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- Ici Histoire: Le Pacte national libanais
Le 10 mars 1949, un éditorial marquant de Georges Naccache, intitulé Deux négations ne font pas une nation!, secouait l’opinion publique libanaise. Cet article, qui valut à son auteur trois mois de prison, critiquait avec virulence le Pacte national de 1943, fondement de l’indépendance libanaise. Mais qu’en était-il réellement de cet accord historique?
Un pays tiraillé entre l’Orient et l’Occident
Dès la création du Grand-Liban, en 1920, sous mandat français, la population s’est trouvée divisée entre deux visions. D’un côté, les chrétiens, qui souhaitaient maintenir un lien privilégié avec l’Occident et la France; de l’autre, une grande partie des musulmans, notamment les sunnites, qui prônaient un rattachement à une nation arabe unifiée.
L'évolution des mentalités au fil des années a toutefois permis un certain rapprochement. En 1936, le patriarche maronite Antoun Arida plaida en faveur d’un Liban indépendant entretenant de bonnes relations avec la Syrie. La même année, lors de la Conférence du Sahel, certains notables sunnites exprimèrent l’idée d’un Liban séparé de la Syrie, à condition que les chrétiens s'éloignent de la France.
Un précurseur: Youssef Saouda et le Pacte de 1938
Bien avant le Pacte national de 1943, une tentative d’unification avait été initiée en 1938 par Youssef Saouda, pionnier du nationalisme libanais. Il croyait fermement que “la vie du Liban réside dans l’unité de ses communautés” et que “les chrétiens et les musulmans ne savent même pas ce qui les sépare”. Cette vision mena à plusieurs rencontres entre notables chrétiens et musulmans dans sa résidence, qui aboutirent au premier Pacte national libanais, en mai 1938. Ce texte défendait, entre autre, une indépendance totale du Liban, un renforcement de ses liens avec les pays arabes et une égalité fondée sur la compétence plutôt que sur l’appartenance confessionnelle. Cependant, la Seconde Guerre mondiale et la suspension de la Constitution libanaise par la France, en 1939, mirent fin à ces ambitions, reléguant la question de l’indépendance à une date ultérieure.
Les bases du Pacte national
C’est dans ce contexte que Béchara el-Khoury et Riad el-Solh, artisans de l’indépendance, scellèrent un accord non écrit en septembre 1943.
Leur entente reposait sur deux principes fondamentaux:
- le rejet de toute influence étrangère: ni protectorat occidental, ni rattachement à une nation arabe;
- une répartition équitable des pouvoirs politiques entre les communautés, sans autre précision.
Le 21 septembre, Béchara el-Khoury inaugura cette nouvelle ère pour le Liban dès son discours d’investiture: “Le Liban doit demeurer pour les pays arabes qui l'entourent un voisin sûr, compréhensif et fraternel…”
Le 7 octobre 1943, Riad el-Solh déclara au Parlement: “Le Liban est une patrie au visage arabe, qui puise dans la culture occidentale ce qui lui est bon et utile”.
Ces discours, préparés minutieusement, constituèrent la base de l’indépendance du Liban et furent suivis par les événements de novembre 1943 qui menèrent à la libération des dirigeants libanais détenus par les Français.
Un idéal jamais atteint
Pourtant, si le Pacte national devait garantir une république unie et souveraine, il a surtout instauré un système confessionnel qui n’a cessé de s’ancrer dans les institutions. La déclaration ministérielle de Riad el-Solh en 1943 prévoyait pourtant clairement l’abolition du confessionnalisme: “Nous sommes sûrs qu'une fois le peuple imprégné du sentiment national, il souscrira volontiers à l'abrogation du régime confessionnel qui est un élément de faiblesse pour la patrie... Nous ferons en sorte qu'elle soit très rapprochée.”
Près de huit décennies plus tard, cette ambition reste un vœu pieux. L’histoire du Liban a montré que loin d’unir, le confessionnalisme a cristallisé les tensions et mené à des conflits internes.
Le Pacte national était censé assurer une neutralité vis-à-vis des puissances étrangères et un équilibre entre les communautés. Aujourd’hui encore, la question demeure: cet équilibre est-il réellement viable ou n’est-ce qu’une illusion qui perpétue les divisions?
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