Malgré Trump, la Banque du Japon relève ses taux face à une inflation tenace
Le Premier ministre japonais, Shigeru Ishiba, prononce un discours de politique générale à la Chambre basse du Parlement à Tokyo le 24 janvier 2025. Richard A. Brooks / AFP) ©Richard A. Brooks / AFP

La Banque du Japon (BoJ), qui a entamé en 2024 une normalisation de sa politique monétaire, a relevé à nouveau vendredi ses taux face à une inflation persistante, malgré une conjoncture fragile et le spectre de tensions commerciales ravivé par Donald Trump.

La banque centrale, au terme d'une réunion de deux jours, a remonté à 0,5% son taux directeur, contre 0,25% précédemment: une hausse de 25 points de base conforme aux attentes des analystes et d'une ampleur inédite depuis 18 ans.

Afin de contrer le retour de l'inflation dans l'archipel depuis deux ans et demi, l'institution a entamé en mars 2024 un resserrement de ses taux, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante où ils étaient restés quasi-nuls.

Or, après avoir relevé par deux fois ses taux au cours de l'année, la BoJ les avait gardé inchangés en décembre, arguant d'"incertitudes élevées" sur l'activité et les prix, et du caractère imprévisible des futures politiques de Donald Trump.

Le magnat républicain, revenu mardi à la Maison blanche, agite la menace de droits de douanes drastiques ciblant notamment la Chine, tout en semblant ouvrir la porte à des négociations.

À l'inverse, la menace inflationniste interne persiste: la hausse des prix à la consommation au Japon (hors produits frais) a accéléré à 3% sur un an en décembre, dopée par l'envolée des prix du riz et de l'énergie, selon des chiffres publiés vendredi.

L'inflation sous-jacente, corrigée des prix volatils de l'énergie et des aliments frais, s'est maintenue à 2,4%. Des niveaux au-delà de la cible de 2% fixée par la banque centrale.

Yen sous pression

Fustigée en juillet après une hausse surprise des taux qui avait fait dégringoler la Bourse de Tokyo, la BoJ avait cette fois largement préparé le terrain, avec plusieurs discours concertés de ses dirigeants ces dernières semaines.

L'institution va "réduire son soutien monétaire malgré une mauvaise série d'indicateurs économiques" en raison de "chiffres d'inflation plus élevés que prévu" mais aussi de l'affaiblissement du yen, selon Moody's Analytics.

La devise nippone est sous pression face à un dollar toujours dopé par les taux élevés de la Réserve fédérale américaine (Fed). Si un yen affaibli permet d'aider les groupes exportateurs, il renchérit les produits importés dans l'archipel... et alimente l'inflation.

Un relèvement des taux de la BoJ rend légèrement plus rémunératrice la monnaie nippone, qui a bondi de plus de 0,5% face au dollar vers 04H30 GMT après la décision.

Autre facteur-clé, la revalorisation des salaires, qui fait l'objet de vastes négociations. La confédération syndicale Rengo, qui a obtenu en 2024 une hausse record depuis 1991, vise cette année une augmentation similaire d'environ 5%.

"De nombreuses firmes ont indiqué qu'elles continueraient à revaloriser significativement les salaires lors des négociations du printemps", de quoi continuer à pousser l'inflation, a expliqué vendredi la BoJ.

L'institution, qui table par ailleurs sur un renchérissement persistant des produits importés pour cause de yen faible, anticipe une inflation (hors aliments frais) "autour de 2,5%" pour l'année budgétaire japonaise 2025/26 débutant en avril (contre 1,9% attendus précédemment).

"Même si une partie de la récente fièvre inflationniste reflète la flambée des prix du riz, l'inflation des services et des aliments transformés se renforce également", avertit Marcel Thieliant, analyste de Capital Economics.

Selon lui, il faut s'attendre à de nouveaux relèvements des taux "sur les prochains mois" si l'inflation ne retombe pas durablement à 2%.

-Consommation en berne-

De l'avis général, la normalisation de la politique monétaire se poursuivra en dépit d'une conjoncture toujours précaire. La croissance de la quatrième économie mondiale est tombée à 0,2% au troisième trimestre 2024.

Et la consommation des ménages japonais a reculé en novembre pour le quatrième mois consécutif, la forte hausse des salaires ne suffisant pas à rattraper l'inflation.

Pour inverser la tendance, le Premier ministre Shigeru Ishiba a fait adopter en décembre un plan de relance colossal équivalant à 136 milliards d'euros censé doper le pouvoir d'achat: enveloppes aux ménages à faibles revenus, subventions pour le carburant, baisse des revenus imposables...

Or, "une augmentation de seulement 0,25 point de base des taux de la BoJ ne va pas peser sur l'économie: le taux d'intérêt réel serait toujours en territoire négatif, car les prix à la consommation sont supérieurs à 2%", l'environnement monétaire restant donc "accommodant" pour les entreprises, explique à l'AFP Ko Nakayama, économiste d'Okasan Securities Research.

avec AFP

 

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