Aux désorientés que nous sommes quand, égarés dans nos espaces intérieurs aveugles, nous cherchons le secours d’un «spécialiste de l’esprit», disons d’emblée ceci: quand la psychanalyse entre dans notre vie, nous y avons désormais une boussole. Cette boussole, intérieure, nous oriente et infléchit notre course au plus près de notre vérité, au plus juste de notre désir. Rencontrer la psychanalyse n’a rien d’une expérience abstraite ou purement mentale. La penser comme une démarche intellectuelle, aussi interminable qu’opaque dans ses effets, relève d’un contresens absolu, souvent issu d’une méconnaissance ou de mauvaises rencontres avec elle (la responsabilité des psychanalystes est ici engagée). «Il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé», disait Einstein.
À l’image de la gravitation, la psychanalyse est une force qui prend en son champ non pas le seul psychisme, mais le corps vivant, ce corps dit humain du fait d’être animé d’affects et de pensées, habités de langage. Nietzsche soulignait que ce qui philosophe, donc ce qui pense, c’est le corps vivant. La psychanalyse se place en soutien radical de ce qui, en ce corps, est au service de sa «tâche vitale» (l’expression est de Freud): sa pulsion de vie (eros), celle qui tient à distance la pulsion de mort (thanatos).
Soutenir la pulsion de vie, c’est-à-dire le désir (eros), permet aux êtres humains de suivre leur chemin naturel jusqu’à la mort, voire d’allonger ce chemin, d’augmenter leur vie donc, et non de dévaler une pente vers leur destruction.
Rencontrer la psychanalyse, c’est d’abord rencontrer un lien vital, ce lien si singulier qui se noue entre un patient et son psychanalyste et se désigne du terme de « transfert ». Quand la rencontre fonctionne et que le chemin de la cure s’ouvre, le désir se trouve au principe de l’ensemble du mouvement. Pour s’en faire le moteur, le psychanalyste y engage sa voix, son regard, son savoir, son amour, lui qui a choisi, comme le dit Lacan, de «faire de son être l’axe de tant de vies». Au nom de son désir, dit «désir de l’analyste», il tient cette place, à la fois humble et responsable, que Lacan a désignée du terme d’objet a. Incarnant l’objet a, le psychanalyste vient alors causer le désir du patient: désir de prendre le pari d’une rencontre, le risque de la parole, le virage d’une vie.
Ce qui, à partir de ce point d’accroche, singularise le parcours analytique accompli ensemble n’est pas sa longueur mais sa nature, ou plus exactement son orientation. Qu’un patient passe quelques séances, quelques mois ou des années dans le champ de la psychanalyse, il ressentira ce que signifie le fait de se situer dans la gravité du désir, et la puissance d’engendrement (ce que Ferenczi appelait le «non-encore-né») comme de changement que cela comporte.
La «vie augmentée» prend son essor de la jonction entre un sujet et son désir, cette force indestructible qui l’anime, mais dont la nature, inconsciente et intermittente, implique la nécessité d’un travail de connexion. Une psychanalyse est ce travail de connexion, profond et durable, entre un être humain et lui-même, qui se traduit par une extension de conscience dont Freud a donné originellement l’étonnante formule: «Là où c'était, Je dois advenir.» Ce qu’il y a en moi d’espaces aveugles, c’est-à-dire non subjectivés (là où Ça était), je peux en partie l’habiter, mais à la condition d’en passer par la parole analytique, par cette énonciation de mon être venant étendre les frontières du sujet que je suis: là où Ça était, que Je sois.
Ce Je, ou sujet de l’inconscient, est l’émergence de la particularité absolue de chaque être humain. Dès lors, il serait erroné de promulguer une conception idéaliste de la psychanalyse comme une forme de Graal, intangiblement égal à lui-même et représentant un modèle de bonheur universel. Les parcours analytiques sont des routes particulières, aux ramifications imprévisibles, et dont l’aboutissement procède de la liberté ultime de chacun. Pour autant, il s’agit toujours de routes vitales car solidement orientées, au terme desquelles un changement fondamental s’est produit.
Dès lors qu’advient ce Je, éclairé d’un savoir, animé d’un désir qu’il découvre unique, l’être humain devient sujet de sa vie, une vie qui peut alors muter vers la guérison, la satisfaction et le sentiment de paix.
À l’image de la gravitation, la psychanalyse est une force qui prend en son champ non pas le seul psychisme, mais le corps vivant, ce corps dit humain du fait d’être animé d’affects et de pensées, habités de langage. Nietzsche soulignait que ce qui philosophe, donc ce qui pense, c’est le corps vivant. La psychanalyse se place en soutien radical de ce qui, en ce corps, est au service de sa «tâche vitale» (l’expression est de Freud): sa pulsion de vie (eros), celle qui tient à distance la pulsion de mort (thanatos).
Soutenir la pulsion de vie, c’est-à-dire le désir (eros), permet aux êtres humains de suivre leur chemin naturel jusqu’à la mort, voire d’allonger ce chemin, d’augmenter leur vie donc, et non de dévaler une pente vers leur destruction.
Rencontrer la psychanalyse, c’est d’abord rencontrer un lien vital, ce lien si singulier qui se noue entre un patient et son psychanalyste et se désigne du terme de « transfert ». Quand la rencontre fonctionne et que le chemin de la cure s’ouvre, le désir se trouve au principe de l’ensemble du mouvement. Pour s’en faire le moteur, le psychanalyste y engage sa voix, son regard, son savoir, son amour, lui qui a choisi, comme le dit Lacan, de «faire de son être l’axe de tant de vies». Au nom de son désir, dit «désir de l’analyste», il tient cette place, à la fois humble et responsable, que Lacan a désignée du terme d’objet a. Incarnant l’objet a, le psychanalyste vient alors causer le désir du patient: désir de prendre le pari d’une rencontre, le risque de la parole, le virage d’une vie.
Ce qui, à partir de ce point d’accroche, singularise le parcours analytique accompli ensemble n’est pas sa longueur mais sa nature, ou plus exactement son orientation. Qu’un patient passe quelques séances, quelques mois ou des années dans le champ de la psychanalyse, il ressentira ce que signifie le fait de se situer dans la gravité du désir, et la puissance d’engendrement (ce que Ferenczi appelait le «non-encore-né») comme de changement que cela comporte.
La «vie augmentée» prend son essor de la jonction entre un sujet et son désir, cette force indestructible qui l’anime, mais dont la nature, inconsciente et intermittente, implique la nécessité d’un travail de connexion. Une psychanalyse est ce travail de connexion, profond et durable, entre un être humain et lui-même, qui se traduit par une extension de conscience dont Freud a donné originellement l’étonnante formule: «Là où c'était, Je dois advenir.» Ce qu’il y a en moi d’espaces aveugles, c’est-à-dire non subjectivés (là où Ça était), je peux en partie l’habiter, mais à la condition d’en passer par la parole analytique, par cette énonciation de mon être venant étendre les frontières du sujet que je suis: là où Ça était, que Je sois.
Ce Je, ou sujet de l’inconscient, est l’émergence de la particularité absolue de chaque être humain. Dès lors, il serait erroné de promulguer une conception idéaliste de la psychanalyse comme une forme de Graal, intangiblement égal à lui-même et représentant un modèle de bonheur universel. Les parcours analytiques sont des routes particulières, aux ramifications imprévisibles, et dont l’aboutissement procède de la liberté ultime de chacun. Pour autant, il s’agit toujours de routes vitales car solidement orientées, au terme desquelles un changement fondamental s’est produit.
Dès lors qu’advient ce Je, éclairé d’un savoir, animé d’un désir qu’il découvre unique, l’être humain devient sujet de sa vie, une vie qui peut alors muter vers la guérison, la satisfaction et le sentiment de paix.
Lire aussi
Commentaires