Dans son bureau situé dans une chambre de sa maison à Yahchouch, dans le caza du Kesrouan, Charbel Daghfal fixe attentivement l’écran de son ordinateur. Il suit le trajet d’une voiture sur une route du caza. «Je veux m’assurer que le conducteur ne dépasse pas la limite de vitesse et que le client est arrivé à sa destination en sécurité», lance-t-il.

Et pour cause, puisque le client en question n’est pas un «passager ordinaire», mais une personne à mobilité réduite qui a eu recours au «Wheelchair Taxi», un moyen de transport spécialisé. Ce projet a vu le jour en 2016, par Charbel Daghfal, lui-même handicapé depuis l’âge de 19 ans.

Charbel Daghfal, aujourd’hui âgé de 42 ans, a été victime en 1999 d’un grave accident de la moto qui l'a laissé paralysé. Au terme de onze mois de physiothérapie intense et de quatre années éprouvantes de réadaptation à une nouvelle vie, le jeune homme s’inscrit à des cours d’informatique. C’était en 2003. «J’ai réalisé à quel point se déplacer était un véritable défi, confie-t-il. On devait me porter à chaque fois que je voulais monter en voiture.»

Pour résoudre ce problème, il décide, cette même année, d’aménager un véhicule de manière très basique pour répondre à ses besoins: le toit de la voiture a été relevé et une rampe a été fixée à l’arrière pour qu’il puisse pénétrer tout en restant sur son fauteuil roulant. «Je pouvais ainsi me déplacer sans l’aide de personne, même si j’avais toujours besoin d’un chauffeur», raconte-t-il. Trois années plus tard, en 2010, il s’achète une voiture entièrement équipée pour personnes à mobilité réduite. Un nouveau mode de transport qui lui a changé la vie. «J’étais plus autonome, même si je ne pouvais pas conduire, affirme-t-il. J’ai voulu partager ce sentiment avec d’autres personnes qui se trouvaient dans ma situation.»


Liberté de transport et dignité humaine

Charbel Daghfal décide alors de contracter un prêt bancaire qui lui a permis de se procurer en Suisse trois véhicules entièrement aménagés pour personnes à mobilité réduite. En 2016, le «Wheelchair Taxi» voit le jour. La société compte trois voitures qui desservent notamment le Grand Beyrouth.

«Chaque véhicule est muni d’un GPS, explique-t-il. Cela me permet de suivre le trajet parcouru et de m’assurer que le conducteur ne dépasse pas la limite de vitesse.» Sur l’autoroute, celle-ci ne doit pas dépasser les 80 km/heure. La vitesse est limitée à 30 ou 40 km/heure sur les routes intérieures. «Après chaque trajet, je contacte le client pour avoir son retour sur l'expérience», insiste Charbel Daghfal.

Si le «Wheelchair Taxi» lui permet de gagner sa vie, Charbel Daghal souligne que «son initiative a surtout une portée humaine». «Après le confinement, de nombreuses personnes à mobilité réduite m’ont sollicité pour sortir de la maison, raconte-t-il. Elles m’ont assuré que sans ce service, il leur aurait été impossible de faire ces déplacements.» Pour pouvoir étendre son projet à d’autres régions du pays, il lance un appel à toutes les parties qui s’occupent des handicapés à réaliser un projet comme le sien. «J’appelle aussi toute personne, société ou association qui ont apprécié cette initiative à la soutenir pour pouvoir couvrir l’ensemble du territoire. Cela aidera les personnes à mobilité réduite à vivre dignement, car la liberté de transport va de pair avec la dignité humaine», conclut-il.
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