Bachar el-Assad, le tyran syrien renversé après 24 ans de règne et désormais réfugié chez son parrain russe à Moscou après avoir été chassé de Damas par des rebelles islamistes dimanche, fait toujours l’objet de spéculations à l’heure actuelle quant aux modalités de sa fuite.
En cause, un enchaînement de faits intrigants, mêlant données radar, rapports contradictoires et rumeurs persistantes.
Une évasion aérienne opaque
Dans la nuit de samedi à dimanche, une opération précipitée aurait vu M. Assad, sa femme Asma et leurs enfants quitter Damas à bord d’un avion syrien, tandis que la capitale tombait aux mains des rebelles.
Sur le site FlightRadar24, qui permet de suivre en temps réel l’évolution du trafic aérien, les internautes ont ainsi pu suivre le vol jusqu’à 1h59, heure locale, avant qu’un comportement anormal ne soit enregistré.
L’avion-cargo, un IL-76T russe, a soudainement changé de cap au-dessus de Homs et son signal a disparu peu après une descente brutale.
L’occasion de voir les théories se multiplier: accident, tir ennemi, ou désactivation volontaire du transpondeur pour échapper aux radars... Si l’agence Reuters a initialement rapporté la possibilité d’un crash, elle a ensuite retiré cette hypothèse, citant des sources syriennes selon lesquelles l’avion pourrait avoir été intercepté ou masqué par des brouillages GPS.
D’après Anadolu, l’avion transportant M. Assad n’a pas utilisé l’espace aérien turc lors de sa fuite. Les autorités turques ont d’ailleurs confirmé qu’aucune autorisation préalable, nécessaire pour un tel survol, n’a été demandée.
L’arrivée à Moscou confirmée, mais discrète
La confirmation de la présence de M. Assad en Russie est venue du Kremlin, où des médias d’État, tels que Tass, ont rapporté que l’ex-président syrien avait obtenu l’asile “pour des raisons humanitaires”. Pourtant, les autorités russes sont restées évasives: Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a refusé de divulguer l’emplacement exact de M. Assad, soulignant que seul Vladimir Poutine pourrait s’exprimer sur cette décision.
Selon Sergei Ryabkov, vice-ministre des Affaires étrangères russes, M. Assad a été “transporté en toute sécurité” à Moscou, bien que les détails sur les modalités de cette exfiltration restent flous.
Interrogé sur la possibilité que Moscou livre M. Assad à la Cour pénale internationale, M. Ryabkov a déclaré que la Russie n’était pas partie à cette convention, esquivant ainsi la question.
D’après le Times, M. Assad et sa famille seraient installés dans le prestigieux quartier de Moskva-City, où des membres de sa famille élargie possèdent jusqu’à 20 appartements.
Les zones d’ombre autour de la fuite
M. Assad n’aurait informé personne de sa fuite, selon la chaîne Al-Arabiya. Pendant ce temps, des scènes chaotiques ont éclaté dans sa ville natale de Qardaha, où des habitants furieux ont attaqué et pillé les maisons de sa famille.
Le sort d’autres figures clés de l’ancien régime reste incertain, à l’image de Maher el-Assad, le frère cadet du dictateur déchu. Malgré des rumeurs selon lesquelles celui-ci aurait fui vers l’Irak depuis la base russe de Hmeimim, près de Lattaquié, ces dernières n’ont toujours pas été confirmées jusqu’à présent.
Son cousin, le magnat de l’économie syrienne Rami Makhlouf, a disparu après des années de résidence surveillée, tandis que le général Souheil el-Hassan, autre cacique du régime, s’est évaporé après la chute de Hama.
En revanche, Ihab Makhlouf, le frère cadet de Rami, a été tué par des assaillants non identifiés près de la frontière libanaise, avec une somme de 8 millions de dollars en sa possession.
L’incertitude persiste
Malgré les spéculations, aucune preuve photographique récente ne corrobore la présence de Bachar el-Assad à Moscou. Une image censée montrer le couple à son arrivée en Russie s’est avérée dater d’une précédente visite, en 2023.
Bachar el-Assad, qui a régné d’une main de fer sur la Syrie, se retrouve aujourd’hui dans un exil doré mais controversé, loin des terres qu’il a gouvernées. Pendant ce temps, la Russie, acteur clé de son maintien au pouvoir, continue de jouer un rôle ambigu, oscillant entre affirmations de “protection humanitaire” et calculs géopolitiques.
Le mystère autour de cette fuite ne fait qu’ajouter à l’opacité d’un régime désormais déchu, laissant les Syriens et le monde entier spéculer sur l’avenir de l’ex-président et les répercussions de son exil. Mais même s’il a pu atteindre Moscou, le tyran syrien est toujours loin de trouver son chemin de Damas.
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