La rivalité sportive Kobrosly-Mouawad, une aubaine pour l’athlétisme libanais
L’athlétisme libanais a la chance d’avoir aujourd’hui deux jeunes sprinteuses prometteuses, qui à 19 et 20 ans font déjà partie des toutes meilleures de l’épreuve reine du sprint. Mayssa Mouawad et Haya Kobrosly ont un grand potentiel et une grande marge de progression, et seulement 4 centièmes séparent leurs meilleures performances respectives sur 100 mètres.



Haya Kobrosly et Mayssa Mouawad ont respectivement 20 ans et 19 ans. Et pourtant, malgré leurs jeunes âges, leurs performances font déjà d’elles deux des trois meilleures sprinteuses libanaises, derrière l’expérimentée Aziza Sbeity (31 ans), détentrice du record du Liban sur 100 mètres avec un temps de 11.68 secondes.

Les deux athlètes s'entraînent avec les clubs de Jamhour (Mayssa) et Let’s Run (Haya). Les deux se disent dans d’excellentes conditions pour progresser. Dans un entretien avec Ici Beyrouth, Haya Kobrosly souligne qu’elle ne pouvait «espérer mieux en tant qu’ambiance dans mon club. Je suis très heureuse d’être entourée par une telle communauté qui s’encourage en permanence. Nous sommes comme une famille.»

Mayssa Mouawad est à 8 centièmes du record du Liban U20 sur 100 mètres. Il lui reste jusqu’à la fin de l’année civile pour essayer de le battre. © Lebanese Athletics Federation.

Même son de cloche pour Mayssa Mouawad, dans un entretien avec Ici Beyrouth: «Mon club m’aide et m’encourage beaucoup, des coaches aux athlètes, en passant par les physios. L’ambiance est très saine et me pousse à m’améliorer. Je m’entraîne aussi avec des garçons qui me poussent à courir plus vite et sauter plus haut». Mayssa Mouawad est aussi détentrice du record du Liban en saut en hauteur.

Si les deux championnes semblent satisfaites des conditions générales dans lesquelles elles évoluent dans leurs clubs, Kobrossly semble toutefois être dans de meilleures conditions pour progresser du fait de la présence dans le même club de Aziza Sbeity, numéro 1 libanaise. «Je m’entraîne avec la femme (Aziza Sbeity) et l’homme (Nour Hadid) les plus rapides au Liban. Ceci est une motivation supplémentaire. C’est un avantage d’être dans le même club que Aziza dans mon duel avec Maysaa. S'entraîner avec Aziza tire naturellement mes performances vers le haut». Cependant, Mouawad souligne que selon elle, l’absence de concurrence au sein de son club la met dans de bonnes conditions. «Je ne suis pas en compétition avec quelqu’un de mon club, ce qui aide beaucoup, contrairement à d’autres clubs où il existe une forte compétition entre athlètes du même club».

Si les deux arguments contradictoires peuvent se défendre, et dépendent au final des personnalités des championnes, avoir une concurrence dans l’effectif du club au quotidien semble davantage être un gage de progression, qu’une situation de monopole du leadership au quotidien.

En dépit de leur rivalité sportive, les deux championnes ont un bel état d’esprit et se respectent mutuellement. © Lebanese Athletics Federation.

Kobrosly a légèrement pris le dessus en 2022




Sur ces cinq dernières années, Mayssa Mouawad a dans l’ensemble eu un temps d’avance sur Kobrosly en termes de «Personal Best» (PB) annuel. Les courbes entre les deux championnes se croisent en faveur de Kobrosly en 2018, mais surtout en 2022. Si à leurs débuts, Mouawad semblait en effet plus prometteuse, comme en atteste ses meilleures performances dans toutes les catégories de jeunes, Kobrosly semble aujourd’hui sur une pente plus ascendante, ayant battu son record personnel systématiquement de 2017 à 2022, à l’exception de 2020. De 2019 à 2022, le PB de Kobrosly a progressé de 34 centièmes, pour s’établir à 12.05. Tandis que sur la même période (2019 à 2022), Mouawad n’a amélioré son record personnel que de 10 centièmes. Son record personnel est aujourd’hui de 12.09 secondes, établi au début de ce mois, au cours des championnats du monde U20, qui ont eu lieu en Colombie.

Aux derniers championnats inter-clubs, Kobrosly l’a emporté avec Mouawad qui s’est classée deuxième. © Lebanese Athletics Federation.

Une rivalité sportive saine

Les deux championnes ont bien conscience que la présence d’une telle concurrence est une menace pour leurs ambitions communes de devenir la reine du sprint libanais. Mais les deux ont un état d’esprit positif et ont conscience que cette rivalité sportive est aussi et surtout une aubaine pour poursuivre leurs progressions respectives. Kobrosly souligne qu’en effet «cette rivalité nous aide beaucoup à nous améliorer. C’est très bien qu’il y ait ce type de rivalité sportive, car sans cela il est plus dur de repousser ses limites. Nous nous tirons les deux vers le haut. Le fait que nos niveaux soient aussi proches est très stimulant.»

Mayssa Mouawad approuve l’analyse de sa compétitrice et évoque aussi son expérience antérieure avec une concurrente en saut en hauteur: «A coup sûr cela aide, en raison du fait qu’on ne peut pas se permettre de dormir sur nos lauriers. Je viens de réussir un «Personal Best» mais je suis en permanence dans une logique de faire encore mieux. Il y a quelques années, j’avais une rivale en saut en hauteur, Nourhane Elkouche, et ma meilleure phase d’amélioration de performances dans cette discipline est survenue quand nous concourrions simultanément. Ce stress et cette compétition avec elle a été très positif, et j’ai senti la différence quand elle a arrêté l’athlétisme. Avoir une concurrente aussi proche en âge et en niveau, comme c’est le cas de Haya, fait que parfois on gagne, parfois on perd. Cette concurrence entraîne la perte de certaines courses, mais à terme elle entraîne aussi de meilleures performances.»

Le record du Liban en ligne de mire

Les deux championnes ont maintenant pour objectif de se rapprocher et battre le record du Liban sur 100 mètres, qui est de 11.68 secondes. Pour Haya Kobrosly, il est difficile de fixer un horizon temporel pour réussir à battre ce record. «Je ne peux pas savoir combien d’années seront nécessaires. J’espère d’ici 1 ou 2 ans. L’essentiel est que je suis en constante progression dans mes performances. Je ne suis pas en train de régresser. Je cours de plus en plus vite et j’en suis très satisfaite. Mon coach joue un rôle important dans ma progression». Mouawad estime également difficile de savoir quand elle pourra pulvériser ce record du Liban. «La progression n’est pas linéaire. En tout cas, je suis très proche du record national U20 de Gretta Taslakian de 12.01 secondes. J’ai battu tous les records U12, U14, U16 et U18. Dans une même logique je pourrais à terme battre le record des adultes. Mais estimer le moment où je battrai ce record est difficile».

Avec Mouawad et Kobrosly, le Liban dispose de deux championnes uniques, avec un potentiel pour devenir championne d’Asie dans les années à venir, si elles maintiennent leurs progressions. Si Kobrosly a pris une longueur d’avance en 2022, les deux semblent avoir des potentiels proches, qui feront que leurs courbes de meilleures performances se croiseront probablement de nouveau, comme ce fut le cas deux fois au cours des six dernières années.
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