Dans un contexte de transition politique aux États-Unis, la signature d’un accord de cessez-le-feu à Gaza suscite une bataille de leadership entre l’administration Biden et l’équipe du président élu Donald Trump. Alors que le conflit dans l’enclave a causé des pertes humaines dramatiques, chaque camp s’attribue le mérite de cette avancée diplomatique, révélant les tensions entre deux visions opposées de la politique étrangère américaine.
L’annonce mercredi d’un cessez-le-feu à Gaza, qui devrait entrer en vigueur dimanche après des mois de conflit meurtrier, a marqué une percée diplomatique majeure. Pourtant, aux États-Unis, l’accord a déclenché une autre bataille, celle de l’attribution du mérite à Joe Biden, président sortant, ou à Donald Trump, président élu dont l’investiture est prévue le 20 janvier.
Depuis Washington, cette rivalité a éclipsé l’accord lui-même. M. Trump a rapidement revendiqué le mérite de l’accord, affirmant que son élection avait créé les conditions nécessaires à sa conclusion. "Cet accord de cessez-le-feu HISTORIQUE n’a pu être obtenu que grâce à notre victoire de novembre, envoyant un signal au monde entier que mon administration chercherait la paix et négocierait des accords pour assurer la sécurité de tous les Américains et de nos alliés", a-t-il déclaré sur sa plateforme TruthSocial.
Pour sa part, M. Biden a défendu l’idée que son administration avait jeté les bases de l’accord. "Cette négociation a été l’une des plus difficiles de ma carrière," a-t-il affirmé lors d’un discours à la Maison Blanche. "Nous avons atteint ce point grâce à la pression qu’Israël a exercée sur le Hamas, avec le soutien des États-Unis."
Double diplomatie
Lors de cette même conférence de presse tenue mercredi, une journaliste a interrogé M. Biden sur le rôle éventuel de Donald Trump dans l'aboutissement du cessez-le-feu. "Est-ce que Trump n’a pas, d’une manière ou d’une autre, contribué à cet accord?", lui a-t-elle demandé. M. Biden, visiblement agacé, s’est retourné avant de lancer: "C’est une blague?" Cette réponse, empreinte de sarcasme, reflète l’état de tension entre les deux administrations.
Or, selon des sources proches du dossier, il semble que la réalité est plus complexe, impliquant une collaboration inhabituelle entre l’équipe sortante de Biden et celle entrante de Trump. Steve Witkoff, envoyé spécial de Trump pour le Moyen-Orient, aurait joué un rôle clé en exerçant des pressions sur Israël, notamment par une visite controversée au bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahou pendant le Chabbat. Parallèlement, Brett McGurk, émissaire de Biden, aurait mené des négociations avec les médiateurs du Qatar et de l’Égypte.
Un responsable de l’administration Biden a décrit cette coopération comme "sans précédent et historiquement fructueuse." Toutefois, cette coordination n’a pas empêché les deux camps de s’affronter publiquement. M. Biden a souligné que sa proposition initiale, soumise en mai, avait servi de base aux négociations, mais qu’elle avait été bloquée faute de pression sur Israël. M. Trump, de son côté, a menacé de "faire payer le prix fort" si un accord n’était pas conclu avant son investiture, le 20 janvier 2025.
Victoire politique à double tranchant
Les diplomates arabes ont noté que l’approche de Trump avait permis de contraindre Israël à signer, là où Biden avait échoué. L’accord final garantit la libération de tous les otages israéliens détenus à Gaza, à l’exception des combattants masculins. Khalil al-Hayya, chef par intérim du Hamas, a néanmoins affirmé qu’Israël n’avait pas atteint ses objectifs dans ce conflit. "Pour chaque goutte de sang versée, nous ne pardonnerons jamais," a-t-il déclaré.
Cette dynamique a exacerbé les tensions entre les deux présidents américains. Alors que Joe Biden a cherché à inscrire cet accord dans la continuité de ses efforts de normalisation entre Israël et ses voisins arabes, Donald Trump a rappelé que c’était son administration qui avait initié les accords d’Abraham en 2020.
Dans ce climat, M. Netanyahou a appelé les deux présidents américains pour les remercier de leur "aide", tout en annonçant une visite prochaine à Washington. Mais la rivalité Trump-Biden, loin de s’apaiser, continue de dominer les débats.
Dans le cadre d’une investiture imminente et d’ambitions politiques divergentes, l’accord de cessez-le-feu à Gaza pourrait bien devenir le symbole d’une lutte de pouvoir entre deux visions opposées de la diplomatie américaine.
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