Washington entrevoit une chance de mettre fin à la guerre à Gaza
Des personnes tiennent des pancartes alors qu'elles célèbrent la nouvelle de la mort du chef du Hamas, Yahya Sinouar, à Jérusalem, le 17 octobre 2024. ©(Photo par Menahem KAHANA / AFP)

Pressés d'en finir avec la guerre dans la bande de Gaza à trois semaines de l'élection présidentielle, les États-Unis voient dans la mort du chef du Hamas une occasion unique et entendent "redoubler d'efforts" en vue d'un cessez-le-feu mais la balle est dans le camp de Benjamin Netanyahou.

"Il est maintenant temps d'aller de l'avant" en vue d'un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas plus d'un an après le début de la guerre et d'obtenir la libération des otages qui y sont encore retenus, a déclaré jeudi le président américain Joe Biden, félicitant au passage le Premier ministre israélien pour avoir éliminé Yahya Sinouar.

Il a aussitôt annoncé qu'il enverrait son chef de la diplomatie, Antony Blinken, en Israël dans les "quatre ou cinq jours" afin de faire pression sur les autorités israéliennes.

Et MM. Biden et Netanyahou ont convenu, lors d'un échange téléphonique jeudi, de "coopérer", eux qui sont depuis des mois à couteaux tirés sur la conduite de la guerre à Gaza, le 7 octobre 2023.

La vice-présidente et candidate à la Maison Blanche, Kamala Harris, a pour sa part dit que la mort du chef du Hamas donnait "l'occasion de mettre fin, enfin, à la guerre à Gaza".

Mme Harris est dans une course extrêmement serrée contre le candidat républicain Donald Trump pour l'élection du 5 novembre et sait que le soutien des Etats-Unis à Israël peut lui coûter des voix notamment dans l'État clé du Michigan (nord) où il y a une forte présence d'arabo-américains.

Reste que, comme l'a dit M. Netanyahou, la guerre à Gaza n'est pas terminée et rien ne dit que Washington dispose du poids nécessaire pour influer sur le dirigeant israélien.

Ce dernier s'est montré jusqu'alors intransigeant malgré les multiples pressions américaines.

"En théorie, cela devrait être l'occasion de mettre fin à la guerre sous une bannière victorieuse", dit à l'AFP Sina Toossi, du Center for International Policy, un centre de réflexion à Washington.

"Cependant, l'approche de Netanyahou à l'égard du conflit au cours de l'année écoulée suggère le contraire", ajoute-t-il.

Il relève, en particulier, que le dirigeant israélien a privilégié la "prolongation" du conflit à Gaza, "semblant parier sur une victoire de Donald Trump à l'élection américaine pour remodeler la région avec un plus grand soutien américain".

"Si le gouvernement israélien le voulait, il pourrait s'en servir comme prétexte pour affirmer qu'il a atteint ses objectifs", renchérit Andrew Miller, du Center for American Progress.

Mais, dit-il, "je ne suis pas particulièrement optimiste quant à la capacité du Premier ministre Netanyahou et de sa coalition à le faire".

Que fera Netanyahu? 

Les États-Unis sont le premier partenaire militaire et politique d'Israël, et lui ont apporté un soutien quasi sans faille, tout en déplorant la conduite de la guerre par le Premier ministre israélien, et le nombre de victimes civiles.

Washington a menacé, cette semaine, de suspendre une partie de son assistance militaire si Israël n'améliorait pas dans les 30 jours l'accès à l'aide humanitaire pour les civils palestiniens dans la bande de Gaza dévastée.

Mais à l'exception d'une cargaison de bombes en mai, Washington n'a pas usé du levier des armes et dit soutenir l'offensive contre le Hamas à Gaza et, plus récemment, contre le Hezbollah au Liban, deux mouvements classés "terroristes" par Washington.

Des responsables américains admettent, cependant, qu'il est "trop tôt" pour savoir comment le Premier ministre israélien va réagir après la mort de Sinouar, lui qui pourrait être tenté de "finir le travail".

La communauté internationale reste aussi suspendue à la réponse que donnera Israël aux récentes frappes de l'Iran.

Pour Washington, le chef du Hamas s'est obstinément opposé au plan présenté par le président Biden le 31 mai en faveur d'un cessez-le-feu temporaire en échange de la libération d'otages à Gaza.

Mais Washington sait aussi que le Premier ministre israélien, qui est à la tête d'une coalition gouvernementale incluant des ministres d'extrême droite, est resté sourd à ses multiples appels, notamment ses mises en garde contre une extension du conflit au Liban, où Israël mène des frappes aériennes visant à écraser le Hezbollah, soutenu par l'Iran.

Un cessez-le-feu à Gaza serait bienvenue pour Kamala Harris qui, comme le président Biden, apporte son soutien "indéfectible" à Israël mais qui fait face aux critiques de l'aile gauche du Parti démocrate.

Le sort des 101 otages restants à Gaza, dont des Américains, qui a engendré des manifestations massives en Israël, sera le point déterminant, dit M. Toossi.

Si M. Netanyahou parvient à les faire libérer, sa position en sera renforcée, mais s'il échoue, cela pourrait se dégrader considérablement. "La balle est maintenant dans le camp de Netanyahu", dit-il.

Par Léon BRUNEAU et Shaun TANDON, AFP

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