Troisième roman de la Franco-Marocaine Leila Slimani, prix Goncourt 2016 pour son roman Chanson douce, Le Pays des autres est le premier titre d’une trilogie familiale inspirée de la propre vie de l’auteur.
Nous sommes en 1944. Mathilde est alsacienne, née dans une famille aisée. Amine est marocain, il est combattant auprès de l’armée française. Ils s’éprennent l’un de l’autre dans une France qui panse ses plaies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après la libération. Ils se marient, s’installent à Meknés, au Maroc, où Amine tente d’apprivoiser sa propriété rocailleuse presque stérile, tandis que Mathilde éduque leurs deux enfants, Aïcha et Selim. Amine plante un oranger et le greffe du suc d’un citronnier dans l’espoir que cette union donne un nouveau fruit : le « citrange ». Mathilde garde un lien ténu avec sa France natale en correspondant avec sa sœur Irène, tandis qu’elle tente tant bien que mal de s’adapter à ce nouvel environnement brassé, hostile à la présence des étrangers.
Mathilde cherche sa place au sein d’une société qui ne l’accepte pas. Elle scolarise sa fille chez les sœurs où les étrangers placent leurs enfants. Aïcha est surdouée, mais sa différence empêche ses camarades et leurs parents de lui témoigner une reconnaissance.
La famille de Mathilde a du mal à appartenir à une catégorie socioculturelle : étrangère parmi les indigènes, elle l’est tout aussi bien dans la communauté française. Victime de son propre métissage, elle ne connaît que de brèves périodes de bonheur.
Du jour au lendemain, Mathilde se découvre des talents de gourou et se met à recevoir les malades, assistée de loin par l’ami de la famille le docteur Dragan Palosi qui lui refile des livres de médecine rédigés en hongrois.
Ce volet-là de l’histoire ainsi que les prouesses de la petite Aïcha offrent au lecteur une approche un peu dérangeante dans la manière de traiter les différences, perceptible surtout avec Mathilde devenue guérisseuse, « sauvant » les indigènes désemparés amassés devant sa clinique improvisée, souvent sales, les pieds crottés, les mouches collées aux lèvres, venus implorer les soins d’une Mathilde débordée qui accepte angéliquement son nouveau rôle.
Mathilde est d’ailleurs plus grande qu’Amine. Le jour de leur mariage, elle a dû descendre une marche pour se mettre à son niveau pour la photo souvenir. On retrouve dans cette caractéristique l’image de l’Européenne venue au secours des indigènes.
En toile de fond, la lutte extrémiste de Omar, le jeune frère d’Amine, introduit le lecteur aux épisodes graves teintés de sang de l’histoire du Maroc. Omar ne supporte pas l’attitude condescendante des Français, alors que sa sœur Selma, ironie du sort, s’amourache d’un aviateur français, aviateur qui ne tardera pas à disparaître dans la nature lorsqu’elle tombe enceinte de lui, jetant la jeune fille dans les bras de l’ancien second d’Amine devenu contremaître de son exploitation agricole, Mourad, un vieil édenté qui, en épousant Selma sous la contrainte d’un Amine fou de rage, sauve la famille du déshonneur.
Pendant ce temps, le « citranger » donne un fruit amer, immangeable. Et pourtant, les oranges ont bien été des oranges amères. Pourquoi pas le « citranger » ?
Le Pays des autres est un récit fort à portée universelle. De plus en plus brassés, les peuples venus d’horizons différents se côtoient, ne s’acceptent pas, et cela se poursuivra aussi longtemps que l’humanité sera l’humanité, peut-être jusqu’au jour où les mélanges ne feront plus qu’une entité monocorde qui pourra alors se vanter de de son uniformité en même temps que de son manque de richesse ainsi que de l’ennui d’y vivre. D’ici là, une nouvelle palette de problèmes sera probablement à l’ordre du jour.
La nature humaine aura-t-elle un jour la maturité nécessaire pour inventer la paix ?
Le Pays des autres de Leïla Slimani, Gallimard, 2020, 368 p.
Nous sommes en 1944. Mathilde est alsacienne, née dans une famille aisée. Amine est marocain, il est combattant auprès de l’armée française. Ils s’éprennent l’un de l’autre dans une France qui panse ses plaies au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, après la libération. Ils se marient, s’installent à Meknés, au Maroc, où Amine tente d’apprivoiser sa propriété rocailleuse presque stérile, tandis que Mathilde éduque leurs deux enfants, Aïcha et Selim. Amine plante un oranger et le greffe du suc d’un citronnier dans l’espoir que cette union donne un nouveau fruit : le « citrange ». Mathilde garde un lien ténu avec sa France natale en correspondant avec sa sœur Irène, tandis qu’elle tente tant bien que mal de s’adapter à ce nouvel environnement brassé, hostile à la présence des étrangers.
Mathilde cherche sa place au sein d’une société qui ne l’accepte pas. Elle scolarise sa fille chez les sœurs où les étrangers placent leurs enfants. Aïcha est surdouée, mais sa différence empêche ses camarades et leurs parents de lui témoigner une reconnaissance.
La famille de Mathilde a du mal à appartenir à une catégorie socioculturelle : étrangère parmi les indigènes, elle l’est tout aussi bien dans la communauté française. Victime de son propre métissage, elle ne connaît que de brèves périodes de bonheur.
Du jour au lendemain, Mathilde se découvre des talents de gourou et se met à recevoir les malades, assistée de loin par l’ami de la famille le docteur Dragan Palosi qui lui refile des livres de médecine rédigés en hongrois.
Ce volet-là de l’histoire ainsi que les prouesses de la petite Aïcha offrent au lecteur une approche un peu dérangeante dans la manière de traiter les différences, perceptible surtout avec Mathilde devenue guérisseuse, « sauvant » les indigènes désemparés amassés devant sa clinique improvisée, souvent sales, les pieds crottés, les mouches collées aux lèvres, venus implorer les soins d’une Mathilde débordée qui accepte angéliquement son nouveau rôle.
Mathilde est d’ailleurs plus grande qu’Amine. Le jour de leur mariage, elle a dû descendre une marche pour se mettre à son niveau pour la photo souvenir. On retrouve dans cette caractéristique l’image de l’Européenne venue au secours des indigènes.
En toile de fond, la lutte extrémiste de Omar, le jeune frère d’Amine, introduit le lecteur aux épisodes graves teintés de sang de l’histoire du Maroc. Omar ne supporte pas l’attitude condescendante des Français, alors que sa sœur Selma, ironie du sort, s’amourache d’un aviateur français, aviateur qui ne tardera pas à disparaître dans la nature lorsqu’elle tombe enceinte de lui, jetant la jeune fille dans les bras de l’ancien second d’Amine devenu contremaître de son exploitation agricole, Mourad, un vieil édenté qui, en épousant Selma sous la contrainte d’un Amine fou de rage, sauve la famille du déshonneur.
Pendant ce temps, le « citranger » donne un fruit amer, immangeable. Et pourtant, les oranges ont bien été des oranges amères. Pourquoi pas le « citranger » ?
Le Pays des autres est un récit fort à portée universelle. De plus en plus brassés, les peuples venus d’horizons différents se côtoient, ne s’acceptent pas, et cela se poursuivra aussi longtemps que l’humanité sera l’humanité, peut-être jusqu’au jour où les mélanges ne feront plus qu’une entité monocorde qui pourra alors se vanter de de son uniformité en même temps que de son manque de richesse ainsi que de l’ennui d’y vivre. D’ici là, une nouvelle palette de problèmes sera probablement à l’ordre du jour.
La nature humaine aura-t-elle un jour la maturité nécessaire pour inventer la paix ?
Le Pays des autres de Leïla Slimani, Gallimard, 2020, 368 p.
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