Israël-Hezb: entre posture moraliste et enjeu stratégique
Les soldats de la Finul au Liban-sud ©AFP

Cela pourrait être simplement de la gesticulation médiatique, mais le fait est que les sites d’information et les réseaux sociaux se relayent de temps à autre pour faire état de propositions de trêve ou de cessez-le-feu. Un arrêt des hostilités, ou tout au moins une pause dans l’escalade militaire, serait, certes, opportun si l’on perçoit la situation actuelle exclusivement sous le seul angle de la tragédie humanitaire causée par l’initiative unilatérale du Hezbollah de réactiver le front du Liban-Sud, après plus de 17 années de calme à la frontière méridionale.

Un cessez-le-feu, donc? Soit… Mais sur quelles bases? Il convient à ce stade d’établir une nette distinction entre la posture purement moraliste, totalement légitime, et l’enjeu macro-politique et stratégique des événements en cours. Il s’agit là de deux repères totalement dissociés, deux critères de jugement qu’il serait préjudiciable de confondre, au risque de retomber à terme dans le même drame dans lequel la population civile a été entrainée contre son gré. La nuance entre ces deux voies s’impose afin de ne pas faire fausse route.

Le leitmotiv qui revient régulièrement dans les propos des hauts responsables locaux et des décideurs internationaux est axé sur un nécessaire retour à l’application de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU. Celle-ci avait été approuvée en août 2006 pour mettre fin à l’autre guerre provoquée, toujours unilatéralement, et sans raison apparente, par le Hezbollah, le 12 juillet 2006, sous la haute supervision des Gardiens de la révolution iranienne. Il est impératif, à l’ombre des circonstances présentes, de rappeler la véritable teneur de la 1701.

La résolution onusienne de 2006 ne se limite nullement à un traditionnel et classique arrêt des hostilités. Il ne s’agit là que d’un des volets de ce texte, certes essentiel, mais loin d’être le plus important. Le document en question prévoit ainsi l’interdiction de toute présence armée illégale au sud du Litani, dans la zone Finul, et de tout entreposage de munitions et d’arsenal militaire dans la zone en question.

Plus important encore: tous les pays étaient expressément appelés à s’abstenir d’acheminer en territoire libanais des cargaisons d’armes et de munitions destinées à des organisations illégales. Une unité navale commandée par des officiers allemands de la Finul avait été formée au contrôle du trafic maritime à l’entrée des ports libanais pour éviter toute contrebande d’armes. Le texte de la 1701 prévoit, en outre (autre point fondamental), l’application des précédentes résolutions 1559 (votée en 2004) et 1680 (adoptée en 2006) qui portent sur les points suivants: le désarmement de toutes les milices (y compris, donc, le Hezbollah), la délimitation des frontières entre le Liban et la Syrie, “l'extension de l’autorité du gouvernement libanais sur tout le territoire libanais et le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale, de l'unité et de l'indépendance politique du Liban sous la seule et exclusive autorité du gouvernement libanais dans tout le pays”.    

Wilayat el-faqih oblique: hormis le cessez-le-feu, ces différentes dispositions de la 1701 ont été systématiquement ignorées et torpillées par le Hezbollah. Le parti pro-iranien a notamment imposé son contrôle total sur les frontières terrestres avec la Syrie, de manière à permettre son approvisionnement en armes et en munitions (sans compter les opérations de contrebande à grande échelle qui ont miné le Trésor public). Parallèlement, l’appareil militaire du parti a progressivement opéré son retour clandestin dans les régions méridionales, notamment dans les secteurs proches de la frontière avec Israël, en s’employant dans le même temps à entraver l’action de la Finul par le biais d’actions agressives menées par des habitants” sous des prétextes fallacieux.

Ce sabotage minutieux a débouché sur un fait accompli milicien qui a constitué le terrain fertile au déclenchement du confit provoqué par le bras armé des Pasdaran, le 8 octobre 2023. Le but inavoué en étant de doter le régime des mollahs de Téhéran d’une carte maitresse supplémentaire en vue d’un marchandage avec les États-Unis.

Les précédents créés par les guerres et les conflits lancés par le Hezbollah en avril 1996, en juillet 2006, et en octobre 2023 (sans compter les épisodes de 2008 et 2011) illustrent la stratégie belliqueuse permanente du parti pro-iranien. Ils démontrent surtout le caractère fallacieux de tout cessez-le-feu qui ne serait pas accompagné d’un mécanisme de mise en application stricte, ferme et intégrale de toutes les dispositions des résolutions du Conseil de sécurité portant sur la dissolution des milices et le rétablissement de la souveraineté et de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national.

L’élan de solidarité avec les civils déplacés est, certes, de mise aujourd’hui. Cependant, la priorité dans ce contexte est à l’adoption de mesures concrètes et strictes susceptibles d’empêcher que la population du Liban-Sud, de la Békaa et de la banlieue de Beyrouth ne soit entrainée une fois de plus, dans quelques années, dans une nouvelle aventure guerrière stérile dont elle ne saisirait ni les tenants ni les aboutissants.

 

                

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