurs une palette de sentiments, mais de les orienter subtilement et de laisser après libre cours à leur imagination. La lecture est un exercice très rigoureux, car il ne s’agit pas d’exhiber ses performances et de forcer la dose. Je me focalise sur le regard, le mouvement et la voix surtout, qui doit être audible et claire pour les centaines de spectateurs présents dans la salle, d’autant plus que je n’utilise pas de micro. Je profite des techniques de prononciation et de respiration intrinsèques à l’art dramatique pour faire ressortir les sonorités et maîtriser les ondulations de la voix. J’évite de jouer et j’évite également de lire avec neutralité et banalité. Pas de ficelles. Je n’utilise pas une ancienne recette qui a donné ses preuves, ce serait manquer de respect à mon public qui est friand de renouveau. Je ne commets pas d’abus de pouvoir. L’acteur ne peut pas dormir sur ses lauriers. Il doit mettre à l’épreuve continuellement son talent et son imagination.
Vous avez pris part activement à la révolution du 17 octobre, vous avez occupé la rue, crié vos revendications. En revanche, vous n’avez pas présenté jusqu’à ce jour une œuvre artistique engagée.
Dans l’un des passages des Confessions de Beethoven, il y a une dimension emblématique de ce que l’on vit, qui rappelle nos attentes déçues, nos espoirs volatilisés, les personnes qui ont tout fait pour gagner la confiance du peuple et qui, une fois sur le trône, ont balayé d’un revers de la main leurs serments et sombré dans la folie de la grandeur et la démesure. Cela est clair dans l’extrait montrant la déception de Beethoven et sa rancune contre Bonaparte qu’il vénérait. D’autre part, le théâtre n’est pas nécessairement le lieu d’un règlement de compte, le texte ne devant pas être intellectualisé à outrance. Quelque part, le public peut trouver des échos à ses obsessions, ses revendications et ses déceptions. Mais on ne peut pas réduire le texte à sa dimension sociopolitique. Personnellement, je suis contre le message en art et en littérature. Le théâtre est un espace de créativité, de liberté et d’imagination. Il devrait se plier à diverses interprétations.
Nicolas Chevereau: «Sans Beethoven le piano ne serait pas ce qu'il est»
Comment avez-vous rencontré Alexandre Najjar et comment s’est développée votre collaboration tissée de complicité?
Il y a huit ans, je l’ai rencontré sur un plateau de télévision française. La thématique de l’émission tournait autour du Liban. J’avais sorti mon premier disque de piano consacré à Nagi Hakim, le grand compositeur libanais, qui était mon professeur-mentor au conservatoire. J’avais eu pour l’homme et pour son enseignement un coup de foudre intellectuel très fort et il est resté pour moi un père spirituel. Alexandre Najjar présentait Le Dictionnaire amoureux du Liban. Comme je suis curieux, je lui ai demandé de m’envoyer ses poèmes. Ce fut le début d’une belle collaboration. J’ai mis ma musique sur ses Six chants d’amour puis sur ses Variations amoureuses. J’ai présenté un concert en hommage à la mère d’Alexandre Najjar, extrait de sa biographie Mimosa avec des morceaux classiques choisis à l’hôtel Al-Bustan. Et depuis, je retourne régulièrement au Liban. Je crois fortement aux liens entre le Liban et la France.
Selon quels critères avez-vous sélectionné les sonates de Beethoven qui accompagnent la lecture? Comment avez-vous souligné l’apport immense du génie allemand?
J’ai décidé de présenter au public deux sonates de Beethoven. La première et la dernière. La première sonate représente une certaine forme de classicisme et l’avant-dernière sonate est une perspective sur la musique moderne. Je joue également le Clair de lune de Beethoven, pour éviter que le concert ne soit trop cérébral. Concernant l’apport de Beethoven, je ne suis pas sûr que sans lui, on aurait le piano sous sa forme actuelle. Je m’explique un peu: Beethoven était sourd, mais ça ne l’a pas empêché de mener l’écriture pianistique à un sommet que personne n’avait atteint avant lui. Il s’est servi de la résonance du piano, qui est manifeste dans la sonate no 31 que j’ai jouée dans Les Confessions (un moyen qui n’a jamais été exploité avant lui). Il vivait à une époque où la facture instrumentale du piano était en développement, il a assisté donc à la création de ce qu’on appelle le piano-forte, l’ancêtre du piano moderne. À un moment, il répète la même note et il se sert de la pédale du piano pour amplifier cette répétition, et ça crée un effet de résonance qui est assez inouï quand on se rappelle qu’il était sourd. Il est à l’origine non seulement de l’évolution de l’écriture pianistique, mais de l’évolution du piano lui-même. Au conservatoire, on parle souvent du développement beethovénien. C’est la manière dont le génie allemand travaillait les thèmes et les mélodies. La première sonate que j’ai jouée ce soir est vraiment dans l’héritage de Haydn et de Mozart, présentant les formes prédéfinies de la sonate. Ainsi, il y a d’abord une exposition, un développement et une réexposition. Toute sa vie, Beethoven va travailler le développement, qu’on appelle en langage savant «le développement beethovénien». C’est-à-dire les développements amplifiés, longs, à sa manière à lui. Il a réussi à se servir des mélodies, à les développer d’une manière insolite. La sonate no 31 qui se situe à la fin de sa vie intègre la forme fuguée, «la fugue» étant une pièce issue de la musique baroque qui a été beaucoup utilisée par Bach. Beethoven a réintroduit la forme fuguée dans la forme sonate. Je vous dispense des détails techniques, l’essentiel étant de souligner qu’il a vraiment permis l’évolution de la facture instrumentale.
Qu’est-ce qui vous surprend chez Beethoven l’homme dans Les Confessions de Beethoven?
Ce qui en ressort c’est la dichotomie entre l’homme et l’œuvre. J’ai l’impression que Beethoven n’était pas forcément un modèle. Il a intenté un long procès à sa belle-sœur pour récupérer son neveu et il a menti et déformé la réalité pendant cinq ans. Il a engendré un mal fou à la maman et au fils, en l’occurrence son neveu qu’il voulait s’approprier. Ça me rappelle vaguement l’écrivain Céline qui a écrit une œuvre géniale, mais qui était dans la vie un être épouvantable.
Ce spectacle sera également présenté aux Bouffes parisiens. Entre les deux langues, les deux pays, les deux textes, quelles similitudes et quelles divergences pour vous?
Je suis très intéressé par les langues étrangères, car ça représente une vision du monde. Je me sens interpellé par la phonétique des mots en arabe, leur musicalité, pourtant, je ne comprends aucun mot d’arabe littéraire. Mais, comme j’ai joué dans la version originale française, j’essaie de situer la progression du spectacle grâce au jeu de l’acteur-lecteur. J’aurais aimé réfléchir à l’étude comparée des deux textes. Je comprends quelques mots du dialecte libanais que je trouve chantonnant. Les Libanais sont passionnés, emportés, méditerranéens! J’apprécie votre sens du respect avec un R majuscule qui se perd en France. À mon avis, il y a d’un côté le peuple et de l’autre les politiciens, deux faces complètement antinomiques du Liban, la médaille et son revers.
Beethoven était misanthrope. Les artistes ont besoin de solitude, de rentrer dans leur bulle pour créer. Qu’en est-il de vous?
Composer c’est explorer ses tréfonds. À la base, j’étais extrêmement solitaire. À 18 ans, je ne voyais personne. Grâce à mes concerts à l’étranger, je me suis ouvert sur le monde. Honnêtement, le confinement en lui-même ne m’a jamais dérangé. J’ai l’habitude d’être «confiné» chez moi pour travailler mon piano. Mais quand j’avoue cela, les gens me regardent bizarrement.
La lecture-spectacle était à l’honneur cette semaine au théâtre Monnot, dirigé par Josiane Boulos. L’œuvre du grand prix de la francophonie 2021, Alexandre Najjar, Les Confessions de Beethoven, présentée à Paris, à Perpignan et au festival Al- Bustan, a été traduite pour l’occasion par le grand poète Henri Zoghaib et déclamée par le monstre sacré Badih Abou Chakra qui s’est transformé en lecteur-hakawati, mais en arabe littéraire, conjuguant ainsi la tradition parisienne de la lecture et la tradition beyrouthine populaire du conteur ou hakawati. Nicolas Chevereau, virtuose pianiste auréolé de prix, a accompagné la lecture au piano à travers un bouquet de sonates de Beethoven savamment choisies. Entretien.
Badih Abou Chakra: «Le théâtre n’est pas le lieu d’un règlement de compte»
Qu’est-ce qui vous a poussé à retourner sur les planches? Est-ce le texte d’Alexandre Najjar, sa belle traduction, ou votre admiration pour Beethoven? Ou encore le besoin de retrouver le public du théâtre?
Je privilégie le théâtre bien qu’il soit moins rentable que le cinéma ou les feuilletons télévisés. J’ai travaillé avec Alexandre Najjar lors du spectacle Mimosa au festival Al-Bustan. J’apprécie particulièrement chez lui la limpidité de son écriture et son habileté à exploiter les paradoxes, à nourrir les débats intellectuels. De même, la présence du talentueux pianiste Nicolas Chevereau, avec qui j’ai collaboré auparavant, la traduction excellente d’Henri Zoghaib, le théâtre Monnot lui-même et son public, toutes les composantes du succès sont là! Il était intéressant de découvrir également l’homme qui se cache derrière l’œuvre monumentale du génie. Quelle était donc la vraie vie de Beethoven, pourquoi était-il misanthrope, quels étaient ses rapports avec les femmes, sa vie sexuelle, sa vie politique? Il y a également sa déception liée à Napoléon qui me rappelle la révolution libanaise et les responsables crapuleux au pouvoir. J’ai aussi été interpellé par son histoire avec son neveu qu’il a voulu formater comme le font parfois les familles libanaises, croyant bien faire. Personnellement, je préfère ne pas exercer de pression sur mes enfants quant à leur choix de métier, même s’ils décident de suivre leurs désirs «les plus fous».
N’est-il pas difficile de capter l’attention du public par la seule lecture du texte, sans le recours au jeu théâtral? Quels sont les moyens que vous utilisez afin que le public réussisse son identification?
Justement, c’est cela l'enjeu de la lecture-spectacle: comment être proche et distant à fois; dans quelle mesure jouer et dans quelle mesure déclamer! Il ne s’agit pas d’imposer aux spectateurs une palette de sentiments, mais de les orienter subtilement et de laisser après libre cours à leur imagination. La lecture est un exercice très rigoureux, car il ne s’agit pas d’exhiber ses performances et de forcer la dose. Je me focalise sur le regard, le mouvement et la voix surtout, qui doit être audible et claire pour les centaines de spectateurs présents dans la salle, d’autant plus que je n’utilise pas de micro. Je profite des techniques de prononciation et de respiration intrinsèques à l’art dramatique pour faire ressortir les sonorités et maîtriser les ondulations de la voix. J’évite de jouer et j’évite également de lire avec neutralité et banalité. Pas de ficelles. Je n’utilise pas une ancienne recette qui a donné ses preuves, ce serait manquer de respect à mon public qui est friand de renouveau. Je ne commets pas d’abus de pouvoir. L’acteur ne peut pas dormir sur ses lauriers. Il doit mettre à l’épreuve continuellement son talent et son imagination.
Vous avez pris part activement à la révolution du 17 octobre, vous avez occupé la rue, crié vos revendications. En revanche, vous n’avez pas présenté jusqu’à ce jour une œuvre artistique engagée.
Dans l’un des passages des Confessions de Beethoven, il y a une dimension emblématique de ce que l’on vit, qui rappelle nos attentes déçues, nos espoirs volatilisés, les personnes qui ont tout fait pour gagner la confiance du peuple et qui, une fois sur le trône, ont balayé d’un revers de la main leurs serments et sombré dans la folie de la grandeur et la démesure. Cela est clair dans l’extrait montrant la déception de Beethoven et sa rancune contre Bonaparte qu’il vénérait. D’autre part, le théâtre n’est pas nécessairement le lieu d’un règlement de compte, le texte ne devant pas être intellectualisé à outrance. Quelque part, le public peut trouver des échos à ses obsessions, ses revendications et ses déceptions. Mais on ne peut pas réduire le texte à sa dimension sociopolitique. Personnellement, je suis contre le message en art et en littérature. Le théâtre est un espace de créativité, de liberté et d’imagination. Il devrait se plier à diverses interprétations.
Nicolas Chevereau: «Sans Beethoven le piano ne serait pas ce qu'il est»
Comment avez-vous rencontré Alexandre Najjar et comment s’est développée votre collaboration tissée de complicité?
Il y a huit ans, je l’ai rencontré sur un plateau de télévision française. La thématique de l’émission tournait autour du Liban. J’avais sorti mon premier disque de piano consacré à Nagi Hakim, le grand compositeur libanais, qui était mon professeur-mentor au conservatoire. J’avais eu pour l’homme et pour son enseignement un coup de foudre intellectuel très fort et il est resté pour moi un père spirituel. Alexandre Najjar présentait Le Dictionnaire amoureux du Liban. Comme je suis curieux, je lui ai demandé de m’envoyer ses poèmes. Ce fut le début d’une belle collaboration. J’ai mis ma musique sur ses Six chants d’amour puis sur ses Variations amoureuses. J’ai présenté un concert en hommage à la mère d’Alexandre Najjar, extrait de sa biographie Mimosa avec des morceaux classiques choisis à l’hôtel Al-Bustan. Et depuis, je retourne régulièrement au Liban. Je crois fortement aux liens entre le Liban et la France.
Selon quels critères avez-vous sélectionné les sonates de Beethoven qui accompagnent la lecture? Comment avez-vous souligné l’apport immense du génie allemand?
J’ai décidé de présenter au public deux sonates de Beethoven. La première et la dernière. La première sonate représente une certaine forme de classicisme et l’avant-dernière sonate est une perspective sur la musique moderne. Je joue également le Clair de lune de Beethoven, pour éviter que le concert ne soit trop cérébral. Concernant l’apport de Beethoven, je ne suis pas sûr que sans lui, on aurait le piano sous sa forme actuelle. Je m’explique un peu: Beethoven était sourd, mais ça ne l’a pas empêché de mener l’écriture pianistique à un sommet que personne n’avait atteint avant lui. Il s’est servi de la résonance du piano, qui est manifeste dans la sonate no 31 que j’ai jouée dans Les Confessions (un moyen qui n’a jamais été exploité avant lui). Il vivait à une époque où la facture instrumentale du piano était en développement, il a assisté donc à la création de ce qu’on appelle le piano-forte, l’ancêtre du piano moderne. À un moment, il répète la même note et il se sert de la pédale du piano pour amplifier cette répétition, et ça crée un effet de résonance qui est assez inouï quand on se rappelle qu’il était sourd. Il est à l’origine non seulement de l’évolution de l’écriture pianistique, mais de l’évolution du piano lui-même. Au conservatoire, on parle souvent du développement beethovénien. C’est la manière dont le génie allemand travaillait les thèmes et les mélodies. La première sonate que j’ai jouée ce soir est vraiment dans l’héritage de Haydn et de Mozart, présentant les formes prédéfinies de la sonate. Ainsi, il y a d’abord une exposition, un développement et une réexposition. Toute sa vie, Beethoven va travailler le développement, qu’on appelle en langage savant «le développement beethovénien». C’est-à-dire les développements amplifiés, longs, à sa manière à lui. Il a réussi à se servir des mélodies, à les développer d’une manière insolite. La sonate no 31 qui se situe à la fin de sa vie intègre la forme fuguée, «la fugue» étant une pièce issue de la musique baroque qui a été beaucoup utilisée par Bach. Beethoven a réintroduit la forme fuguée dans la forme sonate. Je vous dispense des détails techniques, l’essentiel étant de souligner qu’il a vraiment permis l’évolution de la facture instrumentale.
Qu’est-ce qui vous surprend chez Beethoven l’homme dans Les Confessions de Beethoven?
Ce qui en ressort c’est la dichotomie entre l’homme et l’œuvre. J’ai l’impression que Beethoven n’était pas forcément un modèle. Il a intenté un long procès à sa belle-sœur pour récupérer son neveu et il a menti et déformé la réalité pendant cinq ans. Il a engendré un mal fou à la maman et au fils, en l’occurrence son neveu qu’il voulait s’approprier. Ça me rappelle vaguement l’écrivain Céline qui a écrit une œuvre géniale, mais qui était dans la vie un être épouvantable.
Ce spectacle sera également présenté aux Bouffes parisiens. Entre les deux langues, les deux pays, les deux textes, quelles similitudes et quelles divergences pour vous?
Je suis très intéressé par les langues étrangères, car ça représente une vision du monde. Je me sens interpellé par la phonétique des mots en arabe, leur musicalité, pourtant, je ne comprends aucun mot d’arabe littéraire. Mais, comme j’ai joué dans la version originale française, j’essaie de situer la progression du spectacle grâce au jeu de l’acteur-lecteur. J’aurais aimé réfléchir à l’étude comparée des deux textes. Je comprends quelques mots du dialecte libanais que je trouve chantonnant. Les Libanais sont passionnés, emportés, méditerranéens! J’apprécie votre sens du respect avec un R majuscule qui se perd en France. À mon avis, il y a d’un côté le peuple et de l’autre les politiciens, deux faces complètement antinomiques du Liban, la médaille et son revers.
Beethoven était misanthrope. Les artistes ont besoin de solitude, de rentrer dans leur bulle pour créer. Qu’en est-il de vous?
Composer c’est explorer ses tréfonds. À la base, j’étais extrêmement solitaire. À 18 ans, je ne voyais personne. Grâce à mes concerts à l’étranger, je me suis ouvert sur le monde. Honnêtement, le confinement en lui-même ne m’a jamais dérangé. J’ai l’habitude d’être «confiné» chez moi pour travailler mon piano. Mais quand j’avoue cela, les gens me regardent bizarrement.
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