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L'administrateur général de la Comédie-Française, l'acteur français Eric Ruf, assiste à la conférence de presse de clôture du Festival d'Avignon, le 24 juillet 2015. © Bertrand Langlois / AFP

À l'approche de son départ de la Comédie-Française, Eric Ruf prépare un ultime défi théâtral en mettant en scène Le Soulier de satin de Paul Claudel. À travers cette œuvre monumentale, il offre une "fête du théâtre" avant de dire au revoir à la troupe qu'il a dirigée pendant plus de dix ans.

À l'aube de son départ de la Comédie-Française, où il a été administrateur général pendant plus de dix ans, Eric Ruf prépare un dernier grand spectacle. À partir du 23 décembre, il met en scène Le Soulier de satin, une œuvre monumentale de Paul Claudel rarement jouée depuis sa création en 1943. À travers cette pièce de sept heures, Ruf souhaite offrir une véritable "fête du théâtre", une immersion totale pour le public comme pour les comédiens, comparable à un défi aussi exigeant que le Vendée Globe.

Interrogé sur ses onze années à la tête de la Comédie-Française, Eric Ruf porte un regard nuancé, mais optimiste. Il estime avoir su adapter l'institution aux défis contemporains. "J'ai essayé de faire en sorte d'épouser le plus intelligemment possible les temps que la Comédie-française traverse. Elle est apte au changement et est censée présenter tous les théâtres qui se font, et ça, je crois avoir réussi à le faire", confie-t-il. Passionné par la transmission de la culture théâtrale, il a œuvré pour ouvrir la scène à une plus grande diversité de publics et de spectacles, tout en s'engageant pour la pédagogie afin de rendre le théâtre plus accessible.

Œuvre de civilisation

La question financière reste toutefois au cœur de ses préoccupations. Bien que la Comédie-Française ait diversifié ses ressources, l’amputation des subventions publiques, dont celle de l’État pour 2024, le rend inquiet. “Il faut que les politiques se disent ‘oui, ça sert, la culture’. De plus en plus, certains disent ‘à quoi ça sert?’. Ca m'inquiète. Le théâtre, c'est une œuvre de civilisation, ce n'est pas qu'une œuvre sociale”, avertit-il.

Face aux défis, Eric Ruf reste convaincu que le théâtre a un avenir radieux. Pour lui, la salle de spectacle représente un lieu rare où l'on peut se retrouver, déconnecté de l'urgence du monde numérique. “Je suis persuadé que les théâtres vont se remplir de plus en plus, parce qu'avoir un lieu où on s'assied ensemble dans le même sens de regard (...) c'est hors normes par rapport à l'ensemble de nos pratiques”, explique-t-il, ajoutant avec humour: “Et comme c'est hors normes, c'est du caviar!” Cette expérience est d'autant plus précieuse dans un monde où le divertissement rapide et l'instantanéité dominent.

Fête du théâtre

Pourquoi choisir Le Soulier de satin pour son dernier grand projet à la Comédie-Française? Eric Ruf raconte qu'il avait déjà proposé la pièce en 2021, pendant la crise sanitaire, sous une forme plus simple, avec des comédiens autour d'une table. Cette expérience l'a convaincu que la pièce, malgré sa longueur, pouvait être réduite sans perdre de sa force. "Les modèles de Claudel, c'est Shakespeare et le Siècle d'or espagnol, les livres picaresques, les grands récits. Il alterne grandes scènes politiques, scènes de clowns, et d'autres à haute intensité émotionnelle. À jouer, c'est joyeux, truculent. Profus. Comme une fête du théâtre", précise-t-il.

Il évoque le plaisir de travailler avec de jeunes acteurs qui, après avoir exploré Le Soulier de satin, ont découvert une richesse insoupçonnée dans le texte. Pour lui, ce projet représente une apnée partagée entre le plateau et le public, un défi semblable à un grand exploit. C’est là l’essence de son dernier acte à la Comédie-Française: une aventure théâtrale où chaque instant compte, un ultime voyage dans l'univers du théâtre qu'il chérit tant.

Eric Ruf souligne finalement que monter Le Soulier de satin est une manière de dire au revoir à la troupe de la Comédie-Française avec qui il a partagé tant de moments intenses. C’est aussi une manière de célébrer ce qu'il considère comme une aventure partagée et un amour profond pour le théâtre.

Avec AFP

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