Le Drian à Alger pour tenter l'apaisement

Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a appelé mercredi à une "relation apaisée" entre la France et l'Algérie où il a effectué une visite destinée à désamorcer une crise bilatérale d'une rare gravité.


"Je souhaite que nos deux pays reprennent ensemble la voie d'une relation apaisée et puissent regarder vers l'avenir", a déclaré M. Le Drian après avoir rencontré le président Abdelmadjid Tebboune."Nous souhaitons que le dialogue que nous relançons aujourd'hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022, au-delà des blessures du passé que nous devons regarder en face, au-delà des malentendus qu'il nous revient de dépasser", a-t-il ajouté.Il a aussi affirmé que l'Algérie était "un partenaire essentiel pour la France sur le plan bilatéral mais également sur le plan régional". Les deux pays "font face ensemble à des défis majeurs dans un environnement régional et international incertain", a-t-il relevé, évoquant "le terrorisme dans la région sahélienne, mais aussi l'émigration clandestine" et "les enjeux de développement économique".

"Notre concertation est primordiale", a poursuivi le ministre français, qui a également rencontré son homologue Ramtane Lamamra. Les autorités algériennes n'ont pour leur part fait aucun commentaire.

Le président Emmanuel Macron avait suscité l'ire d'Alger en octobre en accusant, selon des propos rapportés par le quotidien français Le Monde, le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" autour de la guerre d'indépendance et de la France, ancienne puissance coloniale, et ce alors que Paris a engagé des travaux pour tenter d'apaiser cette question mémorielle en France.

D'après le quotidien, il s'était également interrogé sur l'existence d'une "nation algérienne" avant la colonisation française. En signe de protestation, l'Algérie avait rappelé son ambassadeur à Paris le 3 octobre et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.

Le président français a depuis fait part de ses "regrets" devant la polémique engendrée et s'est dit "fortement attaché au développement" de la relation bilatérale.

Cette question du survol de l'espace algérien a d'ailleurs été abordée mercredi, selon une source diplomatique à Paris. "Notre souhait de reprendre les survols est très clair", a-t-elle expliqué, précisant qu'aucun accord n'avait été obtenu. "C'est une décision totalement souveraine" des Algériens.

Mais selon lui, la visite a permis "un examen de tout ce qui ne va pas" entre les deux pays. "Les malentendus s'étaient accumulés jusqu'au point que tout travail efficace était devenu impossible. On a repris le travail."

La présidence française avait fait savoir le 9 novembre que M. Macron "regrettait les polémiques et les malentendus" avec l'Algérie et assurait avoir "le plus grand respect pour la nation algérienne" et "son histoire". Le chef de la diplomatie algérienne avait salué ces déclarations "manifestant du respect" envers son pays et s'était rendu à Paris pour assister à la conférence sur la Libye.


Le chef d'Etat algérien avait prévenu début novembre qu'il ne ferait pas "le premier pas" pour tenter d'apaiser les tensions, avant d'envoyer le signe d'une possible détente en prédisant "un retour à la normale" des relations avec la France à condition qu'elles se fassent sur une base d'"égal à égal".

Les relations entre Paris et Alger ont connu de nombreuses turbulences. La dernière crise aussi grave date du 23 février 2005 quand le Parlement français avait adopté une loi reconnaissant "le rôle positif de la colonisation".

La visite de M. Le Drian survient alors qu'approchent des anniversaires importants, comme ceux des accords d'Evian du 18 mars 1962 mettant fin à la guerre d'Algérie. Aucune décision n'a été prise sur ces sujets de commémoration, selon la source diplomatique française.

Le président Macron a multiplié les initiatives mémorielles, dans une démarche inédite en France pour tenter d'apaiser la mémoire de ce conflit qui touche encore des millions d'habitants.

Il a commandé à l'historien Benjamin Stora un rapport sur la question et fait plusieurs gestes symboliques en direction de l'Algérie comme la restitution de restes de combattants indépendantistes du XIXe siècle ou la reconnaissance de l'assassinat de l'avocat algérien Ali Boumendjel en 1957.

Il a aussi dénoncé pour la première fois des "crimes inexcusables pour la République", à l'occasion d'une cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre par la police française de manifestants algériens, le 17 octobre 1961 à Paris.

AFP

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