Israël annule l’accord avec l’Unrwa: quelles conséquences?
©Eyad Baba / AFP

L’accord entre Israël et l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) est désormais officiellement rompu. Lundi, l’État hébreu a notifié les Nations unies de l’annulation de cet accord, votée il y a une semaine, à une majorité écrasante par le Parlement israélien.

Longtemps marquées par des désaccords fondamentaux, les relations entre l’État hébreu et l’Unrwa se sont notamment dégradées depuis le début de la guerre consécutive à l’offensive du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023.

Un an plus tard, la décision d’abolir tout lien avec l’agence onusienne est prise. Entre-temps, et selon des rapports de l’ONU datant du 13 septembre 2024, pas moins de 220 membres de l’Unrwa ont perdu la vie et plus de 140 centres (dont des écoles) ont été détruits par des frappes israéliennes.

Dans un contexte de tensions accrues au Moyen-Orient, exacerbées par la situation à Gaza et par le manque de résultats tangibles dans le processus de paix, l’annulation de cet accord n’est donc pas sans conséquences humanitaires et politiques.

Pourquoi cette décision?

Créée en 1949 pour être une agence temporaire (en attendant l’application de la résolution 194 de l’Assemblée générale (AG) des Nations unies, prônant un droit de retour aux Palestiniens, comme solution durable au conflit), l’Unrwa a pour objectif de fournir assistance et protection aux réfugiés palestiniens qui ont fui ou ont été expulsés de leurs terres lors de la guerre de 1948.

Elle a joué, au fil des décennies, un rôle crucial, assurant des services essentiels tels que l'éducation, la santé et l'aide alimentaire. Si son mandat est renouvelé tous les trois ans par l’AG de l’ONU – la 194 n’ayant jamais été mise en vigueur –, l’Unrwa est souvent perçue par Israël comme un soutien à un récit qui nie l’existence de l'État d'Israël et qui renforce la condition de réfugié des Palestiniens. Enracinées donc dans des préoccupations de sécurité, des perceptions politiques et des divergences sur la question, les relations entre l’agence et Tel Aviv sont aujourd’hui au plus bas, avec plusieurs points de friction.

Israël rejette, en effet, le principe selon lequel le statut de réfugié devrait être perpétué indéfiniment, arguant que cela entrave les efforts de paix et de réconciliation. Il considère qu’une politique d’intégration devrait plutôt être favorisée. De son côté, l’Unrwa défend le droit au retour des Palestiniens, une menace existentielle pour Israël.

Par “réfugié palestinien”, précisons-le, l’Unrwa entend toute personne “dont le lieu de résidence habituel était la Palestine entre le 1er juin 1946 et le 15 mai 1948 et qui a perdu à la fois son domicile et ses moyens de subsistance en raison du conflit de 1948”. Cette définition concerne également les descendants des réfugiés de 1948.

D’autre part, sur la notion de gérance, le gouvernement israélien a toujours critiqué l’efficacité de l’agence, soulignant des problèmes de transparence. À cela se sont ajoutées des allégations de corruption au sein de l’Unrwa, ce qui a poussé les Israéliens à réclamer une révision de son fonctionnement.

Par ailleurs, l’État hébreu a régulièrement accusé l’instance onusienne de ne pas prendre de mesures suffisantes pour empêcher que son aide ne soit détournée par des groupes militants, notamment le Hamas. Cette crainte a été renforcée lors de la guerre de Gaza, des infrastructures de l’agence ayant été suspectées d’être utilisées à des fins militaires.

Tant d’accusations, antérieures à l’offensive du 7 octobre, qui ont entraîné son principal donateur, les États-Unis, à cesser tout financement en 2018, sous l’ancien président américain, Donald Trump. Renouvelée après l’arrivée au pouvoir de Joe Biden en 2020, la contribution américaine a, de nouveau, été suspendue en janvier 2024, Israël ayant pointé du doigt des employés de l’Unrwa, les accusant d’avoir participé activement à l’offensive du Hamas du 7 octobre 2023.

Conséquences de l'annulation de l’accord

L’annulation de l’accord risque aujourd’hui d’aggraver la situation humanitaire des Palestiniens. Sans le soutien d'Israël, les services assurés par l’Unrwa pourraient être gravement compromis, menant à une montée des tensions entre les autorités israéliennes et les Palestiniens, augmentant par conséquent le risque de confrontations et d'éruptions de violence, surtout dans un contexte déjà volatil.

“La décision prise par Israël n’interdit pas concrètement les activités de l’Unrwa à Gaza et en Cisjordanie”, explique un expert, sous couvert d’anonymat. “Elle les complique en y imposant des conditions quasi impossibles à respecter”, poursuit-il. En limitant donc l’aide humanitaire, le texte voté interdit aux responsables israéliens de collaborer avec l’Unrwa et ses employés, ce qui bloquera toute “coordination avec les autorités israéliennes et empêchera l’octroi de permis d’entrée dans les territoires occupés”, comme l’a expliqué l’Unrwa dans une déclaration à l’issue du vote. Des menaces qui compromettent donc l’accès aux services essentiels pour des millions de Palestiniens.

À cette assertion et à la polémique suscitée à l’international, le ministre israélien des Affaires étrangères, Israël Katz, s’est empressé de réagir. Estimant à “13% l’aide qui provient de l’Unrwa”, M. Katz a indiqué lundi qu’une “grande partie de l'aide humanitaire à Gaza est acheminée par d'autres organisations”.

À l’heure où l’annulation de l’accord est perçue comme une atteinte aux droits des Palestiniens, pouvant compliquer les efforts de paix dans la région, le ministre en question entend, à travers ses propos, insister sur l’attachement d’Israël au droit international selon lequel l’entrée des aides humanitaires dans la bande de Gaza doit être facilitée.

Si les implications humanitaires et politiques de cette décision venaient à se déployer, la communauté internationale se devra de suivre de près l'évolution de la situation pour répondre aux défis qui en découlent. Comment prendre en compte les préoccupations sécuritaires d’Israël tout en préservant les droits des Palestiniens? Un dilemme auquel se voient aujourd’hui confrontés les pays concernés par le dossier.

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