L'ONU s'est réjouie mardi du "plein accès humanitaire" accordé par les nouvelles autorités syriennes, qui ont pris le pouvoir après avoir chassé Bachar al-Assad, mettant fin à un plus d'un demi-siècle de règne sans partage, tandis que les représentations diplomatiques occidentales préparent leur retour à Damas.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué "l'engagement du gouvernement intérimaire à protéger les civils, y compris les travailleurs humanitaires" et "le fait qu'il ait accepté d'accorder un plein accès humanitaire à travers tous les points de passage frontaliers", dans un communiqué diffusé lundi.
Les Nations unies pensent pouvoir fournir une aide "ambitieuse" en Syrie, a affirmé mardi le chef des affaires humanitaires de l'organisation, Tom Fletcher, après une rencontre avec le chef de la coalition, Abou Mohammad al-Jolani, qui se fait appeler désormais par son vrai nom, Ahmad al-Chareh.
"Moment d'espoir prudent en Syrie. Mes rencontres à Damas, y compris les discussions constructives avec le commandant de la nouvelle administration, M. Ahmad al-Chareh, sont encourageantes. Nous disposons d'une base pour un renforcement ambitieux de l'aide humanitaire vitale", a indiqué Tom Fletcher, sur le réseau social X.
Antonio Guterres a également salué le fait que les nouvelles autorités aient accepté "de réduire la bureaucratie liée aux permis et aux visas pour les travailleurs humanitaires; d'assurer la continuité des services gouvernementaux essentiels, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation; et d'engager un dialogue véritable et concret avec l'ensemble de la communauté humanitaire".
"Alors que le peuple syrien saisit l'occasion de construire un avenir meilleur, la communauté internationale doit se rallier à eux", a-t-il affirmé.
Selon M. Fletcher, la Syrie a besoin d'un "flux d'aide massive", après la chute de Bachar al-Assad au terme de plus d'une décennie de guerre civile.
La France “aux côtés des Syriens”
La France, à travers son envoyé spécial pour la Syrie, Jean-François Guillaume, a déjà contacté les autorités syriennes de fait, marquant un premier pas vers une normalisation des relations diplomatiques.
"La France se prépare à être aux côtés des Syriens", a déclaré Guillaume, peu après son arrivée à Damas où le drapeau tricolore a été hissé sur l'ambassade, fermée depuis 2012.
Au départ prudentes, les chancelleries occidentales multiplient les démarches pour établir un contact avec le nouveau pouvoir islamiste en Syrie, depuis la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre.
Il a indiqué être venu à Damas "dans un cadre aussi de prise de contact avec les autorités de fait", exprimant l'espoir que "la période de transition" sera "pacifique".
Interrogé sur la date de réouverture de l'ambassade, M. Guillaume a indiqué qu'il ne pouvait pas se prononcer "tant que les critères de sécurité ne sont pas remplis".
L’ambassade de France en Syrie avait fermé le 6 mars 2012, sur décision du président Nicolas Sarkozy, pour protester contre la répression violente par le pouvoir de Bachar al-Assad du soulèvement populaire pacifique.
Elle a alors mis à l'abri les informateurs et les employés de l'ambassade, brûlé ou emporté des tonnes d’archives, et détruit à la hache les ordinateurs.
Le dernier garde avait baissé le drapeau français, l'avait plié et fermé l’ambassade de l’intérieur avant de sauter par le mur, selon un journaliste de l'AFP qui était sur place.
Diplomates allemands à Damas
Mardi, des diplomates allemands commenceront des entretiens à Damas avec des représentants du gouvernement de transition instauré par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC).
"Il y sera question d'un processus de transition inclusif en Syrie et de la protection des minorités. Les possibilités d'une présence diplomatique à Damas seront également explorées", a précisé une porte-parole du ministère à l'AFP.
"Des rencontres avec la société civile syrienne et des représentants des communautés chrétiennes sont également prévues", a-t-elle ajouté.
L'Allemagne souligne que sa coopération avec le HTC sera conditionnée par la garantie de la protection des minorités ethniques et religieuses et du respect des droits des femmes.
Parallèlement, d'autres pays européens et arabes s'engagent activement dans la reconquête diplomatique du terrain syrien.
L'Union européenne a annoncé l'envoi d'un représentant à Damas, et une délégation officielle britannique s'y rend également.
L'Italie prête au dialogue
La Première ministre italienne, Giorgia Meloni, s'est dite prête mardi à dialoguer avec le nouveau pouvoir en Syrie tout en appelant à la "prudence maximale" vis-à-vis du HTC.
L'Italie "est prête à dialoguer avec les nouveaux dirigeants syriens" en coopération avec ses partenaires européens, a-t-elle déclaré lors d'un discours au Parlement à Rome. "Les premiers signes semblent encourageants, mais une prudence maximale est nécessaire".
Téhéran fait preuve de prudence
L'Iran ne rouvrira pas dans l'immédiat son ambassade en Syrie, a affirmé mardi la diplomatie iranienne, après le saccage de sa représentation à Damas lors de la chute du président Bachar el-Assad.
"La réouverture de l'ambassade à Damas nécessite des préparatifs (...) Nous poursuivrons ce travail dès que les conditions nécessaires seront réunies en termes de sécurité", a indiqué Esmaïl Baghaï, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères.
"Le plus important est d'assurer la sécurité de l'ambassade et de son personnel", a-t-il ajouté.
La Syrie et l'Iran ont entretenu de longue date des liens amicaux, à la faveur d'un rapprochement opéré dans les années 1970 par Hafez el-Assad, le père de Bachar, bien avant l'avènement de la République islamique d'Iran.
Ces premiers pas diplomatiques s'inscrivent dans un contexte complexe de transition post-Assad où l'avenir politique et sécuritaire de la Syrie reste incertain.
Avec AFP
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