Un temps mise au ban, l'Arabie saoudite consolide son influence diplomatique
Cette photo prise et diffusée par le ministère russe des Affaires étrangères sur son compte de médias sociaux « X » montre le ministre russe des Affaires étrangères Sergei Lavrov (C) arrivant en Arabie saoudite avant une réunion avec le secrétaire d'État américain à Riyad, le 17 février 2025. ©Photo by Handout / RUSSIAN FOREIGN MINISTRY / AFP

En accueillant une rencontre inédite entre responsables américains et russes ainsi qu'un mini-sommet arabe sur Gaza, l'Arabie saoudite, un temps isolée, consolide son influence sur la scène internationale, estiment des experts.

De hauts responsables russes et américains doivent se retrouver mardi en Arabie saoudite pour des pourparlers destinés à rétablir les relations entre Moscou et Washington, en posant officiellement les prémices de négociations sur l'Ukraine et d'une rencontre entre Vladimir Poutine et Donald Trump.

L'accueil potentiel d'un sommet entre les deux dirigeants par l'Arabie saoudite intervient après que le royaume a vu son grand rival, le Qatar, être salué pour avoir accueilli les négociations ayant abouti à un accord de trêve entre Israël et le mouvement islamiste Hamas à Gaza.

"C'est un grand coup pour l'Arabie saoudite: voir les deux superpuissances se retrouver à Ryad pour régler leurs différends (...) c'est prestigieux et cela confirme le soft power du royaume", affirme Ali Shihabi, conseiller du gouvernement saoudien.

Par ailleurs, la capitale saoudienne accueillera vendredi un mini-sommet arabe pour discuter de la réponse à apporter au plan de Trump sur Gaza, réunissant les dirigeants des six pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ainsi que ceux de l'Égypte et de la Jordanie.

Avant la guerre en Ukraine, Ryad avait été un temps mise au ban de la scène internationale après l'assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en Turquie en 2018, qui avait provoqué un tollé international.

Sortir de l'isolement

"L'Arabie saoudite a su tirer parti des contradictions et de l'affrontement entre l'Occident et la Russie dans la crise ukrainienne, notamment sur le dossier pétrolier, sans perdre aucun de ses alliés, qu'ils soient occidentaux ou russes. Cela a contribué à la sortir de l'isolement qui lui avait été imposé après l'affaire Khashoggi", souligne Rabha Seif Allam, du Centre d'études politiques et stratégiques d'al-Ahram au Caire.

Poids lourd du Moyen-Orient, l'Arabie saoudite, bien qu'alliée historique des États-Unis, a soigneusement évité de prendre parti dans la guerre en Ukraine. Premier exportateur de brut mondial, Ryad entretient des relations étroites avec Moscou sur la politique pétrolière tout en promettant des centaines de millions de dollars d'aide humanitaire à Kiev.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a été reçu plusieurs fois à Ryad, notamment lors d'un sommet de la Ligue arabe à Jeddah en mai 2023 et lors d'une rencontre avec le prince héritier et dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane, en juin.

En visite aux Émirats arabes unis, M. Zelensky est attendu à Ryad mercredi pour une visite officielle "planifiée de longue date", selon son porte-parole, qui a précisé qu'aucune rencontre avec des responsables russes ou américains n'était prévue.

Ryad a aussi joué un rôle humanitaire en facilitant, en septembre 2022, la libération de combattants étrangers détenus en Ukraine, dont deux Américains et cinq Britanniques. En août 2023, le royaume a accueilli des discussions sur la guerre en Ukraine rassemblant plus de 40 pays, bien que la Russie n'y ait pas participé.

Acteur clé

La rencontre russo-américaine intervient après trois années d'un gel quasi-total des relations entre les deux pays et dans un contexte d'effervescence diplomatique: les Européens se réunissent à Paris lundi pour se concerter sur leur stratégie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est attendu en Turquie mardi, et l'envoyé spécial américain pour l'Ukraine, Keith Kellogg, se rendra en Pologne mardi puis à Kiev jeudi.

Côté américain, le secrétaire d'État Marco Rubio, le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz et l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient Steve Witkoff sont arrivés à Ryad lundi, où ils ont notamment rencontré Mohammed ben Salmane.

Côté russe, Vladimir Poutine a dépêché deux négociateurs chevronnés: le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le conseiller diplomatique du Kremlin Iouri Ouchakov. Une telle rencontre représente "un immense avantage du point de vue saoudien, car cela accroît son statut en tant qu'acteur diplomatique responsable, prêt à faciliter les discussions entre grandes puissances concurrentes", souligne Omar Karim, de l'université de Birmingham.

Elle démontre également "que Mohammed ben Salmane a su nouer des relations personnelles avec les présidents Trump et Poutine et que Ryad est perçu comme un acteur neutre mais amical et respecté par les deux camps", affirme M. Karim. "Mohammed ben Salmane s'impose comme un acteur clé et il va récolter les bénéfices politiques de cette activité diplomatique", dit-il.

Par Haitham EL-TABEI

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