Le premier discours du secrétaire général nous laisse cois face à cette affirmation: “Nous avons réussi à rejoindre le front de soutien”. Il est bien légitime de se demander à qui renvoie ce “nous”. Au Hezbollah, aux habitants du Liban-Sud, de la Békaa, de la banlieue sud de Beyrouth, ou bien au Liban tout entier? Quel succès, Cheikh Naïm? La moitié d’entre nous avons été contraints de nous déplacer sans avoir choisi la guerre! La moitié d’entre nous avons vu nos maisons détruites, nos biens perdus, nos terres et nos villages dévastés, simplement parce que vous avez imposé un front de soutien contre notre gré, un front qui a réduit notre pays en ruines, sans aucun soutien pour nous relever!
À peine nommé secrétaire général du Hezbollah, Cheikh Naïm Qassem semble s’être imprégné, presque inconsciemment, de la personnalité du martyr Sayyed Hassan Nasrallah. Il s’est soudainement mué en orateur incisif, lançant des menaces contre les États-Unis et ponctuant son discours d’expressions en libanais populaire, rappelant le style maîtrisé de Nasrallah.
Mais, au-delà de l’immense différence entre les deux hommes, l’analyse des soixante minutes du discours de Naïm Qassem soulève plusieurs points qui méritent réflexion, notamment cette phrase: “Nous avons réussi à rejoindre le front de soutien”. Il est bien légitime de se demander à qui renvoie ce “nous”. Au Hezbollah, aux habitants du Sud, de la Békaa, de la banlieue sud de Beyrouth, ou au le Liban tout entier?
Si cela concerne le Hezb, de quel succès parle Cheikh Naïm Qassem? Serait-ce celui de sa récente nomination au poste de secrétaire général? Ou bien le supposé succès des négociations sous la contrainte de la guerre, aboutissant finalement à l’acceptation de la résolution 1701 après des années de refus? Ou encore le succès des “pertes” subies? En tentant de s’approprier l’image de Nasrallah, Naïm Qassem semble toutefois oublier que son prédécesseur et compagnon de lutte est tombé en martyr pour ce même front.
Cependant, soyons conciliants envers Naïm Qassem. Sans doute, des centaines de membres du Hezbollah viendront clamer que le martyre est un acte de dévotion, un idéal, un honneur suprême! Qu’ils n’ont aucune peur de la mort et considèrent le martyre du Sayyed comme un privilège. À cela, nous pouvons répondre: Nous respectons vos convictions, tant qu’elles ne nous entraînent pas dans votre abîme!
Mais si ce “nous” fait référence au Liban-Sud, à la Békaa et à la banlieue sud de Beyrouth, l’on peut s’interroger: où est la banlieue, où commence-t-elle, où finit-elle? Où est la vie dans ce tas de ruines? Où est le Sud, où même les mosquées et les églises n’ont pas échappé à la destruction? Où est-il, alors que les chars israéliens continuent inlassablement de raser le peu de maisons encore sur pied?
Et la Békaa, Cheikh Naïm? Cette Békaa dont les habitants sont pris au piège, entre les bombardements, les menaces constantes et les déplacements forcés qui pèsent sur tout le Liban. Mais, là encore, gardons notre calme: peut-être que Cheikh Naïm Qassem ne suit pas les journaux télévisés et n’a jamais vu les incursions israéliennes à Kfar Kila, ni à Yaroun. Peut-être que certains, dans les milieux de la résistance, viendront même nous assurer que la reconstruction va se faire et que la guerre prendra fin et que tout redeviendra normal, répétant que les habitants pourront faire revivre leur terre.
À eux aussi, disons-le: Grand bien vous fasse!
Mais si ce “nous” concerne le Liban, alors là, Cheikh Naïm, expliquez-nous sincèrement en quoi réside ce “succès” pour le Liban? Dans le lourd tribut payé en termes de destruction, ou dans les drones israéliens qui survolent sans vergogne chaque parcelle de notre territoire, ou même dans les assassinats qui surviennent dans des régions censées être sûres?
De quel succès parlez-vous, Cheikh Naïm? La moitié d’entre nous avons été déplacés sans avoir choisi la guerre! La moitié d’entre nous avons vu nos maisons détruites alors même que nous refusions cette guerre. Plus encore, nombreux sont ceux qui ont perdu leur foyer, leur gagne-pain, leur terre, voire leur village, simplement parce que vous avez imposé un front de soutien, contre notre gré, un front qui a réduit notre pays à l’état de ruines, sans aucun soutien pour nous relever!
Mais oui, quelque part, nous avons bel et bien réussi, Cheikh Naïm! Nous avons compris que votre front est “plus fragile qu’une toile d’araignée” et que cette unité n’est qu’un leurre, de la pure poudre aux yeux. Alors, dites-nous: où sont l’Iran et la Syrie aujourd’hui? Où sont les résistants face à l’incendie qui consume le Liban?
Oui, nous avons bel et bien réussi! Nous avons compris que nous sommes vos victimes, victimes de votre alliance et de votre Iran. Victimes d’une idéologie qui ne représente pas le Liban et dont la seule réalisation concrète a été notre destruction!
Nous avons réussi, et nous avons compris que vous êtes bien loin de votre slogan électoral “nous protégeons et nous construisons”, que vous scandiez à chaque campagne. Peut-être faudrait-il le remplacer par un autre slogan, plus adapté et réaliste, qui consisterait à dire que, selon vos calculs et ceux de votre alliance, nous sommes “prêts à être sacrifiés pour l’Iran”, et “prêts pour l’ultime martyre”!
Mais non, Cheikh Naïm, revoyez vos calculs. Comprenez bien que nous ne sommes pas “prêts à être sacrifiés”! Nous n’avons vu aucun succès ni dans votre front, ni dans votre guerre, ni dans vos armes, ni dans aucune de vos actions, ni, finalement, dans votre Hezbollah tout entier!
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