Depuis quelques jours, une nouvelle page s'ouvre pour la politique américaine: Donald Trump s'apprête à retrouver la Maison Blanche en janvier 2025. Cette victoire semble inaugurer une seconde révolution conservatrice aux États-Unis, écho contemporain de celle amorcée par Ronald Reagan en 1981, alors centrée sur des réformes économiques. Cette fois, le président élu entend asseoir une vision conservatrice bien plus vaste: réduction des impôts, restrictions sur les importations, limitation de l’immigration et recul des politiques écologiques. Mais, plus encore, il avancera en suivant une ligne directrice claire: “America First”, même au prix d’un éloignement de ses alliés occidentaux. Si son élection en 2016 avait surpris, prenant de court ses adversaires et le candidat lui-même, Trump revient aujourd’hui armé d’une préparation méticuleuse et d’un programme mûri. Les contre-pouvoirs semblent affaiblis, d’autant que la vague trumpiste a conquis la Cour suprême, le Sénat et menace de s’emparer de la Chambre des représentants.
À peine l’annonce de la défaite de Kamala Harris faite, l’ombre de Donald Trump s’est étendue sur Bruxelles, plongeant l’Union européenne dans une période d’incertitude et de profondes inquiétudes. L'UE se retrouve ainsi face à l'impérieuse nécessité de renforcer son unité, alors que s'imposent des défis qualifiés par beaucoup d'experts de véritables menaces existentielles. Qu’il s’agisse de la situation en Ukraine, de la sécurité continentale ou des tensions commerciales, chaque enjeu exige des réponses communes et solidaires. Quelle posture adoptera l’Europe face au prochain occupant de la Maison Blanche? Et comment pourra-t-elle résister à l'épreuve du “chacun pour soi” dans un monde de plus en plus polarisé?
L’OTAN face à la menace du retour de Trump
L'Europe pourrait voir ses intérêts gravement menacés avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, notamment sur deux axes principaux. Le premier concerne la défense, domaine où la sécurité européenne reste très dépendante de l’OTAN, structure largement dominée par les États-Unis. Or, Trump a toujours considéré l'OTAN comme une alliance coûteuse et désuète, exigeant des pays européens qu’ils assument davantage de responsabilités financières. Irait-il jusqu'à remettre en cause le principe de défense mutuelle? Il est en effet le seul président américain à ne s'être jamais explicitement engagé à respecter l'article 5 du traité transatlantique.
Cependant, un retrait effectif de l'OTAN serait ardu, notamment en raison des contrepoids institutionnels au sein de Washington, comme le Congrès qui, bien que dominé par les républicains, conserve des mécanismes de contrôle influant sur les décisions présidentielles. De plus, la loi adoptée sous Biden, en décembre 2023, impose au président d'informer le Congrès et d'obtenir une majorité des deux tiers au Sénat pour tout retrait unilatéral de l'OTAN. Une telle démarche susciterait un débat national dépassant les sphères institutionnelles, impliquant potentiellement des acteurs comme les grandes entreprises d'armement. Il est donc plus probable que Donald Trump cherche à transformer l’OTAN en une alliance passive, où les États-Unis se réserveraient le rôle d’un soutien en dernier recours, transférant le poids financier aux Européens. Pour l’Europe, une stratégie efficace consisterait à se montrer prête à négocier, à trouver des compromis, bien que les relations transatlantiques risquent de rester tendues et peu harmonieuses.
Les tarifs douaniers, un fardeau pour l’économie européenne?
Le second axe est la politique économique de Donald Trump qui pourrait affecter l’Europe de manière significative. En effet, il a une nouvelle fois menacé d'imposer des droits de douane à l'Union européenne, comme il l'avait fait lors de son premier mandat. Il est cependant utile de rappeler que les tarifs douaniers effectivement appliqués avaient été moins drastiques que ceux promis lors de sa campagne de 2016. Cette fois, Trump envisage d'instaurer un tarif uniforme sur l'ensemble des biens importés aux États-Unis, potentiellement à hauteur de 10 ou 20%. Des recherches menées par la London School of Economics indiquent que ces droits de douane nuiraient à l'économie européenne (réduction de 0,11% pour un tarif de 10%), mais dans une moindre mesure comparativement à l'impact qu'ils auraient sur l'économie chinoise (-0,68%) ou américaine elle-même (-0,64%). Ce qui est peut-être plus préoccupant encore, c’est que ces tarifs pourraient, à long terme, accélérer la désindustrialisation de l’Europe en incitant les entreprises manufacturières à délocaliser leurs usines aux États-Unis pour éviter les droits de douane et accéder au marché américain sans entrave.
Quelle réponse européenne?
En somme, les politiques économiques et étrangères de Donald Trump poseront des défis considérables pour l'Europe. Que la présidence de Trump soit bénéfique ou néfaste pour l'Europe dépendra de la manière dont cette dernière répondra à ces défis. Les experts se divisent en trois positions distinctes. La première, optimiste, soutient qu’un second mandat de Trump pourrait être favorable à l’Europe. Cela pourrait contraindre l'UE à coopérer davantage et à prendre des mesures décisives sur des enjeux majeurs comme la défense, la sécurité et l'économie, mettant peut-être fin à sa dépendance vis-à-vis de son voisin transatlantique de plus en plus imprévisible. La position plus mesurée et neutre affirme que l’UE réagira à un second mandat de Trump comme elle l’a fait entre 2016 et 2020: en tentant de limiter les dégâts, en cherchant à éviter d’irriter Trump, tout en espérant qu’un candidat plus atlantiste lui succède en 2028, comme Joe Biden en 2020. Dans ce scénario, l'UE ne changerait guère, poursuivant sa trajectoire incertaine. Enfin, la position pessimiste prévoit que le retour de Trump pourrait diviser l'UE. En effet, un groupe de dirigeants européens, tels que Viktor Orbán ou Giorgia Meloni, partage les vues politiques de Trump. Bien que l’UE ait réussi à afficher une certaine unité lors du premier mandat de Trump, il sera plus difficile d’adopter une position homogène cette fois-ci, au vu du nombre croissant de partisans de Trump au sein de la politique européenne.
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