Le 8 décembre 2024 marque le début d’une nouvelle ère dans l’histoire de la Syrie: la chute du régime de Bachar el-Assad en seulement onze jours, un temps record. Ce séisme politique a ébranlé Damas et l’ensemble de la région, et ses répercussions sont attendues dans un Moyen-Orient déjà fragilisé par des conflits majeurs, à savoir la guerre d’Israël contre le Hamas après l’opération “Déluge d’Al-Aqsa”, et l’escalade au Liban en raison de l’implication du Hezbollah dans la guerre de Gaza.
Contrairement à 2011, l’Iran, malgré ses efforts, a échoué cette fois à sauver le régime, son axe s’étant fissuré, perdant ainsi le contrôle sur ses alliés. En effet, le gouvernement irakien et les forces de mobilisation populaire ont refusé d’intervenir dans les affaires syriennes, tandis que le Hezbollah s’est abstenu d’agir pour plusieurs raisons, notamment les lourdes pertes subies lors de sa guerre contre Israël et les avertissements de ce dernier contre toute tentative de soutien au régime syrien. Partant, les forces du Hezbollah présentes en Syrie se sont repliées au Liban.
Depuis le “Déluge d’Al-Aqsa”, l’influence de Téhéran a reculé d’un cran, et un nouvel ordre régional semble poindre à l’horizon. L’arrivée de Donald Trump, avec des promesses de mettre fin aux conflits, de revitaliser les accords d’Abraham et d’instaurer la paix, alimente cette dynamique.
Les bouleversements en Syrie coïncident avec le lancement des travaux du comité international chargé de superviser l’application de l’accord de cessez-le-feu au Liban. Dirigé par le général américain Jasper Jeffers, ce comité a pour mission d’empêcher les violations, de consolider la trêve et d’appliquer la résolution 1701. Cela inclut le retrait des forces israéliennes, le déploiement de l’armée libanaise et le retrait des armes et des combattants du Hezbollah au-delà du fleuve Litani, conformément aux dispositions de la 1701 et de l’accord de Taëf qui consacre le monopole de la légitimité des armes à l’État.
L’influence iranienne s’effondre, mais le Hezbollah est dans le déni. En effet, le secrétaire général du Hezbollah, Naïm Qassem, a récemment affirmé que le Hezb avait empêché Israël d’atteindre ses objectifs, tout en saluant le soutien iranien. Selon lui, l’accord de cessez-le-feu ne concerne que le Liban-Sud et un mécanisme distinct sera mis en place concernant les fermes de Chebaa et les collines de Kfarchouba. Pour lui, la relation entre la résistance, l'État et l'armée ne concerne ni Israël ni aucune commission.
À cela, des membres de l’opposition ont vivement réagi, affirmant que l’accord couvre tout le pays et non seulement le sud, conformément à l’accord de Taëf et à la résolution 1701, signés par toutes les parties libanaises. Ils voient également dans ces évolutions une réduction de l’influence iranienne au Liban, avec la défaite stratégique en Syrie et le recul en Irak, où Téhéran a également perdu du terrain.
Les récents événements marquent ainsi la fin du chiisme politique et du triptyque “peuple, armée, résistance”.
Selon des rapports israéliens, le Hezbollah aurait essuyé des pertes dévastatrices, y compris une grande partie de son arsenal militaire.
Avec la chute du régime syrien et l’effondrement du Hamas, l’Iran perd, ici aussi, un atout majeur, et voit son projet “d’unité des fronts” partir à vau-l’eau.
Au Liban, ces développements font planer un climat d’incertitude. En effet, la session présidentielle prévue le 9 janvier, annoncée par Nabih Berry, après l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, semble aujourd’hui compromise.
Des sources américaines laissent croire que cette échéance sera reportée, sur demande de certaines forces politiques, afin de permettre des négociations et d’ajuster la trajectoire politique. Par ailleurs, la position de Massaad Boulos, conseiller de Trump pour le Moyen-Orient, semble porter un message clair en faveur du report.
En revanche, des cercles diplomatiques estiment que l’arrivée de Donald Trump pourrait ouvrir la voie à une solution plus radicale. La plupart des forces de l’opposition, pour leur part, insistent sur la nécessité d’élire un président capable de résoudre la crise et non simplement de la gérer.
Le nouveau président devra répondre aux critères du Quintette (États-Unis, France, Qatar, Égypte, Arabie saoudite) et ne peut être élu qu’après un rééquilibrage des rapports de force. C’est pourquoi le duopole cherche désormais à accélérer l’élection présidentielle, alors qu’il temporisait pour imposer son candidat, Sleiman Frangié.
Avec les vents de changement qui soufflent sur la région, annonçant l’émergence d’un nouveau Moyen-Orient, l’axe de la Moumanaa s’empresse de trouver des compromis pour préserver ses acquis et négocier d’autres enjeux pour l’avenir.
Il n’en reste pas moins que l’attitude de déni reflétée dans les récentes déclarations de Naïm Qassem dénote de la volonté de marchandage du Hezb, tandis que l’opposition rejette catégoriquement tout compromis. Pour cette dernière, l’accord de Taëf, soutenu par les décisions de la légitimité internationale, arabe et libanaise, constitue la seule feuille de route viable. Elle insiste donc sur la nécessité d’élire un président pour tous les Libanais, qui ne serve aucune faction ou agenda extérieur.
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