Le président français a tenu devant ses ministres mercredi un discours grave qui tranche avec son traditionnel ton optimiste. Macron a invité le gouvernement et le peuple français «à la mobilisation générale» face à la "fin de l'abondance" des ressources naturelles à cause du réchauffement climatique. Il a également avertit sur la "fin des évidences" comme la démocratie ou le respect des droits humains.
Emmanuel Macron montre un schéma sur la façon dont les prix du gaz influencent les prix de l'électricité pendant qu'il s'adresse à la presse lors d'un sommet de l'Union européenne en mars dernier. (Photo de Ludovic MARIN /AFP)
Le président français Emmanuel Macron a souligné, mercredi, la gravité des enjeux de la rentrée. Il a notamment appelé le gouvernement et la majorité à «l'unité» pour faire face à «la grande bascule» liée aux effets de la crise climatique et à «la fin de l'abondance».
Après trois semaines de vacances, le chef de l'État a fixé le cap en prenant longuement la parole au début du conseil des ministres de rentrée, une allocution exceptionnellement diffusée en direct.
Il a également appelé les ministres au «sérieux" et à «la crédibilité» après une série de polémiques ayant émaillé l'été, comme sur la régulation des jets privés ou sur une épreuve de karting organisée dans la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
La centrale nucléaire de Penly, en Seine maritime, au nord-ouest de la France.
Soulignant l'importance de «dire les choses» avec «beaucoup de clarté», Emmanuel Macron a de nouveau insisté sur la nécessité de prendre des décisions fortes, comme il l'a déjà évoqué dans son allocution du 14 Juillet puis dans un discours prononcé à Bormes-les-Mimosas (Var) le 17 août.
«Le moment que nous vivons peut sembler être structuré par une série de crises graves (...) et il se pourrait que d'aucuns voient notre destin comme étant perpétuellement de gérer les crises ou des urgences. Je crois, pour ma part, que ce que nous sommes en train de vivre est plutôt de l'ordre d'une grande bascule ou d'un grand bouleversement», a-t-il déclaré devant la Première ministre Elisabeth Borne et les ministres.
Citant les effets de la guerre en Ukraine, débutée il y a six mois jour pour jour, et de la crise climatique, il a mis en avant «la fin de l'abondance», que ce soit «des liquidités», «des produits de technologie», des matières premières ou de l'eau.
La France, comme les autres pays européens, misent sur leur indépendance technologique pour assurer une meilleure compétitivité.
À cela, s'ajoutent «la fin des évidences», comme de la démocratie, et «la fin de l'insouciance».
Alors que, face à ce contexte troublé, «nos compatriotes peuvent réagir avec beaucoup d'anxiété», le président a appelé le gouvernement au «respect de la parole donnée et des engagements» pris, et à «réaffirmer une unité très forte» avec la majorité autour «d'un cap qui nous permettra de consolider notre souveraineté, notre indépendance française et européenne».
Cette communication sombre du président marque aussi une rupture avec sa «ligne optimiste» qu'il a «toujours tenue", selon le président de l'institut Elabe Bernard Sananès. «Il y a une forme d’anticipation politique : si vraiment les temps deviennent difficiles (...) le président doit l’avoir dit avant, pour ne pas donner l’impression qu’il aurait été, lui et son exécutif, surpris par les événements», analyse-t-il auprès de l’AFP.
Souvent, les politiques de rigueur adoptées en France, comme dans d'autres pays, se heurtent à la grogne populaire.
Critiques
Les déclarations de M. Macron ont été fraîchement accueillies à gauche et par le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez.
«C'est un message décalé. Quand on parle de fin de l'abondance, je pense aux millions de chômeurs, aux millions de précaires», a réagi M. Martinez sur BFMTV.
«Non mais on rêve ! Comme si les Français avaient manqué de soucis et s'étaient trop gavés. 10 millions de Français pauvres à cause de l'insouciance du Président Macron et de la prédation des riches», s'est indigné le secrétaire général du PCF Fabien Roussel sur Twitter.
Plusieurs centaines d'étudiants se sont mobilisés le 14 avril 2022 à Paris et Nancy, bloquant les bâtiments universitaires pour faire entendre leur voix entre les deux tours de l'élection présidentielle et sensibiliser aux enjeux écologiques et sociaux. (Photo: Emmanuel Dunant / AFP)
«L'unité nécessite la contribution à juste proportion des ressources de chacun. Pourquoi dès lors refuser d'augmenter les salaires, de mettre fin à la gabegie financière et écologique des ultra-riches et de taxer enfin les superprofits des multinationales ?», a critiqué de son côté le député LFI Manuel Bompard.
M. Macron a aussi énuméré les grandes étapes de la rentrée avec un séminaire gouvernemental la semaine prochaine, en bonne partie consacré à l'écologie, et le lancement, la semaine suivante, du Conseil national de la refondation.
Un bilan écologique insuffisant
La période estivale a été marquée par une succession de drames climatiques, de la sécheresse aux incendies jusqu'aux orages meurtriers en Corse.
Une moissonneuse travaille dans un champ de tournesols fanés en raison de la sécheresse dans la région Rhône-Alpes (sud-est de la France). Le 24 août 2022. (Olivier Chassignole / AFP)
«Après la saison que nous venons de vivre», «nous aurons des choix clairs et forts à prendre", a averti M. Macron.
«Il n'y a plus à choisir aujourd'hui entre l'adaptation et l'atténuation. C'est le en même temps résolu», a-t-il ajouté, alors que le bilan écologique du premier quinquennat est fréquemment dénoncé comme insuffisant par les associations écologiques.
L'heure est donc à «la mobilisation générale», selon l'entourage du président, avec un mot d'ordre, «la sobriété énergétique», qui devra faire l'objet d'un projet de loi d'accélération des énergies renouvelables.
La fanfare traditionnelle Bagad de Lann Bihoue de la marine française se produit à l'ouverture de la session du segment de haut niveau du One Ocean Summit, qui vise à relever les ambitions de la communauté internationale pour protéger la vie marine, réduire la pollution plastique et lutter contre l'impact du changement climatique, dans le nord-ouest France ville portuaire de Brest le 11 février 2022. (Photo: Ludovic Marin/AFP)
D'autres chantiers compliqués attendent le gouvernement d'ici à la reprise des débats à l'Assemblée nationale et au Sénat en octobre. Est notamment attendu un texte sur l'assurance chômage qui doit prolonger le durcissement d'accès aux indemnités et qui suscite l'hostilité de la gauche et de syndicats. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, est d'ailleurs attendu dès mercredi après-midi à Matignon.
Parallèlement, l'agenda de M. Macron va rester largement occupé par les dossiers internationaux, à commencer par la guerre en Ukraine. Jeudi, il sera en Algérie pour une visite de trois jours avant de détailler ses priorités diplomatiques devant les ambassadeurs le 1er septembre.
Avec AFP
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