Les relations franco-iraniennes, entre ruptures et défiance (1/2)
©Ici Beyrouth

   

Éloignés sur le plan géographique, la France et l’Iran partagent pourtant des liens depuis le Moyen Âge. Mais leurs relations ont été émaillées de plusieurs ruptures, marquées par un jeu d’influence et une rivalité au Moyen-Orient et sur la scène internationale. Les relations historiques entre la France et l’Iran, abordées dans cette première partie, permettent de comprendre l’importance capitale de la révolution iranienne de 1979 qui a redéfini les liens entre les deux pays sur la scène internationale.

À partir de la Révolution française, de nombreux contacts sont établis entre les deux pays avec la diffusion grandissante d’une influence culturelle française en Iran. À titre d’exemple, les médecins de la cour de Perse (devenue Iran en 1935) sont généralement français, et Paris fournit de nombreux professeurs et conseillers militaires.

“Au XIXe siècle, de nombreux intellectuels iraniens sont partis étudier en France et ont été sensibles aux idées de la Révolution française, de modernité, de modèle de la nation, de démocratie et d’éducation, et une partie d’entre eux ont participé à la révolution constitutionnelle iranienne de 1906”, souligne à Ici Beyrouth Thierry Coville, chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Iran. En effet, dans les premières années du XXe siècle, l’Iran est sous domination étrangère, russe au nord et à l’ouest, et britannique au sud, et les révolutionnaires souhaitent l’indépendance pour leur pays.

La France jouit alors d’une bonne réputation auprès des Iraniens, car elle n’a jamais nourri de prétentions coloniales ou impérialistes envers leur pays. Cependant, les liens économiques et politiques restent limités, et la France n'est que le cinquième partenaire commercial de la Perse en 1914, selon un rapport du Sénat français daté de 2014.

L’avènement de Mohammed Reza Pahlavi en tant que nouveau Shah d’Iran va donner une nouvelle impulsion aux relations franco-iraniennes. “Au début du XXe siècle, le français était la langue à la mode au sein de l’élite iranienne”, explique Thierry Coville. “Mohammed Reza Shah se rendait souvent en Europe  et sa femme a invité de nombreux artistes français, comme Maurice Béjart, en Iran.”

D’éducation francophone, le nouveau Shah reçoit plusieurs fois la visite du général Charles de Gaulle, alors à la tête de la France. Sur le plan économique, cependant, les relations restent faibles et la Compagnie française des pétroles n’obtiendra que 6% des parts à la suite du démantèlement de l’Anglo-Iranian Oil Company.

En 1975, un contrat de vente de technologies nucléaires françaises est conclu entre le président Pompidou et le Shah. L’Iran dispose alors d’une participation dans Eurodif, une entreprise qui doit lui fournir 10% de sa production de l’uranium enrichi, et cinq centrales nucléaires françaises doivent être construites par l’entreprise Framatome. L'Iran, de son côté, apporte 1 milliard de dollars à la France sous forme de prêt.

Mais la lune de miel entre les deux pays va être de courte durée, avec l’arrivée en France, fin 1978, d’un touriste iranien un peu particulier, l’ayatollah Rouhollah Khomeini. Le président Giscard d’Estaing lui permet de s’établir en France, alors que de nombreux intellectuels français comme Michel Foucault et Jean-Paul Sartre l’encensent.

Première rupture: de l’influence culturelle au “petit Satan”

Le 1ᵉʳ février 1979, l’ayatollah Khomenei retourne en Iran, alors en pleine révolution. La République islamique d’Iran est proclamée. “Dans un premier temps, la France était bien vue en Iran, car elle avait accueilli l’ayatollah Khomenei; la rue de l’ambassade de France, par exemple, porte le nom de Neauphle-le-Château, commune où avait séjourné l’ayatollah en France”, souligne Thierry Coville, “mais ce sentiment positif s’est vite transformé en hostilité avec la mise en place de la République islamique.”

En effet, tout oppose la République islamique naissante et la République française. Basée sur une structure religieuse, la nouvelle république est décriée notamment pour son manque de démocratie et ses atteintes aux droits des femmes et des minorités. Sur fond de soupçons d’espionnage et de la présence du Shah d’Iran aux États-Unis, le 4 novembre 1979, 400 étudiants prennent d’assaut l’ambassade américaine de Téhéran et détiennent une cinquantaine d’otages durant 444 jours. Les États-Unis rompent alors leurs relations avec l’Iran et lui imposent un embargo commercial.

Le début de la guerre Iran-Irak va peser lourdement sur les relations franco-iraniennes. En effet, la France va choisir de soutenir l’Irak de Saddam Hussein. Elle devient alors le “petit Satan”, le terme de grand étant réservé aux Américains. Durant cette période, l’Iran réclame à la France les 10% de la production d’uranium enrichi d’Eurodif ainsi que le remboursement du prêt effectué par le Shah. Mais Paris refuse.

Une série d’attentats et d’enlèvements en France et au Liban se produisent, dont l’attentat du Drakkar à Beyrouth (23 octobre 1983). La France rompt ses relations diplomatiques avec l’Iran en 1987, puis finit par céder aux exigences iraniennes. Les liens diplomatiques sont rétablis, mais toute cette période a porté un coup sévère à l’influence culturelle française en Iran.

Après la première guerre du Golfe et grâce à la présidence plus modérée de Mohammad Khatami (1997-2005), Paris renoue des liens économiques importants avec Téhéran. S’opposant avec plusieurs pays européens à la loi d’Amato-Kennedy – adoptée par le Congrès américain le 8 août 1996 – qui met en place des sanctions américaines contre l’Iran, la France multiplie les contrats avec ce pays, devenant en 2002 le troisième fournisseur de l’Iran et son 7e client. Les exportations françaises concernent notamment l’automobile, avec des ateliers de production de PSA et Renault en Iran, ainsi que la pharmacie et l’industrie pétrolière.

Mais les relations franco-iraniennes vont de nouveau connaître une rupture avec la question du nucléaire.

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