Crépons colorés, cartons joliment accrochés, nouveaux cartables, odeur de livres neufs fraîchement plastifiés, voilà à quoi ressemblait la rentrée jusqu’en 2019. Mais quelle est la forme de cette nouvelle rentrée scolaire à la mode de notre crise?
Entre la crise des carburants, celle du pain, de l’électricité et d’Internet, le quotidien des Libanais est un vrai parcours du combattant. À cela viennent s’ajouter les frais de scolarité, qui représentent un lourd fardeau pour les parents.
«La vie a beaucoup renchéri, mais je ne ferai pas de compromis sur l’éducation de mes enfants, confie Joëlle*, mère de deux enfants de 6 et 8 ans. Je fais l’impossible pour leur assurer une éducation de qualité. Si la situation empire, je crains d'être obligée de les inscrire dans le public.»
La rentrée s’annonce difficile pour les parents des élèves, mais aussi pour les enseignants qui, depuis le début de la crise, arrivent difficilement à joindre les deux bouts, d’autant qu’ils continuent de percevoir leurs salaires en livres libanaises. «Mon salaire couvre à peine les frais de transport», dit Sandra*, enseignante de littérature française pour les classes terminales. «La semaine dernière, j’étais à la boulangerie avec mon fils, poursuit-elle d’une voix qui trahit le désolement. Je voulais acheter du pain. Il m’a demandé une mankouché au fromage. Je n’avais pas assez d’argent pour la lui acheter. J’ai dû refuser. Ce qui m’a brisé le cœur.»
Les écoles dans le pétrin
La situation n’est pas meilleure du côté des administrations des établissements scolaires. «Nous nous tenons de respecter la loi 515, conformément à laquelle les frais de scolarité doivent être émis en livres libanaises, mais nous ne sommes pas convaincus de l’efficacité de cette méthode, vu que nous avons beaucoup de dépenses en dollars frais», explique à ici Beyrouth le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques au Liban. «Pour répondre à la demande des enseignants, nous avons créé une caisse de solidarité alimentée en dollars frais par les parents et des donateurs, poursuit le père Nasr. Cela nous permet de verser aux enseignants une petite somme en dollars frais. Celle-ci n’est pas fixe, elle varie selon les moyens de chaque établissement.
Conscient des défis auxquels font face les parents, le secrétariat général des écoles catholiques au Liban a également demandé l’ouverture d’un bureau de service social dans chaque établissement pour étudier les dossiers des élèves dans l’incapacité de payer les frais de scolarité.
Même son de cloche chez l’archevêché orthodoxe de Beyrouth, où un responsable sous couvert d’anonymat a affirmé «qu’aucun élève ne quittera une école orthodoxe pour des raisons financières». «Nous avons augmenté le salaire des enseignants en livres libanaises et nous leur versons chaque mois une petite somme en dollars», poursuit le responsable.
Mardi, toutefois, le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, a publié un communiqué demandant aux écoles de n’émettre et collecter leurs frais de scolarité qu’en livres libanaises. D’après la circulaire, les écoles privées ne peuvent «sous quelque forme que ce soit, demander des frais supplémentaires en dollars frais».
Du côté du public
Si dans le secteur privé des aides ou des augmentations de salaires sont accordées aux enseignants pour les aider à survivre, du côté des écoles publiques, l’État reste, lui, aux abonnés absents et la grève des enseignants se poursuit, ce qui menace la rentrée scolaire fixée par le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, au 15 septembre.
«Nos salaires sont misérables et nos conditions de travail sont drastiques», révèle Carole*, enseignante dans une école publique. Elle raconte ainsi qu’elle n’a pas de quoi s’acheter des stylos et des cahiers pour travailler, qu'il est fréquent que les cours soient donnés dans l’obscurité totale et que les élèves manquent de fournitures…
«Contrairement aux enseignants des écoles privées, personne ne se soucie de nous, poursuit Carole. Notre dossier est enfoui dans un tiroir, alors que les dirigeants se consacrent à des dossiers qui servent leurs intérêts personnels.»
«Jusqu’aujourd’hui, je n’ai aucune information sur la rentrée de mes enfants, déplore Rana*, 35 ans, mère de jumeaux en troisième. Hier soir, je disais à mon mari que j’allais vendre mes bijoux afin de pouvoir assurer à mes enfants une éducation de qualité. À deux jours de la rentrée des écoles publiques telle que fixée par le ministère, nous sommes toujours dans l’obscurité totale. Je ne sais pas si elle aura lieu. Je ne veux pas risquer l’avenir de mes garçons. Je pense les transférer au privé.»
* Les noms des personnes interviewées ont été changés à leur demande.
Entre la crise des carburants, celle du pain, de l’électricité et d’Internet, le quotidien des Libanais est un vrai parcours du combattant. À cela viennent s’ajouter les frais de scolarité, qui représentent un lourd fardeau pour les parents.
«La vie a beaucoup renchéri, mais je ne ferai pas de compromis sur l’éducation de mes enfants, confie Joëlle*, mère de deux enfants de 6 et 8 ans. Je fais l’impossible pour leur assurer une éducation de qualité. Si la situation empire, je crains d'être obligée de les inscrire dans le public.»
La rentrée s’annonce difficile pour les parents des élèves, mais aussi pour les enseignants qui, depuis le début de la crise, arrivent difficilement à joindre les deux bouts, d’autant qu’ils continuent de percevoir leurs salaires en livres libanaises. «Mon salaire couvre à peine les frais de transport», dit Sandra*, enseignante de littérature française pour les classes terminales. «La semaine dernière, j’étais à la boulangerie avec mon fils, poursuit-elle d’une voix qui trahit le désolement. Je voulais acheter du pain. Il m’a demandé une mankouché au fromage. Je n’avais pas assez d’argent pour la lui acheter. J’ai dû refuser. Ce qui m’a brisé le cœur.»
Les écoles dans le pétrin
La situation n’est pas meilleure du côté des administrations des établissements scolaires. «Nous nous tenons de respecter la loi 515, conformément à laquelle les frais de scolarité doivent être émis en livres libanaises, mais nous ne sommes pas convaincus de l’efficacité de cette méthode, vu que nous avons beaucoup de dépenses en dollars frais», explique à ici Beyrouth le père Youssef Nasr, secrétaire général des écoles catholiques au Liban. «Pour répondre à la demande des enseignants, nous avons créé une caisse de solidarité alimentée en dollars frais par les parents et des donateurs, poursuit le père Nasr. Cela nous permet de verser aux enseignants une petite somme en dollars frais. Celle-ci n’est pas fixe, elle varie selon les moyens de chaque établissement.
Conscient des défis auxquels font face les parents, le secrétariat général des écoles catholiques au Liban a également demandé l’ouverture d’un bureau de service social dans chaque établissement pour étudier les dossiers des élèves dans l’incapacité de payer les frais de scolarité.
Même son de cloche chez l’archevêché orthodoxe de Beyrouth, où un responsable sous couvert d’anonymat a affirmé «qu’aucun élève ne quittera une école orthodoxe pour des raisons financières». «Nous avons augmenté le salaire des enseignants en livres libanaises et nous leur versons chaque mois une petite somme en dollars», poursuit le responsable.
Mardi, toutefois, le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, a publié un communiqué demandant aux écoles de n’émettre et collecter leurs frais de scolarité qu’en livres libanaises. D’après la circulaire, les écoles privées ne peuvent «sous quelque forme que ce soit, demander des frais supplémentaires en dollars frais».
Du côté du public
Si dans le secteur privé des aides ou des augmentations de salaires sont accordées aux enseignants pour les aider à survivre, du côté des écoles publiques, l’État reste, lui, aux abonnés absents et la grève des enseignants se poursuit, ce qui menace la rentrée scolaire fixée par le ministre sortant de l’Éducation, Abbas Halabi, au 15 septembre.
«Nos salaires sont misérables et nos conditions de travail sont drastiques», révèle Carole*, enseignante dans une école publique. Elle raconte ainsi qu’elle n’a pas de quoi s’acheter des stylos et des cahiers pour travailler, qu'il est fréquent que les cours soient donnés dans l’obscurité totale et que les élèves manquent de fournitures…
«Contrairement aux enseignants des écoles privées, personne ne se soucie de nous, poursuit Carole. Notre dossier est enfoui dans un tiroir, alors que les dirigeants se consacrent à des dossiers qui servent leurs intérêts personnels.»
«Jusqu’aujourd’hui, je n’ai aucune information sur la rentrée de mes enfants, déplore Rana*, 35 ans, mère de jumeaux en troisième. Hier soir, je disais à mon mari que j’allais vendre mes bijoux afin de pouvoir assurer à mes enfants une éducation de qualité. À deux jours de la rentrée des écoles publiques telle que fixée par le ministère, nous sommes toujours dans l’obscurité totale. Je ne sais pas si elle aura lieu. Je ne veux pas risquer l’avenir de mes garçons. Je pense les transférer au privé.»
* Les noms des personnes interviewées ont été changés à leur demande.
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