La Micro-Folie, inaugurée à la prison de Fleury-Mérogis, offre aux détenus un accès numérique à des œuvres d'art majeures. Ce dispositif culturel, déployé pour la première fois en milieu carcéral, vise à favoriser la réinsertion et l'ouverture au monde.
Dans la salle de classe du centre scolaire de la prison de Fleury-Mérogis, Barbara Beautier, responsable en Île-de-France des musées numériques Micro-Folies, projette La Joconde sur un écran géant devant quatre détenus.
«Qu'est-ce qui vous interpelle dans ce tableau?», demande la jeune femme en zoomant sur le chef-d'œuvre de Léonard de Vinci. «Ses yeux?», tente timidement un premier détenu. «La ligne sur ses cheveux... Elle porte un voile», remarque son voisin de droite. «Elle n'a pas de sourcils!», s'exclame un troisième.
Ces prisonniers sont venus inaugurer la Micro-Folie de la maison d'arrêt essonnienne, la 500e à être lancée depuis la création du projet en 2017. Soutenu par le ministère de la Culture et coordonné par La Villette, ce dispositif propose un accès gratuit, via des supports numériques, aux œuvres de douze établissements nationaux, dont le musée du Louvre, le centre Pompidou, l'Opéra national de Paris, le château de Versailles et le Festival d'Avignon.
Destiné en priorité aux territoires les plus isolés (quartiers prioritaires, zones rurales), il est exporté pour la première fois en milieu carcéral à Fleury-Mérogis, le plus grand centre pénitentiaire d'Europe, où résident plus de 4.300 prisonniers.
Sur les quatre tablettes disposées dans la petite pièce aux murs orange, les détenus voient défiler des peintures, des sculptures ainsi qu'un court extrait de l'opéra Le Barbier de Séville de Rossini. Chaque contenu est accompagné de textes explicatifs et, parfois, de mini-jeux.
Pour Jérémy (les prénoms ont été modifiés), cet outil est «facile d'accès» et «donne envie» d'en apprendre davantage sur l'histoire de l'art. Le jeune homme confie que les deux seuls musées qu'il ait jamais visités avant son incarcération sont le Louvre et la Cité du Train à Mulhouse. «J'ai toujours été intéressé par la peinture, mais je ne me sentais pas à ma place dans un musée, raconte pour sa part Kevin. «Je n'ai pas eu l'occasion d'y aller quand j'étais à l'école mais là, je vais m'inscrire sur la liste d'attente», poursuit le détenu, qui porte un intérêt particulier à l'art africain et aux tableaux de Monet.
Les ateliers de la Micro-Folie de Fleury-Mérogis seront animés par un coordinateur culturel du centre pénitentiaire, un professeur, un conférencier externe ou un bénévole de l'association «Lire, c'est vivre», qui promeut la lecture en détention. Des modules thématiques, d'environ 1h30, seront proposés à de petits groupes de détenus incarcérés dans le bâtiment où le dispositif est installé. «C'est un endroit sous cloche où les détenus peuvent partir de presque rien et construire quelque chose, individuellement ou collectivement», se réjouit Samia Sedjari, la proviseure des huit centres scolaires de la prison.
Pour les responsables de l'administration pénitentiaire et de l'État présents à l'inauguration, la Micro-Folie peut également servir de support pour la réinsertion et la prévention de la récidive.
«La culture est un vecteur de socialisation et d'intégration, qui permet de s'ouvrir au monde et de s'ouvrir aux autres», défend Edouard Foucaud, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) de l'Essonne. «Cet accès au beau doit se prolonger après leur libération», abonde Marc Guillaume, préfet de la région Île-de-France. La mise en place de la Micro-Folie à Fleury-Mérogis a représenté un enjeu en matière de sécurité informatique. Pour contourner les brouilleurs téléphoniques et se prémunir contre les risques de cyberattaque, une société spécialisée a dû installer un logiciel capable de fonctionner sans Internet. Ce réseau est ouvert uniquement lors de l'installation de mises à jour du catalogue numérique. «Ce n'est pas un gadget mais un outil d'insertion», insiste M. Foucaud.
Après Fleury-Mérogis, les Micro-Folies prévoient déjà d'investir d'autres établissements pénitentiaires franciliens.
Avec AFP
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