Marina Abramović, icône de l’art de la performance, dévoile son exposition Transforming Energy à Shanghai, promettant une expérience audacieuse et interactive qui vise à rétablir les liens humains dans un monde de plus en plus technologique.
En 1988, Marina Abramović parcourait la Muraille de Chine pendant 90 jours, une performance qui marquait le début de son lien avec le pays. Trente-six ans plus tard, cette icône de l’art de la performance s’apprête à inaugurer sa première exposition en Chine, au Musée d'art moderne de Shanghai. Intitulée Transforming Energy, l'exposition promet d'être “radicale” et “totalement interactive”, une démarche que l’artiste serbe de 77 ans présente comme un rêve devenu réalité.
Dans un entretien accordé à l’AFP, Abramović partage son enthousiasme: “J'ai toujours rêvé de pouvoir me produire ici. Or, pour cela, il faut être invité… et maintenant, je suis invitée.” Elle décrit cette exposition comme une œuvre unique, conçue spécialement pour un public chinois qui, selon elle, mérite une approche audacieuse. “Je crois que la Chine mérite quelque chose de très, très radical”, affirme-t-elle.
Lors de sa première performance sur la Muraille, la Chine s'ouvrait tout juste au monde, et son projet de mariage avec l'artiste allemand Ulay s'est effondré en raison de la bureaucratie. Leur rencontre, prévue au milieu de la Muraille, a symbolisé la fin de leur relation, une ironie qui hante encore Abramović.
Un retour à la simplicité
L'exposition à Shanghai, qui comprend plus de mille photos et vidéos, retrace son expérience sur la Muraille tout en intégrant de nouvelles œuvres. Les visiteurs sont encouragés à interagir physiquement avec certaines pièces, même à s’y allonger. Cependant, Abramović insiste sur une recommandation difficile pour les visiteurs, souvent accros à leurs écrans: ranger leur téléphone. “Je veux vraiment qu'il y ait une détox de technologie dans ce spectacle, déclare-t-elle. Les gens devraient se parler, les gens devraient tomber amoureux les uns des autres. Cette exposition est, d'une manière presque romantique, un retour à la simplicité.”
Cette quête de contact humain semble être une réponse à une modernité qu’elle juge aliénante. “Je n'aime pas voir les jeunes assis ensemble à table, s'envoyant des SMS”, se désole-t-elle, ajoutant que l’exposition vise à rétablir le lien humain.
Une pratique audacieuse
Née à Belgrade, l'artiste est connue pour ses performances audacieuses, qui floutent les frontières entre son corps et son art. Dans l'une de ses œuvres les plus célèbres, Rhythm 0, en 1974, elle était restée assise immobile sur une chaise six heures durant, pendant que le public avait à sa disposition 72 objets (dont des fleurs, des couteaux et un pistolet) à “utiliser” sur elle comme bon lui semblait. Certaines personnes avaient fini par se montrer violentes, en réalisant qu'elles pouvaient agir en toute impunité.
En dépit des années, la Chine a profondément changé. Abramović se souvient d'une époque où elle était escortée par des soldats, où les rues étaient vides de voitures et où les conversations avec les villageois lui faisaient découvrir des légendes anciennes. Aujourd’hui, à Shanghai, elle observe des robots servant des repas dans son hôtel.
Seconde maison
Malgré ces transformations, la Chine reste pour elle une seconde maison. Fille de fonctionnaires communistes, elle voit des parallèles entre sa discipline et celle des Chinois. “Je viens du communisme, je suis une grande travailleuse”, confie-t-elle. Elle élude cependant les interrogations sur le contraste entre ses œuvres et le régime communiste actuel, insistant sur le fait que son art n'est pas politique.
Alors que Marina Abramović se prépare à ouvrir son exposition tant attendue, elle incarne l'espoir d'un retour à l’authenticité humaine à travers l’art, défiant les normes et engageant son public dans une expérience transformatrice.
Avec AFP
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