Le come-back politique de Benjamin Netanyahu
©Photo de Menahem KAHANA (AFP)
Malgré trois accusations de corruption et une « traversée du désert » politique, Benjamin Netanyahu reste un candidat majeur au poste de Premier ministre en vue des prochaines élections législatives prévues le 1er novembre. Il s’agit de la cinquième élection en cinq ans, alors que le pays peine à sortir de sa paralysie politique.

Plus grand parti d’Israël, le Likoud a organisé une primaire le mercredi 10 août qui a résulté en un large plébiscite en faveur de Benjamin Netanyahu. Quelque 80 000 membres du Likoud ont voté majoritairement pour une liste électorale loyale à l'ancien Premier ministre. En l’absence de réelle opposition au sein de son parti, Netanyahu s’est ainsi imposé facilement comme l’unique représentant et président du Likoud. La prochaine étape est donc pour lui d’atteindre les 61 députés nécessaires, lors des prochaines élections législatives, pour former un bloc et s’imposer de nouveau comme Premier ministre. Le Likoud reste ainsi le parti d’un seul homme, qualifié de "Bibistan" par les opposants à Netanyahu.

Des partisans de Benjamin Netanyahu manifestent à Jérusalem (AFP)

 

En tête du classement de sa liste électorale se trouve le député Yariv Levin, figure importante des opposants au système judiciaire israélien, que Benjamin Netanyahu souhaite ardemment réformer. L’ancien Premier ministre est en effet en procès depuis 2020 dans trois affaires de corruption. Yariv Levin pourrait ainsi devenir le futur ministre israélien de la Justice, chargé de mettre en œuvre la réforme particulièrement ambitieuse et controversée.
Une figure controversée ?

La figure de Netanyahu reste clivante en Israël. Plusieurs partis d’opposition accusent le Likoud d’être sous « l’emprise » de l’ancien Premier ministre, voire de promouvoir un « culte de la personnalité ». « Plus vous aimerez Bibi, plus vous pourrez progresser sur la liste du Likoud. Si vous ne l’aimez pas, en revanche, vous serez évincé des rangs du Likoud », a ainsi estimé dans un tweet le chef du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman.

Les opposants ont également pointé du doigt le manque de figures féminines dans la liste électorale du Likoud. De leur côté, les partis Kakhol lavan et Tikva Hadasha ont estimé dans un communiqué que « la liste extrême et abrasive du Likoud montre clairement à quoi ressemblera le prochain gouvernement si Netanyahu obtient 61 sièges, à savoir un cabinet qui favorisera la destruction du système judiciaire… et la destruction de l’État de droit ».

Gideon Saar s'adresse à ses partisans (AFP)

 

La figure de l’ancien Premier ministre ne fait pas toujours l’unanimité au sein du Likoud, comme en témoigne le départ de l’ancienne figure du parti Gideon Saar et plusieurs militants, suite à son échec face à Netanyahu pour prendre la direction du parti. Il a depuis fondé son propre parti, accusant l’ancien Premier ministre de prendre le Likoud en otage. « La contestation est donc présente, mais elle est faible, et la base du Likoud a du mal à se défaire de l’image de Netanyahu comme leader fort et seul à même de maintenir les intérêts du parti », souligne à Ici Beyrouth le chercheur Barah Mikaïl, directeur du programme des Sciences Politiques et Relations Internationales au sein de l’Université Saint Louis de Madrid.
Une victoire pour les élections législatives ?

Pour ces cinquièmes élections législatives, Benjamin Netanyahu tente de maximiser ses chances et essaie ainsi de rassembler ses alliés religieux de droite. Il a déjà convaincu les partis Sionisme religieux et Otzma Yehudit de faire liste commune aux élections législatives.

Cependant, des incertitudes persistent quant à l’unité du parti Yahadout HaTorah, miné par des questions idéologiques et religieuses, ce qui fait craindre une scission. Malgré une réunion organisée par l’ancien Premier ministre, les cadres du parti peinent à s’entendre et voient d’un mauvais œil « l’ingérence » de Netanyahu. En effet, un responsable du parti a affirmé à la chaîne publique israélienne Kan que l’ancien Premier ministre « prenait parti dans un débat idéologique dont il devrait se tenir à l'écart ». L’unité de ses alliés est cependant d’une importance primordiale pour Netanyahu, sans laquelle ses chances de réussite seraient très limitées.

Des partisans du Likoud lors des précédentes élections législatives (AFP)

 


Selon des sondages réalisés par la chaine Kan, le Likoud et ses alliés obtiendraient 59 sièges, contre 55 sièges pour le bloc anti-Netanyahu. L’écart étant assez mince, une victoire des opposants de Netanyahu reste possible. Cependant, il existe une différence majeure entre les deux blocs. Si le Likoud et ses alliés sont unis autour d’une ligne idéologique proche de la figure de Netanyahu, le bloc concurrent, lui, n’est « homogène » que dans son opposition à l’ancien Premier ministre. Une situation qui ne favorise pas l’émergence d’un gouvernement uni et cohérent, politiquement parlant.

Selon Barah Mikaïl, « les Israéliens déclarent, de manière significative, qu'ils représentent une grande majorité à se méfier de Netanyahu, à ne pas lui faire confiance. Il manque cependant un mouvement de plus grande ampleur pour que l’on puisse réellement parler de rejet catégorique de Netanyahu. Certains, même parmi ses détracteurs, voient cependant en lui le sauveur d’Israël, faute de concurrent pouvant prétendre à son expérience. ». D’autant que les désaccords entre les différents partis anti-Netanyahu sont récurrents. Ainsi, si le bloc de Netanyahu n’obtient pas la majorité, le pays se tournera probablement vers des sixièmes élections législatives.
Trois affaires de corruption

Point noir dans sa candidature, Benjamin Netanyahu est en procès avec la justice dans trois affaires de corruption depuis 2020. En cause, notamment, des soupçons de faveurs gouvernementales à l’ancien patron de l’opérateur de télécommunications national israélien Bezeq, Shaul Elovitch. Il aurait obtenu en échange une couverture médiatique favorable. Il est également soupçonné d’avoir tenté d’obtenir le soutien de l’important quotidien Yediot Aharonot, en proposant en retour une loi pour limiter la diffusion du journal concurrent Israel Hayom.

Benjamin Netanyahu, arrive au tribunal de Jérusalem (AFP)

 

Enfin, il est accusé avec des membres de sa famille d’avoir reçu des cadeaux de plusieurs personnalités en échange de faveurs. L’enquête policière avait débuté en 2016, alors qu’il était encore Premier ministre. Face à ces accusations, Benjamin Netanyahu n’a eu de cesse de clamer son innocence, affirmant que les poursuites judiciaires étaient motivées par des considérations politiques.

Malgré les procès et les critiques de l’opposition, l’opinion publique ne semble pas, cependant, stigmatiser outre mesure l’ancien Premier ministre. Barah Mikaïl ajoute que « ni sa réputation, ni celle de sa femme, n’ont empêché réellement son maintien dans le jeu politique israélien ».
Une réforme judiciaire ambitieuse et controversée

Depuis plusieurs années, Benjamin Netanyahu cherche à réformer le système judiciaire. En 2015, il avait tenté de renforcer le contrôle politique sur les nominations judiciaires et augmenter le quorum nécessaire à la Cour suprême pour invalider les lois anticonstitutionnelles. Mais cette tentative s’était soldée par un échec. Son objectif reste cependant de limiter les pouvoirs de la Cour suprême, notamment celui d’annuler des lois. Depuis 1995, en effet, la Cour suprême dispose du droit d’invalider des lois jugées contraires aux lois fondamentales d’Israël.

S’il nie vouloir mettre en place cette réforme pour résoudre ses problèmes judiciaires, ses opposants l’accusent de vouloir empêcher l’intervention de la Cour dans les immunités des politiciens. « En vue des législatives de novembre 2022, Netanyahu s’est entouré de personnes qui sont toutes, d’une manière ou d’une autre, favorables à la réforme du système judiciaire », souligne Barah Mikaïl. En tête de liste, le député Yariv Levin qui a confié vouloir « mettre fin au règne des juges ». Il avait notamment soutenu un projet de loi visant à permettre à un groupe de députés de rétablir une loi invalidée par la Cour suprême. Il souhaite en outre que la nomination des juges de la Cour suprême soit confiée au gouvernement.

Le député Yariv Levin a confié vouloir « mettre fin au règne des juges » (AFP)

 

Les partis politiques proches du Likoud voient également d’un bon œil le projet de réforme. En mai, le député Yitzhak Pindrus, membre du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, avait affirmé que son rêve serait de « faire exploser » la Cour suprême. La députée du parti Sioniste religieux, Simcha Rothman, a de son côté déclaré : « La liste du Likoud marque une avancée en faveur du renforcement du système judiciaire et je suis certaine que lors des prochaines élections, la population votera en faveur de la réforme du système judiciaire ».

Ainsi, en cas de victoire, le Likoud pourrait-il mettre en place sa réforme ambitieuse du système judiciaire ? Rien n’est moins sûr, estime Barah Mikaïl qui précise que « même dans le cas d’une victoire du Likoud et de ses alliés, le système israélien reste, à mon sens, fort de garde-fous peu susceptibles de laisser le pays s’enfoncer dans un modèle de république bananière ».
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