Le jardin, une passion anglaise menacée par la sécheresse
L’emblématique art anglais du jardinage a-t-il un avenir en plein réchauffement climatique ? Oui, à condition de s’adapter, affirme Claire Price dans sa propriété du Kent, région du sud-est de l’Angleterre frappée par une sécheresse historique.

Alors que dans le pays les pelouses grillent et les ruisseaux disparaissent, la propriétaire et « conservatrice » autoproclamée de Reuthe’s montre avec fierté son terrain, une oasis de bosquets et de fleurs sauvages, dont le vert contraste avec le paysage alentour.

Des interdictions d’arrosage sont imposées dans une grande partie du Royaume-Uni, dont le Kent et l’East Sussex voisin depuis vendredi. Un drame pour bien des Britanniques qui vouent une véritable passion pour leurs jardins, mais pas pour Claire Price. « Nous n’arrosons ni les arbres plantés ni les arbustes », affirme-t-elle. « Notre credo est que si vous gérez correctement le sol, si vous incorporez la bonne quantité d’humidité et de terreau, les végétaux pourront résister à ces (conditions météorologiques) extrêmes », développe la maîtresse des lieux, proches du village de Seal, à 50 kilomètres au sud-est de Londres.

« Lorsque nos visiteurs se promènent dans ces bois magnifiques, ils peuvent constater que tout est vert et résiste très bien », assure-t-elle. L’état de sécheresse officiellement déclaré vendredi pour une grande partie de l’Angleterre, confrontée à son début d’année le moins pluvieux depuis près d’un demi-siècle, et devrait être maintenu pendant des mois, ont averti les autorités.

Alors que ces épisodes sont amenés à se multiplier sous l’effet du réchauffement climatique, c’est le concept même du jardin à l’anglaise, synonyme de pelouses impeccables et de massifs taillés avec amour, qui pourrait devoir être repensé. Pour Mme Price, les jardiniers anglais devraient se « tourner vers l’avenir » et non contempler avec nostalgie les étendues vertes des gazons, jadis une obsession nationale.



« J’ai bien peur que leurs magnifiques pelouses taillées au cordeau doivent disparaître », assure-t-elle, appelant de ses vœux « des prairies de fleurs sauvages » : en résumé, « coopérer avec la nature plutôt que de la voir comme quelque chose qui doit être dominé ».


Reuthe’s, qui s’étend sur 4,5 hectares à flanc de colline, abrite des essences d’arbres rares ainsi qu’une des plus importantes concentrations de rhododendrons, azalées, camélias et conifères au Royaume-Uni.
Surnommé « les jardins perdus de Sevenoaks », le domaine a été fondé en 1902, mais est resté peu accessible au grand public jusqu’en 2018, lorsque Mme Price l’a acquis et a commencé à le restaurer.
Bien que plus résistant que d’autres jardins ornementaux, Reuthe’s subit aussi les effets de la météo exceptionnelle qui s’abat sur le nord-ouest de l’Europe depuis le début de l’année.

Ainsi, les rhododendrons, camélias et magnolias se sont mis en mode de survie, perdant leurs feuilles pour préserver leurs réserves en eau, selon le jardinier en chef du domaine, Melvyn Jones.

« C’est sans précédent. Nous nous attendons à perdre sans doute une ou deux de nos espèces » végétales, avoue-t-il. Dans la pépinière attenante, où des plantes et arbustes sont à vendre, le personnel recourt à un arrosage régulier : les commerces ne sont pas concernés par les restrictions de l’usage de l’eau en vigueur. « Il faut être économe en eau, ne pas la gaspiller, et faire parvenir autant d’humidité que possible aux racines », énumère M. Jones, 56 ans, qui concède avoir vécu une série d’étés « difficiles » depuis trois ans, plus arides que la moyenne. « Je suis un vieux maintenant », lance-t-il. « On dirait que les saisons ne ressemblent plus à celles d’avant ». Les horticulteurs doivent s’adapter et « préparer l’avenir », en particulier sur la façon d’arroser et d’économiser l’eau, martèle-t-il.

M. Jones confesse « prier tous les jours pour qu’il pleuve » : « Je croise les doigts, j’espère que nous aurons deux ou trois jours d’averses torrentielles, cela nous aiderait ».

AFP
Commentaires
  • Aucun commentaire