Jean-Marc Ayoubi, grand nom de la médecine de la reproduction
Le professeur Jean-Marc Ayoubi. ©Virginie Bonnefon

Ici Beyrouth est allé à la rencontre du professeur Jean-Marc Ayoubi, chef de service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction à l'Hôpital Foch (en banlieue parisienne). Français d’origine libanaise, il est notamment connu pour avoir, avec son équipe, réalisé la première greffe d’utérus en France, en mars 2019.

Le dimanche 31 mars 2019 est une date marquante pour la médecine française. Ce jour-là, le professeur Jean-Marc Ayoubi, gynécologue obstétricien français d’origine libanaise, est à la tête d’une équipe médicale qui réalise la première greffe d’utérus en France. La receveuse est alors une femme de 34 ans, atteinte du syndrome MRKH, née sans utérus, recevant celui d’une donneuse vivante, en l’occurrence, sa mère.

Plus de cinq ans après cette opération, le professeur Ayoubi, 61 ans, explique que c’est une intervention “que l’on ne peut pas oublier facilement”. Elle a duré “de 7h du matin à 1h du matin du lendemain, avec une équipe constituée de trois 'sous-équipes' chirurgicales qui se sont relayées sur cette intervention avec deux blocs opératoires, ceux de la donneuse et de la receveuse de la transplantation». Le médecin insiste sur le fait qu’au-delà de cette prouesse chirurgicale, cette intervention représentait “l’aboutissement d’un projet de recherche de plus de quinze ans avec plus d’une vingtaine de personnes autour de moi et qui participaient à cette recherche et à ce projet de transplantation”.

Actuellement chef de service de gynécologie obstétrique et médecine de la reproduction à l'Hôpital Foch de Suresnes (dans le département des Hauts-de-Seine), Jean-Marc Ayoubi est aussi à l'origine de la première naissance française après transplantation utérine, en février 2021. La mère n’est autre que la patiente bénéficiaire de la transplantation utérine du 31 mars 2019.

Aujourd’hui, “trois greffes” de ce type “ont été réalisées” au total, ajoute le professeur Ayoubi. “On a l’impression d’avoir apporté quelque chose à la recherche et à la médecine dans notre domaine. On a permis à une patiente – et donné l’espoir à toutes celles qui étaient dans son cas – d’être enceinte et d’être mère, alors qu’on lui avait toujours dit que c’était impossible”, précise-t-il.

De Koura à Toulouse, en passant par la Dordogne

L’histoire de Jean-Marc Ayoubi commence à plusieurs milliers de kilomètres de l’Île-de-France, dans la région de Koura, à une soixantaine de kilomètres au nord de Beyrouth. Il passe son enfance et une partie de son adolescence au Liban.

Il rejoint ensuite la Dordogne (dans le sud-ouest de la France) avant le début de la guerre civile libanaise (1975-1990). Ayant de la famille en France et au Canada (à Vancouver), il opte finalement pour l’Hexagone. Son père, raconte-t-il, “était très attaché à la France (…) Il avait rencontré le général de Gaulle dans sa jeunesse. Il était très loyal et fidèle à la France et au général de Gaulle”. Jean-Marc Ayoubi confie avoir nommé l’un de ses fils Charles, ayant été “sensibilisé et impressionné par le général de Gaulle”.

Après avoir obtenu un bac C, Jean-Marc Ayoubi effectue, par la suite, l’intégralité de ses études médicales à Toulouse jusqu’à sa nomination comme professeur agrégé à la faculté de médecine et chef de service. C’est également dans cette ville qu’il rencontre celle qui deviendra son épouse.

Aujourd’hui, parallèlement à ses fonctions à l’hôpital Foch, Jean-Marc Ayoubi est professeur à la faculté de médecine de Paris-Saclay. Il en est également le vice-doyen. Le professeur Ayoubi est à l’origine d’environ 200 publications dans des revues internationales indexées avec comité de lecture (en anglais) – dont deux dans la prestigieuse revue britannique scientifique “The Lancet”. Parmi ces 200 publications, 99 datent de ces cinq dernières années. Il est aussi membre de l’Académie nationale de médecine depuis 2023.

Pléthore de distinctions ont été attribuées à Jean-Marc Ayoubi en reconnaissance de son travail: Médaille d’or des internes en 1991, lauréat de la faculté de médecine de Toulouse en 1992. Il est par ailleurs fait chevalier de la Légion d’honneur en décembre 2015, officier de l’ordre national du Mérite en novembre 2021, puis commandeur de l’ordre national du Mérite deux ans plus tard, en 2023. Jean-Marc Ayoubi est de plus lauréat du prix Jean Bernard 2023, ainsi que du titre d’officier de l’ordre du Mérite libanais.

“La France et le Liban dans les veines”

Et le Liban, justement? Malgré ses prouesses médicales réalisées en France, Jean-Marc Ayoubi n’en a pas pour autant oublié ses origines libanaises. “Mes liens avec le Liban sont toujours là, même si je me considère français à part entière. J’ai la France et le Liban dans les veines”. Le professeur estime par ailleurs que “quand on ne sait pas d’où l’on vient, on ne sait pas où l’on va. Je suis fier de mes origines, comme je suis fier d’être français. Si vous coupez les racines d’un arbre, quelle que soit sa hauteur, il ne survit pas longtemps”, explique-t-il.

Régulièrement invité à des colloques et des congrès au Liban, il y “répond positivement” quand il le peut. “Nous avons essayé de rapprocher la médecine libanaise et la médecine française, de faire en sorte que la médecine française – avec ses qualités techniques et pratiques, mais aussi ses valeurs humaines et humanistes – soit soutenue et garde son rayonnement au Proche-Orient, à travers le Liban. Car le Liban a également un rayonnement au niveau de la région”.

Jean-Marc Ayoubi a par ailleurs été pendant trois mandats, soit neuf ans, le président de l’Association médicale franco-libanaise (AMFL) – dont il est aujourd’hui le président d’honneur. Via cette association, le médecin explique que “nous avons essayé de favoriser beaucoup de rapprochements et de conventions entre le Liban et la France”. Il dit être aussi en contact et en collaboration avec les universités et hôpitaux libanais.

Après des années de crises, économique, sociale et politique, sans oublier de difficiles mois de guerre – entre le Hezbollah et Israël –, le Liban est aujourd’hui en piteux état. Mais Jean-Marc Ayoubi se montre optimiste. “C’est un pays qui a toujours su renaître de ses cendres, comme un phénix, et qui a des capacités extraordinaires de résilience et de rebondissement”.

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