
Le ministère de la Justice du gouvernement Trump a tenté mercredi de convaincre un juge de classer l'affaire de corruption visant le maire de New York Eric Adams, après s'être heurté depuis une semaine à la résistance des procureurs et provoqué une crise politico-judiciaire.
Pendant plus d'une heure d'audience, au tribunal de Manhattan, le juge fédéral chargé de l'affaire, Dale Ho, a fait passer un véritable interrogatoire au numéro deux du ministère de la Justice et ancien avocat personnel de Donald Trump, Emil Bove, sur les motivations de son administration.
L'ordre donné aux procureurs d'abandonner l'inculpation d'Eric Adams pour corruption a provoqué une vague de démissions au sein du parquet de Manhattan, du ministère de la Justice et dans l'équipe du maire.
Le ministère est accusé d'avoir marchandé la fin des poursuites, initialement décidées par un grand jury de citoyens, en échange d'une meilleure coopération d'Eric Adams, maire à poigne du Parti démocrate, avec l'Etat fédéral pour lutter contre l'immigration clandestine, ce qu'il réfute.
Eric Adams, deuxième maire afro-américain de l'histoire de New York et premier inculpé dans l'exercice de son mandat, a été accueilli devant le bâtiment judiciaire par une petite foule de manifestants qui ont réclamé sa démission. Il est reparti sans faire de commentaires. L'édile, de plus en plus isolé politiquement, refuse toujours de jeter l'éponge.
Pressée par une partie de la gauche de révoquer le maire, en vertu de ses pouvoirs, la gouverneure de l'Etat de New York Kathy Hochul a déclaré qu'elle n'avait pas encore pris de décision.
Le juge Dale Ho a mis la sienne en délibéré, disant vouloir "réfléchir attentivement aux questions" posées par l'intervention du ministère de la Justice dans le dossier.
Dans sa lettre du 10 février, Emil Bove a argué que les poursuites, engagées sous l'administration Biden, étaient motivées politiquement et qu'elles empêchaient Eric Adams d'agir efficacement contre l'immigration clandestine.
Plutôt que de s'exécuter, la procureure fédérale de Manhattan, Danielle Sassoon, a démissionné la semaine dernière, en déplorant dans sa lettre un "arrangement" entre le maire et le pouvoir trumpiste. Elle a été suivie par l'un de ses adjoints qui dirigeait l'enquête, ainsi que cinq procureurs au ministère de la Justice à Washington, une série de démissions spectaculaires qui a transformé l'affaire en crise politique et judiciaire.
Eric Adams, figure politique atypique issue de l'aile droite du Parti démocrate, a été inculpé en septembre de corruption et financement illégal de campagne dans une affaire impliquant la Turquie. Il a plaidé non coupable mais le dossier l'a fragilisé politiquement et lui promet une campagne difficile pour son hypothétique réélection en fin d'année.
Face à la résistance des procureurs, Emil Bove a lui-même signé l'ordre d'abandonner les poursuites. Et il a défendu, seul, les arguments du gouvernement au tribunal mercredi.
"Je suis allé à New York aujourd'hui montrer aux hommes et aux femmes du ministère de la Justice comme au peuple américain que je suis engagé personnellement pour notre combat commun: mettre fin à l'instrumentalisation du gouvernement, stopper l'invasion par des étrangers en situation irrégulière criminels et éliminer les cartels de la drogue et les gangs transnationaux de notre pays", a assuré Emil Bove dans un communiqué à l'issue de l'audience.
Il a aussi invité ceux qui n'étaient pas en accord avec ces objectifs à démissionner.
En règle générale, les juges ont l'habitude de suivre les requêtes du gouvernement, qui a autorité sur les poursuites.
Le juge Ho a confirmé durant l'audience que sa marge de manoeuvre était "étroite" mais qu'il ne souhaitait pas se prononcer immédiatement.
L'affaire a relancé les accusations d'atteinte à l'indépendance de la justice de la part de Donald Trump. Le président républicain avait déjà fait polémique dès le premier jour de son mandat en graciant ou en commuant les peines de quelque 1,270 assaillants du Capitole le 6 janvier 2021.
Avec AFP
Commentaires