Aujourd'hui, plus de 4 millions de Libanais sont entraînés dans une guerre dont ils ignorent les véritables raisons. Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils n’ont jamais été consultés. Celui qui nous a conduits à ce destin ne peut arrêter cette guerre par un simple “si seulement j'avais su”. Ah, si seulement, ô Sayyed, vous aviez su! Si seulement vous aviez prêté attention à notre voix… Peut-être ne serions-nous pas en train de pleurer nos martyrs aujourd'hui. Peut-être que vous-même n’auriez pas été victime de cette dénonciation dont nous ignorons toujours l'auteur.
“وَإِذَا الْمَوْؤُودَةُ سُئِلَتْ” (“Si seulement l’on avait pu interroger la fillette enterrée vivante”) est un verset coranique révélé pour interdire l’infanticide des filles, une pratique courante de l’ère préislamique (Jahiliya), au cours de laquelle elles étaient enterrées vivantes par crainte de la honte. L’islam a condamné et criminalisé cet acte. À l’époque, la petite fille était une victime, tuée sans être consultée, sans avoir commis de faute et sans même le droit de se défendre.
Aujourd’hui, au troisième millénaire, plus de deux mille victimes – des enfants, des femmes, des hommes, des personnes âgées – ont péri sous les décombres, sans avoir été consultées, sans avoir opté pour cette guerre, sans avoir eu la possibilité de choisir entre la vie ou le martyre.
Aujourd'hui, un peuple tout entier est dispersé entre martyrs, déplacés, traumatisés, accablés de douleur et d'épuisement… et toujours sans avoir été consultés!
Aujourd'hui, des villages sont détruits, des maisons sont rasées, des bâtiments s’écroulent sur leurs habitants, des mosquées, des églises, des marchés, des monuments et des forteresses disparaissent sans que personne ne nous demande notre avis, et sans égard pour leur mémoire, ni leur histoire.
Aujourd'hui, plus de 4 millions de Libanais affrontent une guerre sans en connaître les raisons. Tout ce qu’ils savent, c’est que le 8 octobre 2023, le Hezbollah, sous la direction de son secrétaire général défunt, Hassan Nasrallah, a décidé de transformer le Liban en un front de soutien. Après 9 mois de tentatives pour dissuader le Hezb de s’engager dans cette voie et pour l’alerter sur les risques d’une telle équipée, nous payons aujourd'hui le prix fort de cette décision.
Ils ne connaissent que le massacre des bipeurs (dispositifs de communication) et la folie meurtrière des attaques israéliennes incessantes. Ce qu'ils subissent, c’est la hausse vertigineuse du nombre de martyrs et des habitants du sud transformés en réfugiés. Chaque membre du Hezbollah et de son entourage est devenu une cible pour Israël, mettant en péril leur sécurité ainsi que celle de leurs familles et de tout lieu où ils se trouvent.
Tout ce qu’ils savent, c’est qu’au premier anniversaire de ce front, Sayyed Nasrallah n’a pas pu s’adresser à son peuple car il est tombé, en martyr. Son successeur a subi le même sort. Quant au chef de l’unité de coordination et de communication du Hezb, il reste introuvable et la direction du parti est touchée en plein cœur. Pendant ce temps, en Iran, les leaders bien à l’abri appellent à la résistance, les yeux rivés sur les négociations et les gains qu’ils espèrent en tirer.
Tout ce qu’ils savent, c’est que Abbas Araghchi, ministre iranien des Affaires étrangères, a eu le cran de nous demander de poursuivre cette guerre, critiquant la position du Premier ministre sortant Najib Mikati.
Tout ce qu’ils savent, c’est que Mohammad Bagher Ghalibaf, président du Parlement iranien, a eu l’audace de se proposer comme négociateur au nom du Liban, une initiative qui a entraîné une réponse ferme et inédite du Premier ministre sortant Mikati, en écho à l’arrogance iranienne qui s’est tout simplement emparée de notre pays.
Tout ce qu’ils savent, c’est que leur destin est désormais suspendu aux discours de Mohammad Afif, aux apparitions tendues de cheikh Naïm Kassem et aux prises de position changeantes de Nabih Berry, encore plus imprévisibles que les volte-face politiques de Joumblatt.
Tout ce qu’ils savent, c’est que le Liban est devenu un cimetière, ses villages transformés en un enfer, son ciel empli de drones, d’avions et de missiles, obscurci par la fumée noire des raids, des destructions, des incendies et des crimes…
Tout ce qu’ils savent, c’est qu’ils n’ont jamais été consultés. Celui qui nous a conduits à ce destin ne peut arrêter cette guerre par un simple “si seulement j'avais su”. Ah, si seulement, ô Sayyed, vous aviez su! Si seulement vous aviez prêté attention à notre voix… Peut-être ne serions-nous pas en train de pleurer nos martyrs aujourd'hui, peut-être que nos hôpitaux ne seraient pas submergés par un afflux effrayant de blessés, peut-être que notre avenir ne serait pas si incertain, peut-être ne serions-nous pas tributaires de tweets provocants du porte-parole de l'armée israélienne. Peut-être n’aurions-nous pas quitté nos maisons, peut-être que nos familles ne seraient pas en exil… et peut-être que vous-même ne seriez pas tombé en martyr, victime d'une dénonciation dont nous ignorons toujours l’origine.
Si seulement vous aviez écouté “la victime enterrée vivante”, ou même l’Évangile de Matthieu: “Alors Jésus lui dit: Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui usent de l'épée périront par l'épée.”
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