Vladimir Poutine s'est dit jeudi lors de sa séance annuelle de questions-réponses télévisée prêt à rencontrer "à n'importe quel moment" le président élu américain Donald Trump, qui a récemment appelé à un cessez-le-feu et des négociations entre l'Ukraine et la Russie.
"Je ne sais pas quand je vais le voir. Il ne dit rien à ce sujet. Je ne lui ai pas parlé depuis plus de quatre ans. Je suis prêt à le faire, bien sûr. À n'importe quel moment", a déclaré le président russe.
"Et je serai également prêt à une rencontre, s'il le veut", a-t-il ajouté.
Cette séance de questions-réponses, retransmise en direct à la télévision, a eu lieu sous divers formats quasiment chaque année depuis l'arrivée au pouvoir de M. Poutine il y a un quart de siècle.
Elle a eu lieu cette fois-ci à un mois du retour à la présidence américaine de l'imprévisible Donald Trump, qui prendra ses fonctions le 20 janvier.
La chute d'Assad n'est pas une "défaite"
La chute de Bachar el-Assad, un proche allié de Moscou, n'est pas une "défaite" pour la Russie, a assuré jeudi Vladimir Poutine, tout en estimant que l'armée russe, mobilisée en Syrie depuis 2015, y avait "atteint (son) objectif".
"On essaie de présenter ce qui s'est passé en Syrie comme une défaite pour la Russie. Je vous assure que ce n'est pas le cas", a déclaré le président russe au cours de la conférence de presse.
"Nous sommes allés en Syrie il y a dix ans pour éviter qu'une enclave terroriste n'y soit créée, comme en Afghanistan. Dans l'ensemble, nous avons atteint notre objectif", a-t-il affirmé, reconnaissant toutefois une situation "difficile".
Le déploiement de troupes russes en Syrie à partir de 2015 pour soutenir Bachar al-Assad avait signé le grand retour sur la scène internationale de la Russie, profitant de l'absence des Occidentaux.
"La Russie est aujourd'hui dans l'état que nous souhaitions, elle est devenue plus forte", a dit M. Poutine jeudi face aux journalistes, dans ce show télévisé regardé par des millions de Russes.
À l'issue d'une offensive de onze jours, la coalition rebelle dominée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC) a renversé début décembre le pouvoir de Bachar el-Assad, qui s'est réfugié en Russie avec sa famille. Cette chute a constitué un revers sérieux et inattendu pour Moscou, qui était, avec l'Iran, le principal allié de l'ex-président syrien.
Le sort de la base navale de Tartous et de l'aérodrome militaire de Hmeimim -des infrastructures clés de la Russie pour maintenir son influence au Moyen-Orient, dans le bassin méditerranéen et jusqu'en Afrique-, est désormais en question.
Vladimir Poutine a affirmé jeudi avoir "proposé à nos partenaires (...) d'utiliser la base aérienne de Hmeimim pour acheminer l'aide humanitaire". "Cette proposition est acceptée avec compréhension. Il en va de même pour la base navale de Tartous", a-t-il affirmé, assurant que "l'écrasante majorité (des pays de la région, ndlr) se dit intéressée par le maintien de nos bases militaires".
Le président russe a enfin ajouté que l'armée russe avait "sorti 4.000 combattants iraniens" de Syrie, à la demande de l'Iran, qui avait de son côté annoncé le 10 décembre le rapatriement d'un tel nombre de ses ressortissants, sans toutefois préciser que la Russie y avait contribué.
Avancée en Ukraine
Vladimir Poutine a affiché sa confiance en estimant que la situation "changeait radicalement" sur le front en Ukraine, où ses soldats avancent "par kilomètres carrés". Ses troupes ont l'avantage et progressent à un rythme inédit depuis les premiers mois de 2022.
L'armée russe a ainsi fait chuter les forteresses ukrainiennes d'Avdiïvka en février et de Vougledar en octobre et se trouve aujourd'hui aux portes de plusieurs villes d'importance militaire, telles que Pokrovsk, Kourakhové et Koupiansk. Vladimir Poutine a en revanche admis ne pas pouvoir donner de "date précise" à laquelle son armée parviendrait à repousser les forces ukrainiennes de la région russe de Koursk, dont elles contrôlent une petite partie depuis une offensive surprise en août. "Nous allons absolument les mettre en échec", a néanmoins assuré le président russe.
Cette offensive, la plus importante en territoire russe depuis la Deuxième guerre mondiale, est source d'embarras pour le Kremlin, qui veut persuader que l'assaut en Ukraine n'a pas d'impact sur la vie quotidienne des Russes.
Les Ukrainiens occupent encore des centaines de kilomètres carrés dans la région de Koursk malgré des tentatives des troupes russes, épaulées selon Kiev par des soldats nord-coréens, de les en déloger.
"Duel" avec l'Occident
Le contexte de tensions toujours plus fortes entre la Russie et l'Occident était aussi très présent dans les réponses du président russe. Il a encensé son nouveau missile Orechnik, une "arme moderne" qui peut porter une charge nucléaire et frapper à des milliers de kilomètres.
L'armée russe a utilisé ce missile pour la première fois le 21 novembre contre la ville ukrainienne de Dnipro. M. Poutine l'a présenté comme une réponse aux récentes frappes ukrainiennes contre le sol russe à l'aide de missiles américains et britanniques. Il a menacé de frapper Kiev, et même directement les pays occidentaux qui arment l'Ukraine.
Jeudi, Vladimir Poutine a proposé à l'Occident un "duel de haute technologie du XXIe siècle" entre l'Orechnik russe et les moyens de défense antiaérienne occidentaux. "Qu'ils déterminent une cible, disons Kiev", a-t-il lancé. "On lancera une frappe là-bas, et on verra ce qui se passe."
Inflation
Le dirigeant russe a aussi admis jeudi que l'inflation élevée en Russie était un "signal préoccupant", rare aveu formulé dès le début de sa séance annuelle de questions-réponses télévisée.
L'économie russe, après avoir résisté ces trois dernières années, donne des signes d'essoufflement, avec une inflation tenace qui ronge le pouvoir d'achat, une envolée des taux d'intérêt qui handicape les entreprises, la chute du rouble et des perspectives maussades pour 2025.
"La situation de l'économie dans son ensemble en Russie est stable, malgré les menaces extérieures et les tentatives d'influence", a toutefois tenté de convaincre Vladimir Poutine face aux journalistes dans ce show regardé par des millions de Russes.
Avec AFP
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