À la suite des multiples appels d’évacuation émis par le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee, aux habitants de Baalbeck, les Libanais retiennent leur souffle, effrayés à l’idée que l’armée israélienne puisse détruire la ville historique. Ils s’inquiètent du sort tragique des dizaines de milliers de personnes sommées d’évacuer leurs villes et leurs villages, et de l’éventualité de la destruction des sites historiques, dont celui de la Cité du soleil.
Heureusement, les vingtaines de frappes meurtrières de mercredi, qui ont fait au moins 31 tués et une cinquantaine de blessés, n’ont pas touché les sites historiques. “Pour le moment, aucun dommage n’a été signalé au niveau des temples de Baalbeck ou des maisons anciennes”, a assuré à Ici Beyrouth le mohafez de Baalbeck-Hermel, Bachir Khodr, ajoutant toutefois qu’ “il y a trois jours, des frappes israéliennes ont touché un mur romain à côté de l’endroit nommé Gouraud” (en référence au général Henri Gouraud).
Deux murailles d'enceinte juxtaposées situées dans la ville historique, l'une datant du mandat français et connue sous le nom de Gouraud et l'autre de l'époque ottomane, ont été détruites lundi par les bombardements israéliens. Mais le site lui-même n'a pas été touché, confirme M. Khodr.
Par ailleurs, le mohafez a indiqué que les raids israéliens de mercredi ont particulièrement touché Baalbeck et Douris, ajoutant que “les localités de Mazraet Abou Salibi et Bednayel ont été ciblées, alors qu’elles ne sont pas dans la zone désignée” par le porte-parole israélien.
Pourtant, les opérations israéliennes à Baalbeck ne se sont pas arrêtées hier. Le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a émis jeudi un nouvel appel d’évacuation aux habitants de Baalbeck, Aïn Bourday et Douris. Sur son compte X, il a déclaré aux habitants: “Vous vous trouvez dans une zone de combat que l’armée israélienne a l’intention d’attaquer et où se trouvent des infrastructures, des installations et des cibles du Hezbollah.”
Le mohafez de Baalbeck-Hermel, Bachir Khodr, a appelé les habitants de Baalbeck à “ne pas retourner chez eux aujourd’hui, car la zone est toujours en danger”. "Plusieurs abris ont été ouverts dans le caza de la Békaa et la plupart sont toujours vacants et à votre disposition”, a indiqué M. Khodr dans un message sur X, ajoutant que “ceux qui se sont rendus à Deir al-Ahmar sont priés de se diriger vers les zones susmentionnées”.
Dans cet ordre d’idées, M. Khodr a indiqué que “parmi les dizaines de milliers de personnes qui ont évacué la zone hier, plusieurs se sont rendues à Deir al-Ahmar, où les centres d’hébergement ont atteint leur capacité maximale depuis plusieurs semaines déjà. Certaines personnes ont donc fini par passer la nuit dans leurs voitures ou à même le sol, dans la rue”. M. Khodr a encouragé ces personnes à “se rendre dans les abris situés dans le caza de la Békaa, ouverts à cet effet”.
Pour sa part, le gouverneur de la Bekaa, le juge Kamal Abou Jaoudé, a annoncé que, selon les dernières mises à jour publiées par la salle des opérations du Comité de gestion des crises et des risques de catastrophes dans la mohafaza, un certain nombre de personnes déplacées peuvent être accueillies dans les centres d'hébergement suivants: Qab Elias Food Industries Institute, pouvant accueillir 100 personnes; l’école professionnelle de Qab Elias, 65 personnes; l’institut de Jeb Jenine, 130 personnes; l’institut Manara, 110 personnes; l’institut Inmaa Rashaya, 100 personnes; le collège public de Aaiha, 100 personnes; et l’institut officiel de Baka, pouvant loger près de 60 personnes.
Interrogé sur la raison pour laquelle les boucliers bleus de l’Unesco n’ont pas été posés sur les sites historiques de Baalbeck, M. Khodr a répondu qu’il fallait se renseigner auprès du ministre sortant de la Culture, Mohammad Mortada. Le symbole du “Bouclier bleu”, érigé en gage de protection internationale des sites patrimoniaux, a été délibérément retiré de la citadelle historique sur ordre du ministre de la Culture, Mohammad Mortada, en novembre 2023. M. Mortada avait alors affirmé que “c’est l’armée libanaise et la puissance de la Résistance (du Hezbollah) qui forment le véritable bouclier protecteur du pays”, oubliant que son devoir premier est de tout faire pour protéger les sites archéologiques ou présentant un intérêt historique. En négligeant les symboles de la loi internationale, le ministre expose les colonnes imposantes et antiques de Baalbeck à des dangers accrus.
Par ailleurs, M. Khodr a fait savoir que “l’ambassadeur du Liban à l’Unesco, Moustapha Adib, œuvre avec acharnement avec les parties concernées pour que les sites archéologiques et historiques de Baalbeck ne soient pas ciblés”. Pour autant, ils ne sont pas totalement à l’abri du danger et pourraient être ébranlés par des frappes israéliennes à proximité.
Il convient de noter que les députés et ministres de Baalbeck-Hermel ainsi que le mohafez devraient se réunir au Parlement vendredi, à 10h30, pour se pencher sur les questions relatives à la situation de la ville et aux personnes déplacées. La séance sera suivie d’une conférence de presse.
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