Présidentielle US: un scrutin pas comme les autres 
Le président élu Donald Trump. ©AFP

Ancien conseiller du président Donald Trump pour les affaires étrangères, Walid Phares nous confiait, à la veille du scrutin présidentiel américain de mardi, que l’un des principaux facteurs sur lequel le candidat républicain misait dans sa campagne était, au-delà de la dynamique de sa machine électorale, la mobilisation spontanée d’une “vague populaire” généralisée, un courant non encadré et canalisé nécessairement par l’appareil du parti. Il avait visé juste dans son analyse, mais en guise de vague populaire, ce fut plutôt un raz-de-marée républicain auquel nous avons assisté le 5 novembre. Un raz-de-marée qui s’est traduit – fait rare dans les annales des élections américaines – non seulement par la victoire au niveau du scrutin présidentiel, mais aussi, simultanément, par un vote populaire largement majoritaire (ce qui n’est pas toujours le cas pour le candidat à la présidence), ainsi que par l’obtention d’une majorité au Sénat et à la Chambre des Représentants, parallèlement à l’élection d’un nombre de gouverneurs républicains supérieur à celui des démocrates.

Un rapide survol du bilan de cette longue journée électorale permet de relever que cette mobilisation populaire n’a pas été uniquement le résultat d’une simple démarche électorale et politicienne, reflétant un classique malaise politique ou socio-économique. Pour nombre d’électeurs, elle a été aussi, dépendamment des comtés et des États, l’expression d’un phénomène de type sociologique qui se manifeste dans les milieux conservateurs de l’Amérique profonde. Elle a été en quelque sorte une réaction à la déliquescence sociale grandissante, à la perte de certaines valeurs traditionnelles et nobles au sein de la société américaine, et occidentale d’une manière générale.  

L’autre fait marquant de ce scrutin présidentiel aura été l’engouement et l’enthousiasme d’une large faction de Libanais pour cette élection. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a été perçu au Liban et au niveau d’une grande partie des expatriés comme une lueur d’espoir inespérée, dans un contexte assombri par de lourds nuages noires. Nous nous trouvons là aussi face à un phénomène à caractère sociologique. Le Liban est en effet confronté depuis plusieurs années à un vide désespérant et psychologiquement déstabilisateur à plus d’un niveau. Et pour cause: sous le poids d’une pernicieuse velléité “anschlussienne” iranienne qui ne veut pas dire son nom, le fonctionnement des institutions est gravement bloqué, l’application des mécanismes constitutionnels pour assurer une alternance dans l’exercice du pouvoir est systématiquement torpillée, et plus généralement la vie politique est viciée à la base du fait des pratiques miliciennes et des menaces des suppôts de l’Iran.

Toutes les tentatives politiques et populaires visant à affronter ce fait accompli imposé par le régime iranien depuis la Révolution du cèdre de 2005 ont fait chou blanc. De ce fait, l’enthousiasme pour l’élection de Donald Trump a constitué une réaction impulsive à ce vide institutionnel, une avidité à s’accrocher à une lueur d’espoir, recherchée au-delà des frontières, pour compenser le vide structurel qui mine le quotidien des Libanais.

Une telle réaction impulsive paraît en première analyse largement irrationnelle, mais elle repose en réalité sur une donnée réelle: la posture ferme adoptée par le président Trump à l’égard du régime des mollahs de Téhéran, notamment lors de son premier mandat présidentiel lorsqu’il a imposé à l’Iran de lourdes sanctions économiques dont l’impact se fait ressentir jusqu’à aujourd’hui, sans compter l’élimination de Qassem Souleimani, élément moteur de l’expansionnisme déstabilisateur iranien dans l’ensemble du Moyen-Orient.

Force est de rappeler, en outre, que le président Trump a été l’initiateur des accords d’Abraham qui ont abouti à l’établissement de relations formelles entre Israël et plusieurs pays arabes, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Ce processus de normalisation avec l’État hébreu était sur le point d’atteindre son apogée à la fin de l’année 2023 en englobant l’Arabie saoudite mais il a été torpillé net par l’Iran sous le coup de l’attaque meurtrière lancée le 7 octobre 2023 contre Israël par le Hamas, allié stratégique des Pasdaran. L’enthousiasme des Libanais pour le scrutin du 5 novembre s’explique ainsi par une forte attente au niveau de la fermeté à l’égard de la République islamique, parallèlement à un engagement clair à réaliser une paix régionale, incluant le Liban, à la faveur sans doute d’une relance des accords d’Abraham.

Il y a loin de la coupe aux lèvres, diront certains qui avancent comme argument l’aventurisme et l’extrémisme du cabinet Netanyahou qui pourraient faire obstacle à la stratégie de la future administration américaine. Peut-être… Mais les Libanais ont-ils encore, dans le contexte présent, un autre choix que de s’accrocher à la lueur d’espoir qui pointe à l’horizon de la Maison Blanche pour s’appuyer sur l’indispensable soutien externe de poids susceptible de neutraliser la tentative des Pasdaran iraniens de mener à bien leur projet d’Anschluss visant le pays du Cèdre?           

               

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