Castelbajac réinvente les tenues liturgiques de Notre-Dame
Le créateur de mode français Jean-Charles de Castelbajac à côté des nouvelles tenues liturgiques qu'il a conçues pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame à Paris. ©Alain Jocard / AFP

Jean-Charles de Castelbajac dévoile des tenues liturgiques modernes et épurées pour la réouverture de Notre-Dame, alliant humilité et éclat de couleurs, dans un hommage vibrant à l'histoire et à l'espoir à travers la symbolique de la croix.

Des éclats de velours rouge, bleu, vert et jaune jaillissent d'une grande croix dorée floquée sur une humble gabardine de laine écrue : Jean-Charles de Castelbajac a dévoilé vendredi à l’AFP les nouvelles tenues liturgiques de Notre-Dame de Paris.

La lumière se reflète sur une porte aux allures de vitrail, dans un appartement parisien du 17e arrondissement, encombré d’objets bigarrés. C’est ici que "JCC", 74 ans, a conçu la paramentique (vêtements et ornements liturgiques) qui accompagnera les célébrations de la réouverture de la cathédrale les 7 et 8 décembre, cinq ans après l’incendie qui l’a ravagée.

"Il ne s’agissait pas de créer des vêtements de luxe, mais de parler de lux (lumière, en latin)", explique le styliste, en décrivant un design épuré, loin des ornements traditionnellement chargés et richement brodés du culte catholique.

Cet artiste touche-à-tout, chrétien pratiquant et connu pour ses anges aux visages doux, confie que son style était devenu "trop joli, trop ornemental".
"Nous avons décidé, avec le diocèse, qu’il n’y aurait pas de dessins et que je réaliserais un travail simplifié" avec des ornements "créant une proximité", qui parlent autant aux enfants, aux croyants qu’aux athées, résume-t-il.

Un souvenir vif de sa jeunesse a marqué ce projet : celui d’une robe du trésor de Notre-Dame ayant appartenu à Saint Louis. "C’était une chose cruciforme, extrêmement simple", explique-t-il avec émotion, "qui a inspiré toute ma vie de designer".

Il évoque "l’aboutissement" que représente pour lui ce travail, inscrit "avec humilité" dans la longue histoire de la cathédrale, "comme un compagnon".

"Une gamme du peuple"

Méticuleusement, JCC déploie les drapés des chasubles, qu’il décrit comme "chevaleresques". Ces dernières sont floquées comme des sweat-shirts pour ancrer une touche de modernité. Pendant un an et demi, il a collaboré avec des maisons d’artisanat françaises d’exception (Lesage, Goossens, Paloma, Montex, Maison Michel…), regroupées au 19M à Paris, pour concevoir une symbolique simple mais puissante.

Installé à sa table, Jean-Charles découpe des feuilles de papier rouge, vert, bleu et jaune – ses couleurs fétiches, qu’il qualifie d’"universelles", une "gamme du peuple". Il agence les découpes autour d’une croix, expliquant ses croquis : tenues des diacres au quadrillage d’or, rouge et bleu façon "Mondrian médiéval", bannières et mitres ornées d’une grande croix dorée.

"J’ai construit ces vêtements autour d’une croix rayonnante, qui diffuse joie, espérance et vivre-ensemble par la multiplicité des couleurs", confie-t-il avec ferveur.

"Depuis mes débuts, j’ai kidnappé l’arc-en-ciel", plaisante-t-il. "Chaque matin au collège, je retrouvais cette couleur réconfortante dans les vitraux." Cette vision de l’arc-en-ciel est un langage intime qu’il partage avec l’Église, avec laquelle il a collaboré auparavant, notamment pour habiller Jean-Paul II aux Journées Mondiales de la Jeunesse en 1997.

Dans son travail, le rouge représente le sang du Christ, le bleu celui de Marie, le vert l’espérance et le jaune l’or, "synthèse de tout".

Foi et espoir face à une "époque dystopique"

Pour JCC, l’agencement des couleurs doit transmettre espoir et force. Cette dimension épique vise à encourager les jeunes générations dans une époque qu’il décrit comme dystopique. L’incendie de Notre-Dame, en avril 2019, lui est apparu comme un "signal" d’un monde en difficulté. Mais cet "infatigable optimiste" y a également vu "le feu de l’espérance". En rentrant chez lui, il a dessiné des arcs-en-ciel et des anges.

"Le combat est en chacun de nous", conclut-il en défendant son "art compassionnel", qu’il qualifie de "gentil" et "pas tendance". Avec malice, il ajoute : "Aujourd’hui, travailler pour l’Église est presque plus rock’n’roll que d’être avec les Sex Pistols sur la Tamise en 1977."

Avec AFP

 

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