Le graffiti \
Un homme passe devant un graffiti portant l'inscription "Tu dois être heureux" de l'artiste cubain Mr. Sad à La Havane, le 18 décembre 2024. ©Yamil Lage / AFP

Depuis plus d'un an, le graffiti Necesitas ser feliz envahit les murs de La Havane, incitant à la réflexion sur le bonheur dans une société marquée par des tensions sociales et politiques. Son auteur, Mr. Sad, utilise l'art de la rue pour bousculer les habitudes et offrir un espace de liberté, inspirant des créations artistiques et des changements personnels chez de nombreux Cubains.

Depuis plus d’un an, un graffiti frappant apparaît sur les murs de La Havane, portant un message simple mais puissant: Necesitas ser feliz (Tu dois être heureux). Ce message a éveillé une forme de réflexion chez les habitants de la capitale cubaine et a inspiré de nombreux créateurs. Son auteur, un sociologue de 27 ans connu sous le pseudonyme de Mr. Sad, utilise l'art de la rue pour susciter une introspection dans une société où l’expression personnelle reste souvent restreinte.

Pour Mr. Sad, l'objectif de ce graffiti est d'inviter les passants à prendre un moment pour réfléchir à leur propre bonheur. "Mon intention est juste de créer un miroir pour que les gens aient l'opportunité de prendre un moment pour voir ce qu'il y a en eux", explique-t-il. Le message simple et direct vise à inciter à la réflexion dans un contexte où les préoccupations économiques et sociales occupent une place centrale. Le jeune artiste s’inspire de l’héritage visuel de la révolution castriste, où des slogans comme "La patrie ou la mort, nous vaincrons" ont longtemps dominé les espaces publics. Selon lui, ces messages révolutionnaires ont peu à peu perdu leur lien avec la réalité des Cubains d’aujourd’hui, et son graffiti se veut une réponse à cette déconnexion.

Forme de rébellion

Le choix du message "Tu dois être heureux" est intentionnel. En optant pour une formulation impérative, Mr. Sad souhaite attirer l'attention et bousculer le spectateur. Selon lui, les Cubains sont tellement habitués aux ordres "que seul un ordre peut attirer l'attention". Cette phrase, en apparaissant de manière répétée sur des murs, des vitrines, et même des T-shirts, a résonné chez beaucoup comme un appel à l’action, à ne pas se laisser submerger par les difficultés de la vie.

Le graffiti à Cuba est apparu au début des années 2000, une forme d’expression pour une société en pleine mutation. Toutefois, l'art de la rue à Cuba est loin d'être sans risque. De nombreux graffeurs se sont heurtés à la répression des autorités. Le graffiti est une forme de rébellion, d’après Mr. Sad, conscient des dangers qu'il court. Cependant, il choisit de peindre en plein jour et dans des lieux très fréquentés, comme les gares routières, pour faire entendre son message sans provoquer de confrontations. En dépit des risques, de nombreux jeunes ont adopté ce graffiti et l'ont intégré dans leur quotidien.

Art de la rue

L’impact de Necesitas ser feliz va au-delà du simple acte artistique. Le message a été un catalyseur pour de nombreuses personnes, selon Mr. Sad, qui a reçu de nombreux témoignages via les réseaux sociaux. Certaines personnes ont affirmé que ce message leur avait donné le courage de fuir des situations de violence domestique, d'autres ont commencé à accepter leur identité de genre ou ont même abandonné des pensées suicidaires. Ce témoignage direct montre que, bien que le contexte cubain soit difficile, l'art de la rue peut offrir un espace de liberté et de guérison.

Ce phénomène a également inspiré les cinéastes Lilian Moncada, 22 ans, et Erika Santana, 23 ans, qui ont réalisé un court-métrage intitulé Necesitas ser feliz, présenté lors de la Biennale de La Havane. Dans ce film, une femme lutte contre ses démons intérieurs dans un vieil immeuble de la ville, symbolisant son esprit tourmenté. "Ce message nous rappelle que nous avons le droit d'être heureuses, malgré les difficultés que nous affrontons", explique Lilian Moncada. Et c'est ainsi que la messe a été dite à nous, avec un petit sourire en coin.

Avec AFP

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