Opération \
Cette photo diffusée par l'armée israélienne le 26 octobre 2024 montre un avion de chasse israélien quittant un hangar dans un lieu non divulgué en Israël. ©AFP

Explosions, balles traçantes et autres missiles brisant la tranquillité du ciel de Téhéran, dans la nuit de vendredi à samedi. Baptisée "Days of Repentance", la tant attendue riposte israélienne à l’attaque iranienne du 1er octobre a finalement bien eu lieu, Tel-Aviv clamant avoir visé une vingtaine d’objectifs sur le territoire de la République islamique.

Cette attaque fut, selon l’armée israélienne, menée par pas moins d’une centaine d’appareils, des F-15 aux F-16, en passant par les F-35 furtifs. Outre ces appareils, des drones ont aussi été mis en œuvre.

Réticences jordaniennes

L’ampleur des moyens déployés met en exergue la complexité de l’opération, que la distance entre Israël et son objectif rendait encore plus difficile. En effet, près de 1.600 km séparent les bases israéliennes de la capitale iranienne. Un périple d’autant plus ardu qu’il nécessite de violer des espaces aériens fermés à Israël, quand ils ne sont pas tout simplement hostiles à Tel-Aviv. Car pour accomplir leur mission, les avions israéliens ont vraisemblablement survolé le sud et l’est de la Syrie et certaines parties du nord de la Jordanie, pour faire ensuite irruption dans les cieux irakiens. Enfin, certains avions de guerre israéliens ont même pénétré l'espace aérien iranien, selon CNN.

Si Amman a participé à la défense de l’État hébreu en interceptant les missiles iraniens au-dessus de son territoire lors des attaques d’avril puis d’octobre, elle en a proscrit le survol pour attaquer Téhéran. Au lendemain du raid, un responsable militaire jordanien insistait ainsi auprès du média The New Arab qu'au cours de la nuit, “aucun avion de combat n'a été autorisé à traverser l'espace aérien” du royaume hachémite.

Cette position semble néanmoins contredire des vidéos postées au même moment par des citoyens jordaniens. Ces dernières montrent ce qui semblerait être des chasseurs israéliens volant à basse altitude au-dessus du territoire hachémite, en route vers l’Irak.

Échapper aux radars en Syrie

Ce type de manœuvre vise à échapper à la surveillance radar. Dans le cas jordanien, il s’agit de ne pas envenimer des relations diplomatiques déjà tendues avec cet autre allié de Washington dans la région. Mais les principales craintes de l’IAF (Israeli Air Force) se situent plutôt du côté de la Syrie et de l’Irak. L’emprise iranienne est particulièrement forte dans ces deux pays hostiles à l’État hébreu. Leurs systèmes de défense anti-aériens représentent donc une menace tangible pour les appareils israéliens, tandis que leurs radars permettent de récolter de précieuses informations quant à leur trajectoire.

Transmises à Téhéran, celles-ci auraient été essentielles pour que le dispositif de défense iranien puisse se préparer. Voler à basse altitude permet ainsi à l’IAF d’échapper plus facilement à la couverture radar de l’axe iranien, tandis que le couvert nocturne rend leur identification visuelle plus ardue.

Néanmoins, mieux vaut prévenir que guérir… C’est la raison pour laquelle les radars en question furent les premières cibles de l’attaque israélienne. Aux alentours de deux heures, des explosions retentissent ainsi dans le centre et le sud du pays. Alors que les systèmes de surveillance locaux sont paralysés, les avions de l’État hébreu filent à travers les mailles du filet.

La question du carburant

Le but de l’IAF est alors de permettre à ses appareils d’atteindre l’est syrien, sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS) et de la coalition internationale, menée par les États-Unis. Dans un espace aérien sécurisé par Washington, ceux-ci ont ainsi pu entrer dans le nord de l’Irak, lui aussi sous domination américaine. Une première destination qui flirte déjà avec le millier de kilomètres parcourus, sans prendre en compte le fait que ces appareils n’ont sans doute pas volé en ligne droite.

Mais c’est surtout le fait de voler à basse altitude qui a sans doute complexifié davantage l’opération israélienne. L’air y étant plus dense qu’à haute altitude, cela force les aéronefs à dépenser plus de carburant, ce qui restreint leur rayon d’action.

Celui-ci est encore plus restreint par l’armement emporté par ces derniers pour remplir leur mission, non seulement en raison du poids supplémentaire, mais aussi de l’impact en termes aérodynamiques. Bien que les vidéos de propagande de l’armée israélienne mettent en avant des appareils emportant des réservoirs de carburant sous leurs ailes, de telles dispositions n’ont sans doute pas suffi pour accomplir la distance requise.

L’IAF a donc sans doute bénéficié du support d’avions ravitailleurs, une hypothèse corroborée par le média Times of Israel. À l’heure actuelle, il est toutefois impossible de déterminer si cette dernière a elle-même assuré ce soutien avec ses propres appareils, ou bien si l’armée américaine lui a prêté main forte. Washington a néanmoins précisé ne pas avoir participé à l’opération… du moins, officiellement.

La phase d’attaque

C’est une fois arrivée au-dessus du territoire irakien que la force de frappe israélienne est entrée en action. Selon l’IAF, celle-ci aurait eu lieu en trois phases.

La première vague d’attaque a pris pour cible les défenses aériennes iraniennes dans les régions du Khouzestan et d’Ilam, limitrophes de l’Irak. Des installations similaires liées au Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), l’armée idéologique du régime, ont aussi été visées dans la partie ouest de Téhéran, d’après le média israélien Yediot Ahronot. En affaiblissant ces systèmes, l’IAF a ainsi pu minimiser le risque de pertes et d’interception de ses missiles.

Une fois ces installations neutralisées, les appareils formant les deux vagues suivantes ont attaqué plusieurs sites liés à la production iranienne de missiles et de drones. Des aires de lancement de missiles auraient aussi été visées. Il s’agit alors pour Tel-Aviv de mettre – au moins partiellement – hors service les capacités iraniennes dans ces domaines précis, considérés par Téhéran comme stratégiques. Au total, Israël affirme avoir attaqué une vingtaine de sites.

Des analystes interrogés lundi par Reuters ont notamment affirmé que le complexe de Parchin, situé au sud de Téhéran, avait subi assez de dommages pour "considérablement entraver la capacité de l'Iran à produire des missiles en masse".

Mais si la majorité des attaques ont visé des installations en périphérie de la capitale, d’autres sites ont aussi été touchés. Mardi, l’Associated Press a ainsi  dévoilé des images satellites de la base de Shahroud, gérée par le CGRI, qui y produit des missiles.

Frapper loin, frapper fort

Si certains appareils israéliens ont dû entrer dans l’espace aérien iranien pour atteindre leurs cibles, la plupart n’ont pas eu à s’y aventurer. Car pour remplir leur mission, ceux-ci ont été équipés d’armes de frappe à distance (Standoff weapons en anglais). Ce terme désigne des armes conçues pour être utilisées depuis une position éloignée de la cible, permettant ainsi de rester hors de portée des défenses ennemies tout en frappant avec précision.

Sur ce point, l’armée israélienne reste particulièrement peu communicative. Les vidéos de propagande postées sur les réseaux sociaux montrent des avions équipés exclusivement pour le combat aérien, sans dévoiler aucune munition d’attaque au sol. Une autre source permet toutefois de connaître avec précision ces dernières.

Le 18 octobre, la chaîne Telegram “Middle East Spectator” publiait deux documents datés respectivement du 15 et du 16 du même mois, présentés comme étant produits par les renseignements américains. Ceux-ci sont rapidement jugés comme étant authentiques par plusieurs experts, tandis que le FBI lance une enquête sur la source de cette fuite. Ces fameux documents contenaient une prétendue évaluation américaine des plans israéliens d'attaque de l'Iran. Parmi les informations, sont mentionnés deux types de missiles aérobalistiques ou ALBM, le ROCKS et le Blue Arrow.

Lancé depuis un avion, ce type de munition combine la portée de l'avion avec celle du missile pour atteindre des cibles particulièrement éloignées. À noter que dans le cas du complexe de Parchin, des drones ont aussi été utilisés, certains ayant été abattus par les défenses iraniennes restantes.

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