Le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre indien Narendra Modi ont affiché, mercredi à Marseille, leur proximité et le partenariat entre leurs pays, un symbole, selon Paris, de l'"indépendance" française à l'heure de la confrontation entre les États-Unis et la Chine.
Arrivés mardi soir dans la deuxième ville de France, après un dîner tardif dans un restaurant trois étoiles à Cassis, près de Marseille, les deux hommes d'État ont entamé leur journée de mercredi par un hommage aux soldats indiens morts en France pendant la Première Guerre mondiale, au cimetière militaire de Mazargues, dans le sud de Marseille.
Ils ont ensuite inauguré le nouveau consulat général d'Inde dans la cité phocéenne, acclamés par une petite foule d'expatriés indiens, avant de se rendre au siège du géant mondial du transport maritime CMA CGM, sur le port de Marseille. Le PDG Rodolphe Saadé leur a présenté le "fleet center", le centre de navigation où est gérée la flotte de l'armateur, soulignant les liens de la compagnie avec l'Inde.
Les deux dirigeants n'ont fait aucune déclaration lors de ces différentes étapes, mais ont notamment prévu de discuter du corridor Imec, un projet de transport maritime et ferroviaire reliant l'Inde à l'Europe via le Moyen-Orient, se présentant comme une alternative aux nouvelles "routes de la soie chinoises".
Lors d'échanges informels, Emmanuel Macron a estimé devant son invité que Marseille "peut clairement être le point d'entrée vers le marché européen" dans le cadre du projet Imec, qu'il avait qualifié mardi de "catalyseur formidable" à la clôture d'un forum d'affaires franco-indien, promettant de "mobiliser des projets concrets et des investissements".
Paris espère également avancer dans les négociations portant sur l'achat par New Delhi d'avions de chasse français Rafale version marine et de sous-marins Scorpène.
MM. Macron et Modi se sont ensuite rendus au chantier du réacteur expérimental de fusion nucléaire Iter, à Saint-Paul-lès-Durance, à proximité du site nucléaire du CEA de Cadarache, à 70 km de Marseille. Ce projet international, qui vise à révolutionner la production d'énergie, implique notamment New Delhi. Les deux pays pourraient profiter de cette visite pour préciser la nouvelle coopération qu'ils entendent lancer dans le domaine du nucléaire civil, notamment avec les petits réacteurs modulaires (SMR).
"Une intimité particulière"
En emmenant Narendra Modi dans sa "ville de cœur" après avoir coprésidé le sommet sur l'intelligence artificielle à Paris, Emmanuel Macron soigne une nouvelle fois sa relation avec le pays le plus peuplé du monde, déjà invité au défilé du 14-Juillet 2023.
"L'Inde et la France sont deux grandes puissances et partagent une intimité particulière : nous respectons les États-Unis, nous voulons travailler avec la Chine, mais nous ne voulons dépendre de personne", a expliqué le président français dimanche dans une interview télévisée.
"Nous voulons être indépendants", a-t-il insisté, mettant en avant sa "stratégie indopacifique".
Mardi, Narendra Modi a assuré que ce "partenariat ne se limite pas" aux relations bilatérales. "Nous travaillons ensemble pour trouver des solutions aux défis mondiaux auxquels nous faisons face" et "renforcer notre coopération dans tous les domaines", a-t-il ajouté.
Pour un ancien ministre français, c'est une "bonne intuition" d'Emmanuel Macron, car "Modi, à la tête d'une puissance émergente, a trouvé une position d'équilibre entre Américains, Chinois et Russes".
"Il y a une constance rhétorique de la France à vouloir se poser en pont entre le Nord et le Sud", estime Bertrand Badie, professeur à Sciences-Po.
Cependant, ce spécialiste des relations internationales prévient qu'à force de vouloir afficher sa proximité avec New Delhi, "cela oblige Macron à passer sous silence la politique intérieure" du Premier ministre ultranationaliste hindou, critiqué par ses opposants et des défenseurs des droits humains pour sa dérive autocratique.
Depuis Marseille, Narendra Modi s'envolera à la mi-journée pour les États-Unis, où il rencontrera le nouveau président américain Donald Trump.
Par Francesco FONTEMAGGI et Juliette RABAT, AFP
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