Magie théâtrale dans les Vosges en pleine nature
Des spectateurs prennent place à l'intérieur du bâtiment en bois du Théâtre du Peuple, construit en 1895, avant la représentation de «La Vie est un rêve» de Pedro Calderón de la Barca, mise en scène par Jean-Yves Ruf, le 9 août 2019, à Bussang. ©Jean-Christophe VERHAEGEN / AFP

Au cœur de la forêt vosgienne, le Théâtre du Peuple de Bussang célèbre ses 130 ans avec une programmation audacieuse mêlant contes satiriques et fable sauvage. Ce lieu unique, symbole de culture partagée, enchante chaque été des centaines de spectateurs venus vivre une expérience théâtrale hors du commun.

Une pause enchantée au cœur de la verdure, face aux montagnes vosgiennes : des centaines de spectateurs se pressent les jours d'été au Théâtre du Peuple de Bussang, symbole de décentralisation culturelle, qui présente cette saison «Le Roi nu» d'Evgueni Schwartz.
Dès le début d'après-midi, en ce samedi d'août, les ruelles du village d'un millier d'habitants s'activent : les voitures défilent en direction du Théâtre du Peuple.
L'organisation est bien ficelée, alors que ce théâtre pas comme les autres, tout bâti de bois, a rouvert ses portes comme tous les étés, accueillant à chaque représentation jusqu'à 850 spectateurs.
Équipé de coussins et d'oreillers de toutes les couleurs, le public s'installe sur d'inconfortables bancs de bois.
À 15 heures, la pièce mise en scène par Sylvain Maurice s'ouvre, avec le fond de scène qui a fait la renommée du théâtre : la forêt vosgienne.

Forêt 

Trois heures durant, «Le Roi nu» raconte l'histoire d'amour entre Henri, gardien de cochons, et Henriette, une princesse promise à un roi qui fait régner la terreur.
La pièce, écrite par Evgueni Schwartz en 1934 en Union soviétique, n'a jamais été jouée de son vivant. Elle mêle trois contes d'Andersen : «La Princesse et le Porcher», «La Princesse au petit pois» et «Les Habits neufs de l'empereur».
Autour du roi, interprété par Manuel Le Lièvre, la troupe mêlant professionnels et amateurs offre trois heures de rires et de mise en cause des régimes politiques actuels.
Cette pièce est aussi l'espoir «que grâce au théâtre, nous pourrons montrer l'imbécilité et l'arrogance des puissants», selon M. Maurice, pour qui la scène de Bussang, c'est «le personnage principal du projet».
Le soir aussi, les spectateurs se pressent. Certains font demi-tour à regrets, la pièce affichant complet tout le week-end.
Directrice du Théâtre du Peuple depuis octobre 2023, Julie Delille présente aussi, les jeudis, vendredis et samedis soirs d'août à 20 heures, «Je suis la bête», qu'elle a monté avec la compagnie du Théâtre des Trois Parques qu'elle a fondée en 2015 et adaptée à ce lieu où l'histoire résonne particulièrement.
Cette adaptation du livre d'Anne Sibran met en scène Méline, une enfant abandonnée puis recueillie par un chat, qui lui apprendra la vie dans la forêt.

Pénombre 

Comme Méline dans son placard, le public va prendre place dans la pénombre pour une heure de représentation poignante.
Dans la salle obscure, seule la croix de Lorraine, gravée en blanc au-dessus de la scène, reste visible. On ne distingue que sporadiquement «la bête» jouée par Julie Delille, seule en scène.
«On a l'impression que la pièce a été écrite pour ce théâtre», remarque à l'issue un spectateur ravi.
«On me l'a souvent dit», confie Mme Delille. Pour cette rencontre entre le lieu et l'histoire, l'expérience a été «repensée pour être jouée avec le lieu» à la nuit tombée.
«Ça nous a troublés», estime un spectateur. «On a un sentiment de perte de repères», dit une autre, au coin du feu, sous le ciel étoilé, lors d'un temps d'échange avec Julie Delille.
En cette année où l'injonction est claire, «Jubilons !», le théâtre a voulu se reconnecter au peuple de ce village aux confins des Vosges et de ses alentours, pour fêter les 130 ans d'existence de cette «utopie» de Maurice Pottecher, qui le fonda en 1895 dans son village natal.
Cet auteur, metteur en scène et acteur, a fait du Théâtre du Peuple un symbole de la décentralisation culturelle.
L'histoire de ce monument hors du commun sera racontée dans un «feuilleton théâtral» du 20 au 30 août à Bussang.

Par Marine LEDOUX / AFP

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