Marc Bloch, historien visionnaire et résistant courageux, au Panthéon
Marc Bloch, historien et résistant. ©Photo: DR

Médiéviste renommé, cofondateur de l'école des Annales, Marc Bloch a révolutionné l'approche historique. Patriote engagé, il est mort fusillé en 1944 par les nazis. Emmanuel Macron a annoncé sa panthéonisation, saluant son courage et son œuvre.

Marc Bloch, éminent historien français du XXe siècle, entrera prochainement au Panthéon. Cette décision, annoncée par le président Emmanuel Macron lors du 80e anniversaire de la Libération de Strasbourg, rend hommage à un intellectuel visionnaire, un patriote engagé et un résistant courageux, mort pour la France sous les balles nazies.

Né en 1886 à Lyon, Marc Bloch grandit dans une famille juive non pratiquante. Brillant élève, il intègre l'École normale supérieure et obtient l'agrégation d'histoire-géographie. Mobilisé lors de la Première Guerre mondiale, il s'illustre par sa bravoure et reçoit la Légion d'honneur et la Croix de guerre avec quatre citations.

C'est en 1929 que Marc Bloch, alors professeur à l'université de Strasbourg, fonde avec Lucien Febvre la revue des "Annales d'histoire économique et sociale". Cette publication révolutionnaire devient le fer de lance d'une nouvelle approche historiographique, qui s'intéresse aux mentalités, aux croyances et aux profondeurs de la société. Bloch est considéré comme le père de l'histoire des mentalités, préfigurant les travaux de Fernand Braudel.

Son œuvre majeure, Les Rois thaumaturges (1924), témoigne de cette vision novatrice. Il y analyse la croyance en la capacité des rois de France et d'Angleterre à guérir les écrouelles par simple toucher, révélant ainsi les dimensions symboliques et sacrées du pouvoir royal.

Mobilisé à nouveau en 1939, à 53 ans, Marc Bloch participe à la campagne de France. Après la défaite de 1940, il tire de cette expérience un ouvrage sans concession, "L'Étrange défaite", publié à titre posthume. Dans ce récit implacable, il analyse les causes profondes de l'effondrement français face à l'Allemagne nazie.

Exclu de l'enseignement par les lois antisémites de Vichy, Marc Bloch fait le choix de rester en France, pays qu'il chérit profondément. "La France, dont certains conspireraient à m'expulser (...) demeurera, quoi qu'il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur", écrit-il alors.

Engagé dans la Résistance à partir de 1943, il devient l'un des chefs du mouvement Franc-Tireur pour la région lyonnaise, sous les pseudonymes de "Narbonne", "Arpajon" et "Chevreuse". Arrêté par la Gestapo le 8 mars 1944, il est emprisonné et torturé à la prison de Montluc.

Le 16 juin 1944, Marc Bloch est fusillé avec 29 autres résistants dans un champ près de Lyon. Exécuté à la mitrailleuse dans le dos, il meurt en patriote, fidèle à sa devise Dilexit veritatem ("J'ai chéri la vérité").

La décision du président Macron de panthéoniser Marc Bloch honore la mémoire de ce grand historien et résistant. "Pour son œuvre, son enseignement et son courage, nous décidons que Marc Bloch entrera au Panthéon", a déclaré le chef de l'État, soulignant la "lucidité cinglante" de son analyse de la défaite de 1940.

La famille de Marc Bloch a salué cette reconnaissance, 80 ans après sa mort. "C'est une très grande émotion et fierté. Il s'est donné corps et âme pour la liberté et contre le nazisme", a déclaré sa petite-fille Suzette Bloch.

Cette panthéonisation est l'occasion de redécouvrir l'œuvre foisonnante et novatrice de Marc Bloch, qui a profondément marqué l'historiographie française et mondiale. Elle rappelle aussi l'engagement sans faille d'un intellectuel contre le fascisme et pour les valeurs républicaines, au prix de sa vie.

En ces temps troublés, où les idéologies extrémistes resurgissent, l'exemple de Marc Bloch résonne avec une acuité particulière. Comme le soulignait Emmanuel Macron, "Marc Bloch ne désespéra jamais du ressort de notre peuple, certain que le courage n'est pas une affaire de carrière ou de caste".

L'entrée de Marc Bloch au Panthéon, aux côtés d'autres grandes figures françaises comme Simone Veil, Maurice Genevoix ou Joséphine Baker, est un hommage à un homme qui a incarné les plus hautes valeurs de la République. Elle rappelle que la France sait reconnaître ses héros, ceux qui ont façonné son histoire et défendu ses idéaux avec passion et abnégation.

Avec AFP

 

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