Plusieurs missions étrangères ont rencontré mardi à Damas les nouvelles autorités syriennes, dominées par des islamistes, qui s'efforcent de rassurer sur leur capacité à pacifier la Syrie, morcelée et dévastée par 13 ans de guerre civile.
Face au défi d'unifier le pays et aux attentes des capitales étrangères, le nouvel homme fort de la Syrie, Abou Mohammad al-Joulani, Ahmed el-Chareh de son vrai nom, s'est engagé à dissoudre et à intégrer dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de l'ex-président Bachar el-Assad, renversé le 8 décembre au terme d'une offensive éclair menée par les rebelles depuis le nord de la Syrie.
Le drapeau français a été hissé mardi à l'ambassade de France à Damas, à l'arrivée d'une mission diplomatique envoyée par Paris pour la première fois depuis 12 ans.
"La France se prépare à être aux côtés des Syriens" durant la période de transition, a déclaré l'émissaire français Jean-François Guillaume.
L'Union européenne s'est dite "prête" à rouvrir son ambassade, et les États-Unis ont, eux aussi, établi des contacts avec HTC.
Cette ex-branche syrienne d'Al-Qaïda affirme avoir rompu avec le jihadisme, mais reste classée comme une organisation terroriste par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
Bien que méfiants, les Occidentaux cherchent à établir des liens avec le nouveau pouvoir, conscients du risque de fragmentation du pays et de résurgence du groupe jihadiste Daech, qui n'a jamais été totalement éradiqué de Syrie.
L'UE doit "intensifier" sa relation avec HTC, a affirmé mardi en Turquie la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. "Nous ne pouvons pas permettre" une "résurgence" de Daech en Syrie, a-t-elle déclaré.
La France a également souligné que ses émissaires à Damas avaient demandé à leurs interlocuteurs de "poursuivre la lutte contre Daech et les autres groupes terroristes".
"Espoir prudent"
Dans les vieux souks de Damas, la grande majorité des commerces ont rouvert.
Mardi, des commerçants peignaient en blanc la façade de leur magasin, effaçant les couleurs de l'ancien drapeau syrien aux deux étoiles.
Si quelques matériaux ont vu leur prix augmenter, la plupart des prix des produits de première nécessité ont baissé avec la levée temporaire de taxes.
L'ONU estime que sept Syriens sur dix ont à présent besoin de l'aide internationale et prévoit le retour d'ici à juin 2025 d'un million de réfugiés.
L'ONU pense pouvoir fournir une aide "ambitieuse" à la Syrie, a déclaré mardi le chef du Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha), après une rencontre avec Ahmed el-Chareh.
"Moment d'espoir prudent en Syrie", a déclaré Tom Fletcher sur X, en qualifiant "d'encourageants" ses entretiens à Damas.
"Contrat social"
"La Syrie doit rester unie, et il faut qu'il y ait un contrat social entre l'État et l'ensemble des confessions pour garantir une justice sociale", a assuré Ahmad al-Chareh, en rencontrant lundi des membres de la communauté druze, branche de l'islam chiite, estimée à environ 3% de la population d'avant-guerre.
Devant une délégation de diplomates britanniques, le chef de HTC a "souligné la nécessité de lever toutes les sanctions imposées à la Syrie afin de permettre le retour des réfugiés".
Certains ont commencé à rentrer dans leurs villes en ruines, comme à Maaret al-Noomane, dans l'ouest, où les combats qui ont éclaté dès 2012 n'ont laissé que des murs écroulés et des rues défoncées.
Mais Kifah Jaafer, responsable local de la "Direction des Zones libérées", demande du temps. "Il n'y a pas d'école, aucun des services de base (...) Il va falloir des efforts et beaucoup d'aide, la ville manque de tout".
Le long de la route menant de Damas à la ville portuaire de Lattaquié, le fief du clan Assad, un journaliste de l'AFP a vu des dizaines de véhicules militaires et lance-roquettes abandonnés, encore chargés pour certains. À Lattaquié, les drapeaux à trois étoiles de l'indépendance syrienne adoptés par les nouvelles autorités sont hissés, avec le slogan "la Syrie pour tous".
Etienne Torbey et Marisol Rifai, avec AFP
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