Maroun Khater: “la bombe des chèques désamorcée”    
Maroun Khater, chercheur en finance et en économie ©Compte X

Le conseil central de la Banque du Liban (BDL) a décidé, lors de sa réunion du 9 octobre 2024, de modifier la circulaire principale n°166, de sorte que les déposants ayant converti leurs fonds en livres libanaises en devises étrangères après le 30 octobre 2019 puissent bénéficier de ses effets.

De plus, il a modifié la circulaire principale n°147, obligeant les banques à restituer les chèques bancaires en suspens ou en circulation – c'est-à-dire les chèques émis, mais non encaissés – aux comptes concernés. Cela permet aux déposants de réinscrire ces fonds sur leurs comptes et de profiter des avantages prévus par les circulaires applicables de la BDL. 

Dans cette optique, la restitution des chèques permet de “remettre les fonds à disposition” du titulaire du compte, comme si le chèque n’avait jamais été émis. En d’autres termes, les fonds correspondants au montant libellé sur le chèque sont réaffectés au compte initial de l’émetteur.

 

Injection de liquidités

La modification de la circulaire 166, relative aux mesures exceptionnelles pour le remboursement progressif des dépôts bancaires, a élargi la catégorie des bénéficiaires. Désormais, elle inclut non seulement les dépôts effectués en devises étrangères après le 31 octobre 2019, mais encore ceux initialement déposés en livres libanaises, puis convertis en devises étrangères après cette date.

En vertu de cette circulaire, chaque bénéficiaire peut mensuellement retirer une somme de 150 dollars. Cependant, les titulaires éligibles ne peuvent profiter de cette mesure qu’à partir d’un seul compte bancaire, même s'ils en possèdent plusieurs dans différentes banques, et à la condition qu’ils n’aient pas été impliqués dans le commerce des chèques.

Cette initiative de la Banque du Liban vise à injecter des liquidités supplémentaires en dollars sur le marché, confortant ainsi le marché de change et apportant un soutien financier aux Libanais dans le contexte d’une situation sécuritaire aléatoire.

 

Effet éponge

Par ailleurs, l’amendement apporté par la Banque du Liban (BDL) à la circulaire principale 147 concernant l’ouverture des comptes bancaires soulève des questions sur son applicabilité et ses motivations. Le texte révisé exige des banques qu'elles restituent les chèques en suspens à la demande de leurs détenteurs et qu'elles rouvrent, si besoin est, les comptes bancaires clôturés en l'absence de litige judiciaire.

Interrogé par Ici Beyrouth, Maroun Khater, chercheur en finance et en économie, qualifie la décision de la BDL en rapport avec la restitution des chèques de “tentative de désamorçage d'une bombe à retardement”. Il fait par là référence aux chèques en suspens auprès des déposants, des spéculateurs commerçants, qui espèrent une augmentation du taux de change officiel pour revendre leurs chèques à un meilleur prix.

M.Khater considère cela comme une “stratégie d’éponge” ou un “prérequis” à une éventuelle décision d'augmentation du taux de change officiel. “À défaut, cette décision serait une mesure préventive prise par la BDL pour contenir une éventuelle hausse du taux de change”, explique-t-il.  

Le texte de la circulaire indique clairement que la décision du Conseil central de la BDL a été prise après consultation avec l'Association des banques au Liban (ABL).

Cela dit, il est évident que les décisions prises par la Banque centrale ne sont pas celles d’une sortie de crise, mais des mesures palliatives, en attendant Godot. Dans tous les cas de figure, peut-on demander davantage aux autorités alors que le pays est entraîné dans une guerre dont il ne voulait pas?

 

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