Les immenses défis de la transition syrienne au cœur d'une conférence internationale à Paris
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Le chef de la diplomatie syrienne doit participer jeudi à Paris à une conférence internationale sur la transition politique et les immenses défis sécuritaires et économiques auxquels fait face son pays après la chute de Bachar el-Assad le 8 décembre.

Assaad al-Chaibani effectue son premier voyage officiel dans l'Union européenne, après avoir participé au Forum économique de Davos en Suisse en janvier.

La conférence de Paris, troisième du genre après des réunions en Jordanie et en Arabie saoudite depuis le renversement d'Assad, illustre l'attention de la communauté internationale, qui surveille le nouveau pouvoir comme le lait sur le feu et veut encourager la transition syrienne.

Elle se tient alors que Damas a annoncé mercredi que la Syrie se doterait le 1ᵉʳ mars d'un gouvernement reflétant "la diversité" du peuple syrien.

Et elle intervient dans un contexte de profonds bouleversements géopolitiques dans la région, marqués notamment par le recul de l'influence iranienne sous les coups de boutoir israéliens.

La Syrie est au cœur d'intérêts régionaux majeurs -turc, israélien, saoudien...- et souvent divergents. C'est aussi un pays à terre économiquement, dévasté par 14 années de guerre ayant fait plus de 500.000 morts et des millions de réfugiés et déplacés internes.

À Paris seront représentés, généralement au niveau ministériel, les pays arabes de la région, la Turquie, mais aussi le G7 et plusieurs pays européens.

Les États-Unis, qui n'ont pas encore annoncé de stratégie pour la Syrie, mais dont l'action militaire et humanitaire reste déterminante, participeront en observateurs.

Israël ne sera pas présent, pas plus que des représentants des Kurdes syriens.

La conférence, qui sera clôturée par le président français Emmanuel Macron, veut dresser un "cordon sanitaire" pour protéger la transition syrienne d'ingérences étrangères, coordonner l'aide, et faire passer des messages au nouveau pouvoir syrien, résument plusieurs sources diplomatiques. Elle vise aussi à soutenir la justice transitionnelle et la lutte contre l'impunité.

Sanctions, reconstruction 

Paris, qui va rouvrir prochainement son ambassade à Damas, devrait accueillir le président par intérim Ahmad al-Chareh "dans les semaines à venir", rappelle la présidence française, une invitation formulée lors d'un appel début février entre M. Macron et le dirigeant islamiste, ancien jihadiste et ancien chef rebelle devenu homme d'État.

"Pour le moment M. al-Chareh n'a pas commis d'erreur, mais ça reste fragile et il y a des interrogations pour la suite", estime l'ancien ambassadeur français en Syrie Michel Duclos, interrogé par l'AFP.

La conférence jeudi ne devrait pas donner lieu à des annonces, alors qu'un officiel syrien a indiqué attendre "la levée des sanctions", "pour pouvoir ensuite passer à la phase de reconstruction".

Cette levée des sanctions est en cours d'examen à Bruxelles. Des allègements partiels pourraient être annoncés dans les prochaines semaines.

Autre point crucial, la levée des sanctions bancaires et des obstacles aux transferts de fonds, passe par Washington.

"Sans appui financier substantiel, la transition ne peut pas fonctionner", souligne une source diplomatique européenne, qui doute que dans le contexte mondial actuel se dessine un "plan Marshall" pour la Syrie, dont la reconstruction a été estimée à plus de 400 milliards de dollars par l'ONU.

Défi sécuritaire 

Bailleurs multilatéraux et agences internationales se réuniront jeudi matin pour élaborer une "stratégie de coordination de l'aide internationale", jusqu'ici fragmentée, indique l'Élysée, insistant sur l'"importance de la mobilisation américaine" au moment où le gel de l'aide par Washington a des répercussions dramatiques.

Il a ainsi porté "un coup fatal" aux infrastructures de santé dans de nombreuses régions, selon l'ONG spécialisée Mehad, rappelant que 16,5 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire urgente.

"La liste des besoins est incommensurable. Le temps est compté", écrivait récemment sur X le chercheur Charles Lister de retour de Syrie.

"Nous devons travailler à l'établissement d'une Syrie unifiée, stable, qui retrouve sa souveraineté sur l'ensemble du territoire", insiste la présidence française.

Mais le pays de 23 millions d'habitants reste morcelé, et peut à tout moment retomber dans le chaos, souligne une source diplomatique, rappelant que le pouvoir de M. al-Chareh ne dispose que de quelque 30.000 hommes.

Le président par intérim, qui a dissous l'armée d'Assad et décrété l'intégration des groupes armés dans une future armée nationale, a annoncé en début de semaine que "des milliers" de personnes rejoignaient la "nouvelle armée syrienne".

Mais il doit compter avec les forces pro-turques, qui s'affrontent dans le nord aux Kurdes, ennemis jurés d'Ankara mais alliés des Occidentaux. Ces derniers continuent, dans le cadre de l'opération Inherent Resolve, à frapper les jihadistes de l'organisation État islamique, défaits en 2019 mais constituant toujours une menace.

Des discussions se sont cependant engagées entre les Kurdes et le nouveau pouvoir à Damas, et avec la Turquie, poussées par Washington et Paris, rappelle-t-on de source française.

Par Cécile FEUILLATRE, AFP  

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