Le Liban entre défis de souveraineté et conflits régionaux: une vision pour une stabilité durable
Bâtiments endommagés et détruits dans le village de Meiss El-Jabal, au sud du Liban, le 25 novembre 2024. ©Jalaa Marey / AFP

Depuis l’accord du Caire de 1969, qui a permis à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) d’opérer librement au Liban-Sud, cette région est devenue le théâtre de tensions internes et de conflits régionaux. Cet accord a marqué le début d’une érosion de la souveraineté de l’État libanais, incapable de contrôler pleinement son territoire face à des ingérences internationales. Aujourd’hui encore, le Liban-Sud reste au centre de luttes d’influence, amplifiées par les rivalités locales et les enjeux géopolitiques.

Les évolutions politiques actuelles peuvent-elles offrir une opportunité pour restaurer pleinement la souveraineté libanaise sur le Sud? Comment l'État libanais peut-il relever ce défi, consolider sa souveraineté et empêcher l'exploitation de son territoire pour servir des intérêts extérieurs?

Melhem Riachi: La neutralité comme unique solution

Melhem Riachi, député et membre du bloc de la République forte, estime que les évolutions actuelles dans la région, notamment dans le Sud, pourraient renforcer le rôle de l’armée libanaise pour assurer la sécurité et la stabilité. Il insiste néanmoins sur le fait que la souveraineté ne peut être restaurée uniquement par des moyens militaires; elle dépend avant tout d’un choix stratégique clair. En effet, le Liban doit adopter une neutralité active qui le sortirait de l’engrenage des conflits régionaux et internationaux. Selon Riachi, ce modèle de neutralité permettrait de protéger le rôle et le message du Liban tout en garantissant sa stabilité et son indépendance.

Il souligne également l’urgence de mettre en œuvre, sans délai, toutes les résolutions internationales afin de freiner le processus de destruction systématique qui mine le pays.

Élie Ferzli: Repenser la relation entre le Liban et la résistance

L’ancien vice-président du Parlement, Élie Ferzli, retrace l’histoire des conflits qui ont transformé le Liban en une scène de confrontations internationales. Il se remémore les années 60, lorsque la résistance palestinienne a émergé et commencé à utiliser le Liban comme base pour frapper Israël. Ferzli rappelle que certains avaient, dès le départ, mis en garde contre les dangers d'impliquer le Liban dans un conflit militaire disproportionné avec Israël, surtout dans un contexte de rapports de force internationaux favorables à ce dernier.

Selon lui, le Liban aurait pu se limiter à un soutien diplomatique, logistique et formatif à la cause palestinienne, évitant ainsi une confrontation directe avec Israël. Cependant, des facteurs internes, notamment l'opposition d'une partie de la population libanaise à Israël et sa conviction de la nécessité de contrer ses ambitions expansionnistes, ont poussé le Liban à devenir le théâtre de conflits régionaux et internationaux.

Ferzli conclut que si ces avertissements avaient été pris en compte, le Liban aurait évité bon nombre des crises qu'il traverse aujourd'hui.

Par ailleurs, il place les événements actuels au Liban dans le contexte de conflits régionaux plus larges, soulignant que tout ce qui se passe au Liban, qu'il s'agisse de développements positifs ou négatifs, a un impact clair sur son avenir, notamment dans le cadre des conflits arabo-israélien et israélo-palestinien.

Ferzli estime que le défi fondamental auquel fait face le peuple libanais est de savoir comment sortir le Liban du cercle des ciblages incessants et de son utilisation comme arène pour le règlement des comptes régionaux et internationaux. Le territoire libanais est en effet devenu une plateforme où se préparent les crises du Moyen-Orient. Il cite en exemple les événements de 1975 et 1976, lorsque le Liban s'est transformé en instrument pour préparer l’établissement d’un foyer pour les Palestiniens et d’un État israélien reconnu, conformément aux résolutions 42 et 338 de l’ONU, avec un conflit dont les résultats étaient inévitables.

Ferzli déclare à Houna Loubnan que le peuple libanais aspire à atteindre une phase où il serait libéré des réactions impulsives et où le Liban cesserait d'être la scène de conflits régionaux. Le conflit actuel, explique Ferzli, a placé le Liban sur cette voie, mais il estime qu’avec une réflexion libanaise claire et une gestion sage des différends internes, il serait possible d’agir efficacement. Si les Libanais parviennent à établir entre eux des relations étroites, sincères et profondes, et à mettre en place une stratégie empêchant les ingérences extérieures sur la scène libanaise, alors la véritable force du Liban résiderait dans son unité nationale réelle, et non simplement de façade, pour repousser tout danger menaçant le pays.

Il conclut: “Je crois qu’il est possible d’atteindre cet objectif. Et je crois également que la bonne voie à suivre réside dans la définition des relations internes entre le Liban et le concept de résistance. Cela permettrait d'élaborer une stratégie de défense où la décision de l’État serait prépondérante sur le terrain, bénéficiant de l’unanimité de tous les Libanais, sans exception aucune”.

La stabilité du Liban ne pourra être atteinte qu’à travers son engagement total dans l’application des résolutions internationales qui constituent le cadre légitime pour restaurer sa souveraineté et garantir sa sécurité. Des résolutions comme la 1559 et la 1701, qui appellent au désarmement des forces non étatiques et à la centralisation des armes entre les mains de l’État, sont la clé pour que le Liban retrouve son rôle naturel d’État souverain, capable de protéger son peuple et de bâtir des relations solides avec le monde.

De plus, le renforcement des relations fraternelles avec les pays arabes représente un pilier fondamental pour l’avenir du Liban. Ces relations ont une portée stratégique, économique et sociale essentielle pour soutenir sa stabilité et sa prospérité. Le Liban doit œuvrer à restaurer la confiance avec ses frères arabes, en s’éloignant de toute ingérence ou alliance régionale qui le mettrait en confrontation avec son environnement naturel.

L’engagement en faveur d’une politique de neutralité positive, l’application des résolutions internationales et la consolidation des relations arabes sont les seules voies pour sortir le Liban de ses crises accumulées et bâtir un avenir stable et prospère. Le peuple libanais mérite de vivre dans un État capable de protéger sa souveraineté, de renforcer son unité et de s’ouvrir au monde, tout en préservant les relations de fraternité et les intérêts communs avec son environnement arabe.

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