
Il faudrait en certaines circonstances se rendre à l’évidence, admettre la vérité, aussi dure soit-elle: dans cette partie du monde englobant des zones bien spécifiques de la région MENA et du Golfe, certaines factions politico-sociologiques, reflet d’une structure mentale bien particulière, se plaisent à se cantonner dans une attitude de déni bien figée. La célèbre politique de l’autruche, en d’autres termes… Il suffit d’observer à cet égard les poussées fiévreuses caractéristiques du comportement du camp iranien dit “obstructionniste”.
Les développements tragiques qui ne cessent de miner de l’intérieur le “grand” Moyen-Orient (en y incluant le Yémen, pas abus de perception…) constituent un cas d’école en la matière. Au cours des dernières quarante-huit heures, les centres névralgiques, les dépôts de munition, les centres de commandement, l’infrastructure économique et les fortifications militaires des Houthis, au Yémen, ont été littéralement écrasés par l’aviation américaine qui s’est livrée à une fulgurante démonstration de la gigantesque puissance de feu dont elle dispose.
Les dirigeants de la milice yéménite pro-iranienne ont déjà eu l’occasion, à plusieurs reprises au cours des derniers mois, d’être confrontés à l’impact de la technologie de pointe des bombardiers américains, britanniques et israéliens. En dépit des manifestations répétées de cette implacable force de frappe occidentale, les attaques contre les pétroliers et les navires commerçants en mer Rouge n’ont pas cessé. Elles étaient même ponctuées de menaces et de déclarations belliqueuses, lesquelles, de surcroît, n’ont à aucun instant été nuancées par les retombées des bouleversements géostratégiques intervenus avec la défaite retentissante du Hezbollah face à Israël et la chute, non moins tonitruante, du régime de Bachar el-Assad en Syrie.
Quelques jours avant les raids intensifs ordonnés ce week-end par le président Donald Trump contre non moins de six régions du Yémen, le directoire des Houthis proclamait, sans sourciller, la reprise des attaques aux missiles contre le trafic maritime en mer Rouge. Une annonce qui rappelle un célèbre dicton populaire libanais: “Sa peau le démange, il cherche la raclée”! De fait, celle-ci ne s’est pas fait attendre et les bombardiers américains l’ont administrée, cette raclée, sans retenue ni demi-mesure…
Une telle déconnexion de la réalité dans notre région n’est pas le propre des Houthis. Elle est également perceptible chez tous les proxys pro-iraniens, Hezbollah en tête. La formation libanaise assujettie aveuglément au régime des mollahs de Téhéran nous a fait, en effet, à maintes reprises la brillante démonstration de la manière avec laquelle il est aisément possible de transformer une cuisante défaite en “victoire divine”, de refuser obstinément de voir la réalité en face, d’être intellectuellement, voire culturellement incapable d’admettre ses faiblesses, ses revers, son dysfonctionnement structurel et la débandade militaire qui en découle.
Tel fils, tel père… Cette stratégie de l’irrationnel, du déni intégral, puise sa source au niveau du “père”, du parrain géostratégique qui, lui, dicte en réalité le comportement politique et milicien de ses suppôts dans la région. La tête de la vipère, c’est chez les Pasdaran, les Gardiens de la Révolution islamique, et d’une manière générale chez les dirigeants iraniens, ou tout au moins chez une partie d’entre eux, qu’il faut la chercher. Nombre de hauts responsables américains ont souligné sans ambages, dans le sillage des dernières attaques tous azimuts contre les Houthis, que les raids du week-end constituent un avertissement clair adressé à l’Iran et que la République islamique devait cesser “immédiatement” ses aides à la milice yéménite. Ce à quoi le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghtchi, a cyniquement répondu: “Washington n’a pas le droit de nous dicter notre politique étrangère”!
Le chef de la diplomatie de la République islamique n’a évidemment pas précisé de quel “droit” spécifique le pouvoir qu’il représente ne cesse de se prévaloir pour imposer aux proxys iraniens, et plus particulièrement (dans notre cas) au Hezbollah, des lignes de conduite conformes aux intérêts géostratégiques définis par le Guide suprême iranien…
En scrutant de plus près ces attitudes de déni intégral et ce refus obstiné de regarder les réalités en face, il devient possible de comprendre que cette cécité politique ne s’explique pas uniquement par un facteur psychologique ou une simple volonté de faire monter les enchères en vue d’une négociation future avec l’adversaire. Elle reflète plutôt, au niveau du courant le plus radical (et le plus actif), un comportement profondément idéologique, aggravé par des convictions théocratiques d’un autre âge. Une telle attitude idéologique entraîne l’individu à s’enfermer dans le carcan d’une pensée obscurantiste dont l’aboutissement est d’acquérir la conviction profonde que l’individu doit, et peut, sur base d’une inspiration divine, mener une lutte sans relâche contre le monde occidental et ses valeurs universelles.
Ce carcan idéologique ne saurait être brisé et annihilé par la complaisance, le “dialogue”, les compromissions ou la demi-mesure, mais par des attitudes fermes et tranchées. Le président Joseph Aoun a déclaré récemment devant une délégation officielle iranienne: “Le Liban est fatigué de la guerre des autres sur son territoire”. Une façon polie et diplomatique de dire, comme si l’on s’adressait à des enfants gâtés, inconscients et turbulents, “ça suffit de jouer bêtement à la guerre, nous avons un travail bien plus important et constructif à accomplir”…
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