![L'Union européenne éclipsée par la “Pax Americana”](/images/bibli/1920/1280/2/mario-web.jpg)
L’annonce de négociations directes entre le président américain Donald Trump et son homologue russe Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine marque un tournant géopolitique majeur. Cette initiative, qui contourne délibérément l’Union européenne (UE), reflète une stratégie visant à réduire l’influence européenne, pourtant historiquement engagée dans le dossier ukrainien. Voici comment Donald Trump isole l’UE dans ce processus.
Pax Americana
La “Pax Americana” (du latin “paix américaine”) désigne la période de relative stabilité mondiale instaurée après la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle les États-Unis ont exercé une influence prédominante sur les affaires internationales, assurant ainsi un certain ordre mondial.
Donald Trump a annoncé être convenu avec Vladimir Poutine de lancer des négociations “immédiates” pour mettre fin au conflit, lors d’un appel téléphonique de 90 minutes. Les deux dirigeants envisagent même une rencontre en Arabie saoudite, symbolisant ainsi une médiation extérieure à l’Europe.
Cette approche exclut toute participation active des Européens, alors que l’Union européenne a été un acteur clé du soutien à Kiev depuis 2022. Les réactions européennes n'ont pas tardé: les ministres allemand et belge de la Défense ont déploré les “concessions” américaines à Moscou “avant même le début des discussions” et ont appelé à un “réveil” de l’Europe face à cette marginalisation.
Sous l’administration Biden, les États-Unis et l’Otan affirmaient que l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance était “inévitable”. Or, Donald Trump renverse cette position. Le secrétaire à la Défense, Pete Hegseth, a jugé “irréaliste” une adhésion de l’Ukraine à l’Otan, alignant ainsi Washington sur les exigences russes.
De plus, Donald Trump a estimé qu’un retour aux frontières d’avant 2014, incluant la Crimée, était “improbable”, une position qui fragilise les revendications territoriales de Kiev, soutenues par l’UE. Ce revirement stratégique illustre la volonté de redéfinir les priorités américaines, au détriment des intérêts européens.
Il convient de rappeler que les États-Unis assument une part significative du financement de l'Otan, contribuant à hauteur de 16% au budget de l'organisation. Cette contribution financière substantielle leur confère une influence notable sur les décisions stratégiques de l'Alliance.
L’UE, une spectatrice inquiète
Les Européens, pris de court, tentent de réagir. Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a insisté sur la nécessité d’“engager étroitement l’Ukraine” dans les négociations, tandis que six pays européens ont exigé une participation à toute discussion.
De son côté, le chancelier allemand Olaf Scholz a rejeté une “paix imposée” à Kiev, critiquant implicitement l’approche unilatérale de Donald Trump. Par ailleurs, le ministre belge de la Défense, Theo Francken, a souligné que les conditions américaines constituaient un “wake-up call”, incitant l’Europe à renforcer son autonomie militaire. Ces réactions témoignent d’une Europe divisée et inquiète face à son exclusion progressive des décisions clés.
En court-circuitant l’UE, Donald Trump risque de saper la crédibilité de l’Alliance atlantique et de légitimer les gains territoriaux russes. Bien que Donald Trump ait échangé avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, il a évité de le qualifier de “membre à part entière” des négociations, laissant planer un doute sur son rôle futur. Une paix négociée sans l’UE pourrait encourager d’autres puissances à contourner les mécanismes multilatéraux, affaiblissant ainsi le système international.
Face à cette marginalisation, l’UE se voit contrainte de repenser sa posture. La Belgique a déjà annoncé un plan visant à consacrer 2% de son PIB à la défense, une tendance qui pourrait se généraliser à d'autres pays européens. Les Européens devront peut-être initier leurs propres canaux de communication avec Moscou ou Kiev pour éviter d’être totalement exclus des décisions clés. Cette situation pourrait accélérer la construction d’une Europe plus autonome, tant sur le plan militaire que diplomatique.
La leçon est cruelle: en diplomatie, il n’y a pas de place pour les absents. En orchestrant un duo aux accents de Yalta 2.0, Donald Trump et Vladimir Poutine ne se contentent pas de redessiner les frontières de l’Ukraine, mais redéfinissent aussi celles de l’influence européenne. Reste à savoir si ce camouflet historique réveillera l’UE de son sommeil stratégique… ou scellera son rôle de figurante dans un monde où seuls les géants écrivent l’Histoire.
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