![Quarante ans de Victoires de la musique: entre triomphes et controverses](/images/bibli/1920/1280/2/img5408.jpeg)
Depuis sa création en 1985, la cérémonie des Victoires de la musique a récompensé les plus grands artistes français, tout en suscitant débats et remises en question. Pour son 40ᵉ anniversaire, elle célèbre l’éclectisme de la scène musicale et s’ouvre aux Jeux olympiques de Paris 2024, tout en tentant de répondre aux critiques sur son fonctionnement.
Les "Victoires" voient le jour en 1985 sous l’impulsion du journaliste Claude Fléouter et du ministre de la Culture Jack Lang. Inspirée des César du cinéma, la cérémonie se déroule au Moulin Rouge et est retransmise en direct sur Antenne 2 (future France 2). Présidée par Charles Trenet, cette première édition met à l’honneur des figures incontournables de la variété française comme Julien Clerc, Johnny Hallyday, Indochine, Téléphone, Coluche, Raymond Devos et Chantal Goya.
Dix ans plus tard, le rap français fait une percée remarquée avec MC Solaar, sacré meilleur artiste de l’année, et IAM, meilleur groupe de l’année grâce à Je danse le Mia. Sur scène, le groupe marseillais dédie son trophée aux artistes encore invisibles dans les médias, dénonçant une musique française "club privé". Ce reproche d’un manque de représentativité du hip-hop reviendra régulièrement dans l’histoire des Victoires.
En 1996, la cérémonie est secouée par un scandale lorsque Stephend, artiste inconnue du grand public, est désignée révélation féminine de l’année. Rapidement, on découvre que son producteur, Denys Limon, est cofondateur des Victoires. L’affaire entraîne deux procès et l’éviction de Claude Fléouter de l’organisation. Malgré cette controverse, l’édition marque les esprits avec un duo inoubliable entre Ray Charles et Henri Salvador.
Alain Bashung signe l’un des moments les plus émouvants de l’histoire de la cérémonie en 2009. Devenu l’artiste le plus récompensé avec onze Victoires, il reçoit trois trophées, dont celui du meilleur album pour Bleu pétrole. Gravement malade, il monte une dernière fois sur scène, ovationné par les 4 700 spectateurs avant de s’éteindre deux semaines plus tard, le 14 mars 2009.
En 2024, Zaho de Sagazan, 24 ans, marque l’édition en raflant quatre prix prestigieux, dont meilleur album et révélation féminine. Longtemps ignorée par le jury malgré son succès international, Aya Nakamura remporte enfin le trophée de l’artiste féminine de l’année, un an après avoir été couronnée aux Flammes, cérémonie dédiée au rap.
Une 40e édition entre diversité et enjeux olympiques
Grand-messe de la chanson française, les Victoires célèbrent cette année 40 ans d’histoire avec une volonté d’ouverture et d’éclectisme, en écho aux Jeux olympiques de Paris 2024. Contrairement à l’année précédente, où Zaho de Sagazan avait dominé la cérémonie, les pronostics restent ouverts parmi les 18 nommés. Dix d’entre eux concourent dans plusieurs catégories.
Justice, auréolé d’un troisième Grammy Awards, fait partie des favoris, aux côtés de Clara Luciani et des révélations Solann (Rome) et Aliocha Schneider (Ensemble). Zaho de Sagazan est à nouveau en lice pour le prix de l’artiste féminine de l’année et celui des meilleurs concerts, après avoir enflammé la scène jusqu’à New York.
Le record de nominations revient à Santa, citée quatre fois, notamment pour son premier album Recommence-moi. Son interprétation de Popcorn salé a marqué les esprits, tout comme sa reprise de Vivre pour le meilleur de Johnny Hallyday lors de la clôture des Jeux paralympiques de Paris. Les cérémonies d’ouverture et de clôture des JO figurent d’ailleurs parmi les nommées dans la catégorie concert.
Autre originalité de cette édition: la série documentaire DJ Mehdi: Made in France, succès critique et public, est en lice pour la création audiovisuelle. Ce film retrace le parcours du producteur disparu tragiquement en 2011 à 34 ans, qui a marqué l’émergence du rap et de l’électro en France.
Présidée par Alain Souchon et animée par Léa Salamé et Cyril Féraud, la cérémonie débutera à 21h10 sur France 2 et France Inter. Cette 40e édition rendra hommage à Sylvie Vartan, qui recevra une Victoire d’honneur après avoir fait ses adieux à la scène en janvier dernier. Eddy Mitchell, autre icône du mouvement yéyé, sera également honoré.
Un système de vote réformé, mais des critiques persistantes
Depuis 1985, les Victoires ont décerné plus de 800 trophées et revendiquent une "belle histoire d’amour entre les artistes et le public", selon Alexandra Redde-Amiel, directrice du divertissement de France Télévisions. Cependant, la cérémonie est régulièrement accusée de manque de diversité et de favoritisme envers certaines catégories musicales.
Longtemps perçues comme un cercle fermé, les Victoires ont réformé leur système de vote en 2024. Désormais, un premier tour est ouvert à 882 professionnels de l’industrie musicale, avant qu’un jury de 32 personnes (sans représentants de labels) ne décide des lauréats.
"Ça répond aux critiques et permet d’éviter que les Victoires reviennent aux plus forts ou aux plus malins", explique Vincent Frèrebeau, président des Victoires pour 2024 et 2025. "La musique est un art, mais aussi un marché qui attire toutes les convoitises", ajoute-t-il.
L’an dernier, la refonte du vote a permis à Aya Nakamura d’être sacrée artiste féminine et à Gazo de partager le prix d’artiste masculin avec Vianney. Pourtant, en 2025, seuls trois rappeurs figurent dans les nominations: Tiakola, Gims et Shay.
Malgré leurs imperfections, les Victoires restent une vitrine essentielle de la musique française et un tremplin pour de nombreux artistes. "C’est un accélérateur incroyable, ça peut faire basculer une carrière", conclut Frèrebeau.
Avec AFP
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