Fils influent du Guide suprême Ali Khamenei, Mojtaba Khamenei, clerc discret mais puissant, est l’homme de l’ombre de la République islamique. Considéré comme l’héritier potentiel, il exerce une influence majeure sur l’appareil sécuritaire et politique iranien grâce à sa proximité avec les Gardiens de la révolution.
Mojtaba Khamenei, le deuxième fils du guide suprême iranien Ali Khamenei, aurait été choisi comme successeur de son père en septembre lors d'une réunion secrète de l'Assemblée des experts, selon le média israélien Yedioth Ahronot.
L’Assemblée des Experts, dont les membres, 88 religieux élus au suffrage universel direct, est notamment chargée d’élire le prochain guide suprême. Si aucune annonce officielle n’a jusqu’à présent été faite, “Khamenei cherche depuis longtemps à positionner son fils comme son successeur”, pointait le directeur du centre de réflexion pour le Moyen Orient et l'ordre global (CMEG) Ali Fathollah-Nejad, en juillet dernier.
Proche du CGRI
Né en 1969 à Mashhad, grand centre urbain situé près de la frontière avec l’Afghanistan, Mojtaba a grandi au sein d’une fratrie de six enfants, dans un contexte politique instable marqué par l'opposition de son père, Ali, au régime du Shah. Des prises de position qui valurent à Ali d’être arrêté à plusieurs reprises par la SAVAK, la police secrète du régime, arrestations qui ont marqué les premières années de son fils.
Après la Révolution islamique de 1979, la famille Khamenei déménage à Téhéran, où Mojtaba poursuit ses études au lycée Alavi, une école d'élite, dont il sort diplômé en 1987. En parallèle, il rejoint le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), l’armée idéologique du régime des mollahs.
C’est dans ce cadre que Mojtaba sert durant la guerre Iran-Irak, au sein du “bataillon Habib” du CGRI. Il y côtoie plusieurs futures figures influentes de l’appareil sécuritaire, renforçant ainsi sa position dans le système.
L'élévation de son père au rang de Guide suprême, en 1989, marque un tournant dans la vie de Mojtaba. Il commence alors des études en théologie islamique et en jurisprudence, sous la tutelle de clercs influents, à Téhéran, puis à Qom, au sud de la capitale, qui abrite le plus grand centre d'études chiites au monde. Cela consolide son statut parmi les élites religieuses, malgré son rang relativement inférieur au sein du clergé.
Impliqué dans la répression
À partir des années 2000, Mojtaba devient un acteur majeur dans les coulisses de la politique iranienne. Il est accusé d'avoir influencé l'élection présidentielle de 2005 en soutenant Mahmoud Ahmadinejad. Il est également très impliqué dans la répression des manifestations du Mouvement vert en 2009, prenant directement la tête des Bassidjis, la branche du CGRI chargée de la sécurité intérieure, pour écraser les dissidents.
En parallèle, il aurait contrôlé des ressources financières importantes, dont un compte bancaire, gelé par le Royaume-Uni en 2009, d'une valeur de 1,6 milliard de dollars.
La proximité de Mojtaba avec les forces de sécurité et les organes de diffusion, notamment la Radio-télévision de la République islamique d’Iran (IRIB, média d'État), lui confère une autorité qui dépasse celle de nombreux responsables officiels.
Les spéculations sur une possible succession de Mojtaba en tant que Guide suprême se sont intensifiées ces dernières années, particulièrement après la dégradation de la santé d’Ali Khamenei. Plus récemment, il a joué un rôle central dans la gestion de la crise économique et des tensions internes croissantes, y compris la répression des manifestations en 2019-2020 et en 2022.
Il aurait également renforcé ses liens avec les milices chiites de la région, en particulier en Irak et en Syrie, jouant un rôle clé dans l'extension de l’influence iranienne au Moyen-Orient.
Vers une consolidation dynastique?
Depuis la mort de l’ancien président Ebrahim Raïssi, en mai 2024, dans un crash d’hélicoptère et jusqu’alors considéré comme le successeur naturel d’Ali Khamenei, l’hypothèse Mojtaba est devenue d’autant plus vraisemblable. Néanmoins, celle-ci reste confrontée à maints obstacles, notamment le scepticisme des clercs quant à ses qualifications religieuses.
D’autant que, malgré son pouvoir indéniable, Mojtaba Khamenei demeure une figure énigmatique. Il est rarement vu en public et n'apparaît presque jamais dans les médias iraniens, cultivant une image de clerc humble et discret, en contraste avec les récits de son implication directe dans la répression et les manipulations politiques. Sa capacité à naviguer entre les sphères religieuses, militaires et politiques a fait de lui un acteur incontournable dans l’appareil d’État iranien, mais également une figure controversée, perçu par certains comme un usurpateur potentiel.
À l’heure où l’Iran se prépare à un éventuel changement de Guide suprême, le rôle de Mojtaba reste incertain, mais crucial. S'il parvient à prendre la relève de son père, il pourrait devenir le symbole d’une consolidation dynastique du pouvoir au sein de la République islamique, remettant en question les principes fondateurs du système théocratique iranien.
Commentaires