Les temps ont changé, ou presque. Pourtant, Gebran Bassil s'est empressé d'agir sans attendre la fin de la guerre ni que l'issue soit claire. Ce revirement rapide n'a surpris personne. Il a peut-être choqué les partisans du Hezbollah, suscitant colère et menaces. Ses actions pourraient lui coûter cher, tant dans ce monde que dans l'au-delà. En effet, sa position lui a valu la perte de tout soutien, tant des chrétiens que des chiites. Avant de perdre les deux, il avait déjà perdu le missile… et le respect.
En ces temps difficiles, les hommes sont mis à l’épreuve. Gebran Bassil n’a même pas attendu les quarante jours de deuil suivant la mort du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour se retourner contre lui. Il a trahi celui qui a joué un rôle clé dans l’ascension du général Michel Aoun à la présidence; celui qui, après la guerre de juillet, avait apporté un soutien déterminant au Courant patriotique libre (CPL), sacrifiant beaucoup pour lui et contribuant à élargir son bloc parlementaire, avant que celui-ci ne se réduise récemment avec le départ de quatre députés.
Certains ont affirmé que “Hassan Nasrallah est devenu martyr une seconde fois”, à la suite des déclarations du leader du CPL à la chaîne Al-Arabiya. En effet, M. Bassil a effectué un revirement total – une tactique qu’il a souvent employée, notamment lorsqu’il s’en est pris au président du Parlement, Nabih Berry, et à d'autres. Les partisans du Hezbollah ont inondé les réseaux sociaux de vives dénonciations à l'encontre de M. Bassil, le qualifiant d’infidèle, de déloyal et de traître. D'aucuns l'ont même comparé à Sleimane Frangié, jugé plus courageux parce qu’il reste fidèle à ses positions, peu importe les conséquences.
Et parce que la mémoire est encore vive, et parce qu’elle peut être facilement ravivée grâce à Google, il est utile de rappeler ce “missile” que M. Bassil avait reçu en cadeau de l’un des responsables du Hezbollah. On ignore si le chef du CPL l’a dissimulé dans une cave ou simplement jeté à la poubelle, s’épargnant ainsi tout rappel du passé et de ses “innombrables points noirs”... mais il était "contraint" de le faire.
Les temps ont changé, ou presque. Gebran Bassil n’a pas attendu la fin de la guerre ni ses résultats pour opérer une volte-face radicale. Il s'est empressé d'envoyer deux messages lors de son dernier discours. Le premier, destiné aux États-Unis, exprime sa disposition à rompre définitivement son alliance avec le Hezbollah, espérant en retour que Washington cesse de soutenir le commandant de l’armée, que ce soit pour une prolongation de son mandat ou pour sa candidature à la présidence. Plus tard, il espère peut-être obtenir la levée des sanctions qui le visent, imposées par le département du Trésor sous l'administration Trump.
Quant au second message, il s’adresse à l’Arabie saoudite, avec laquelle le chef du CPL tente depuis des mois d’améliorer ses relations, espérant que Riyad ne limite plus ses liens aux Forces libanaises et à d’autres figures souverainistes bien connues.
C’est la politique de la vengeance et du rejet des responsabilités sur les autres que M. Bassil poursuit. Il l’a déjà pratiquée lorsqu’il a profité du Qard el-Hassan, en conspirant pour que Hassan Diab pourvoie le poste de Premier ministre, menant ainsi à l'effondrement rapide et programmé par ses experts économiques tels qu’Alain Bifani, Henri Chaoul et d'autres. Il a également fermé les yeux sur toutes les pratiques du Hezbollah, contribuant à l’obstruction de la présidence, des gouvernements, ainsi qu’à la fermeture du centre de Beyrouth, se contentant de s’attaquer uniquement à Nabih Berry, tout en s’efforçant désespérément de critiquer le commandant de l'armée sur des questions économiques.
Gebran Bassil ne nous a jamais surpris. Son châtiment pourrait bien se manifester par une défaite, tant dans ce monde que dans l’au-delà. Sa stratégie l'a déjà conduit à perdre le soutien des chrétiens et des chiites. Mais avant cela, il avait déjà perdu le missile... et le respect.
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