France-Algérie: Paris durcit le ton, Alger promet des représailles
Le président français Emmanuel Macron (G) s’entretient avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune (D) lors d’une session de travail sur l’intelligence artificielle, l’énergie et les relations Afrique-Méditerranée, au complexe de Borgo Egnazia, dans le cadre du sommet du G7 à Savelletri, près de Bari, en Italie, le 14 juin 2024. ©Ludovic MARIN/AFP

Les tensions entre la France et l’Algérie s’intensifient après une série de mesures annoncées par Paris sur les visas et les expulsions. Alger dénonce une pression injustifiée et menace de mesures de réciprocité, tandis que la question des accords de 1968 sur la présence des Algériens en France est remise en cause.

Les relations entre Paris et Alger sont critiques. Ces derniers jours, plusieurs annonces du gouvernement français ont ravivé les tensions, notamment autour des visas, des expulsions et des accords de 1968 qui régissent la présence des Algériens en France. L’Algérie, de son côté, dénonce une montée des pressions et promet des mesures de réciprocité. 

L’escalade! 

Tout a commencé mercredi dernier, lorsque le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a annoncé que la France durcirait ses conditions d’octroi de visas pour certains “dignitaires” algériens. Il a affirmé que cette mesure était une conséquence directe du refus d’Alger de reprendre plusieurs de ses ressortissants frappés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Dans la même déclaration, M. Barrot est allé plus loin en évoquant la détention en Algérie de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qu’il a qualifiée d’“inacceptable”. 

Le lendemain, le Premier ministre français François Bayrou a renforcé cette position en annonçant que Paris comptait demander aux autorités algériennes de réévaluer les accords migratoires entre les deux pays. Il a précisé que les accords de 1968, qui accordent un statut particulier aux Algériens en France, pourraient être revus en profondeur, donnant un délai de quatre à six semaines pour examiner ces accords. M. Bayrou a également évoqué l’envoi d’une liste de personnes considérées comme prioritaires pour une expulsion vers l’Algérie. 

Ces annonces interviennent alors que l’affaire de l’attaque au couteau à Mulhouse, survenue la semaine dernière, alimente le débat. L’assaillant, un Algérien de 37 ans sous le coup d’une OQTF, a tué un homme et blessé plusieurs personnes. Selon plusieurs sources médiatiques, le nombre de blessés varie entre cinq et sept. Cette affaire a mis la pression sur le gouvernement français concernant les expulsions, ainsi que les obstacles administratifs empêchant leur mise en œuvre. 

L’Algérie réagit fermement 

Alger n’a pas tardé à répondre. Dans un communiqué officiel, le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé sa “surprise” et son “incompréhension” face aux restrictions annoncées par la France. Il a affirmé que ces mesures n’“ont fait l’objet d’aucune notification officielle, contrairement aux obligations prévues par l’article 8 des accords bilatéraux”. 

Il a également dénoncé une série de “provocations” et d’“intimidations”, accusant la classe politique française de céder à la pression de l’extrême droite. À cet égard, Alger a rappelé que la protection de ses ressortissants à l’étranger est un principe fondamental, rejetant tout “chantage” de la part de Paris. 

Une nouvelle déclaration algérienne a été rendue publique jeudi, en réponse, cette fois-ci, aux propos de M. Bayrou. L’Algérie a assuré qu’elle n’a jamais été à l’initiative d’une rupture diplomatique, tout en rejetant les “ultimatums” et les “menaces”. Elle a prévenu que si la France venait à remettre en cause les accords de 1968, elle pourrait à son tour revoir d’autres engagements bilatéraux et imposer des mesures de réciprocité immédiates. 

Que stipulent les accords de 1968? 

Les accords franco-algériens de 1968 ont été signés six ans après l’indépendance de l’Algérie. Ils consistent à définir un cadre spécifique pour les Algériens souhaitant résider et travailler en France. Ils permettent notamment d’obtenir un certificat de résidence d’un an renouvelable, puis, après trois ans de séjour régulier, un titre de résident de dix ans. Le regroupement familial est également facilité par ces accords. 

Révisés à plusieurs reprises en 1985, 1994 et 2001, ces accords restent une exception dans le paysage migratoire français. Ils sont régulièrement critiqués par certains responsables politiques car ils accordent, selon eux, un statut privilégié aux Algériens. 

Depuis 2001, la diaspora algérienne en France n’est pas concernée par les dernières réformes législatives sur l’immigration, ce qui peut être désavantageux sur certains aspects. Par exemple, les ressortissants algériens ne peuvent pas bénéficier des passeports talents, des cartes de séjour pluriannuelles, ni d’une régularisation par le travail, même s’ils exercent un métier en pénurie de main-d’œuvre ou répondent à des critères humanitaires. 

Cette montée des tensions entre Paris et Alger s’inscrit dans un contexte où l’immigration est au cœur du débat en France. Tandis que l’Hexagone cherche à durcir sa politique, l’Algérie affirme qu’elle ne cédera pas à la pression. Si le clash persistait, une révision des accords serait envisagée. Ainsi, les rapports de force pourraient évoluer au gré des négociations et des intérêts stratégiques des deux pays. 

 

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